Prix Leica Oskar Barnack 2022 : Kiana Hayeri primée pour sa série sur les femmes afghanes

Kiana Hayeri est lauréate du Leica Oskar Barnack Award 2022 avec sa série Promises Written on the Ice, Left In the Sun. Valentin Goppel, lui, remporte le prix Newcomer grâce à sa série Between the Years. Les deux séries primées traitent chacune de l’insécurité dans des contextes bien différents : être une femme sous le régime taliban et la jeunesse pendant la pandémie. Elles sont exposées au musée Ernst Leitz en Allemagne jusqu’en janvier 2023.

Prix Leica Oskar Barnack

Le Prix Leica Oskar Barnack, en l’honneur du photographe et ingénieur inventeur du premier prototype d’appareil photographique compact 24×36, récompense depuis 1979 le meilleur reportage photo reçu par le jury. Le gagnant remporte 40 000 euros et 10 000 euros de matériel photographique Leica. Le Prix Newcomer est quant à lui destiné à récompenser des jeunes talents de moins de 28 ans

Les deux lauréats de la 42e édition du Prix Leica Oskar Barnack ont été annoncés par les jurés du concours lors d’une cérémonie au siège de Leica Camera à Wetzlar en Allemagne.

Si les deux séries gagnantes traitent de sujets bien différents, l’une de l’Afghanistan et l’autre de la pandémie, elles mettent pourtant en avant un sentiment commun : celui de l’insécurité.

Kiana Hayeri
© Kiana Hayeri, Promises Written on the Ice Left in the Sun

Kiana Hayeri : lauréate du Grand Prix LOBA 2022

C’est la photographe canadienne Kiana Hayeri qui remporte le grand prix cette année avec sa série Promises Written on the Ice, Left In the Sun

Née à Téhéran (Iran), Kiana Hayeri déménage à Toronto (Etats-Unis) à l’adolescence. Mais l’adaptation à un tout nouvel environnement en pleine période de construction s’avère difficile pour la jeune fille. Pour franchir le fossé culturel et linguistique auquel elle est confrontée, elle se consacre à la photographie. 

L’expérience personnelle de la photographe a donc un impact majeur sur son travail aujourd’hui — ses sujets de prédilection étant l’adolescence, la migration, l’identité et la sexualité dans des pays déchirés par la guerre. Basée aujourd’hui à Kaboul, en Afghanistan, elle couvre le pays depuis 7 ans pour des journaux tels que Le Monde, le New York Times, Harper’s Magazine, Foreign Policy, le Washington Post, le Wall Street Journal et bien d’autres. 

A travers ses photographies, Kiana Hayeri partage les histoires de ses voyages et des personnes qu’elle rencontre. Elle se considère d’ailleurs comme une conteuse d’histoires. Dans ses séries, elle aborde divers thèmes à travers des portraits saisissants. Parmi celles-ci, on y retrouve par exemple They Killed Their Husbands. Now in prison, They Feel Free publiée dans le New York Time. La photographe y transmet l’histoire de ces femmes afghanes qui n’ont pas eu d’autres choix que de tuer leur mari pour se libérer de leur emprise abusive, et qui ont aujourd’hui enfin trouvé une forme d’espoir et de liberté en prison. 

Un travail consacré aux femmes afghanes

Kiana Hayeri place les femmes au centre de son travail et cherche à montrer au monde les histoires et conditions de vie terribles de nombreuses d’entre elles. Abordant la condition des mères célibataires en Afghanistan, la migration des jeunes filles iraniennes ou encore les souffrances psychologiques des femmes afghanes, la photographe dénonce et combat pour le droit des femmes oppressées.

Kiana Hayeri
© Kiana Hayeri, Promises Written on the Ice Left in the Sun

Sa série Promises Written on the Ice, Left In the Sun récompensée par le Prix Leica Oskar Barnack 2022 s’ancre également dans ces valeurs et ces combats. Ce projet nait à la suite de l’invasion des talibans en Afghanistan durant l’été 2021. En quelques jours, toutes les évolutions du pays en matière de droit pour les femmes, de liberté d’expression ou de droits à l’éducation ont été réduits à néant, plongeant le pays dans la peur et l’insécurité. Avec son travail photographique, Kiana Hayeri dénonce tout en rendant hommage à ces femmes abandonnées dans le chaos

Mon travail se concentre sur les femmes afghanes, ces mêmes femmes qui ont été placées au centre de l’effort de guerre pour les libérer, peu après l’invasion américaine en Afghanistan. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles ont le sentiment d’avoir été abandonnées.

Kiana Hayeri

A travers sa série désormais primée, la photographe capture et montre au monde un pays d’extrêmes où se côtoient le pire et le meilleur de l’humanité : peur et courage, horreur et héroïsme, oppression et combat. 

Valentin Goppel : grandir en pandémie

Le Prix Leica Oskar Barnack récompense également Valentin Goppel avec le Prix Newcomer pour sa série Between the Years. Ensemble de photographies exprimant également le sentiment d’abandon, de rupture et de bouleversement, la série de Valentin Goppel se confronte à un autre type d’insécurité : la pandémie

Né en 2000, le jeune photographe a connu comme le reste de sa génération ses premières années de jeune adulte en plein confinement. Confirmant une sensation de désorientation et de solitude déjà bien présente au sein de cette génération, la pandémie de 2020 a brisé les habitudes d’un grand nombre tout en faisant régner un sentiment d’incertitude

Pour mieux comprendre ses émotions dans cette situation inédite, Valentin Goppel s’est plongé dans la photographie. Avec sa série Between the Years, il explore l’impact de la pandémie sur sa génération en capturant des sensations que l’on croyait avoir perdues : le contact, la foule, les réunions ou encore le toucher. 

© Valentin Goppel, Between the Years

Tous deux traitant de sujets bien différents, les deux lauréats partagent pourtant des émotions communes à travers leurs séries respectives : l’insécurité et l’abandon. Les travaux de Kiana Hayeri et de Valentin Goppel sont exposés jusqu’en janvier 2023 en Allemagne et sont à retrouver sur leurs sites.