À moins d’une heure de Paris, l’Abbaye Royale de l’Épau fête la dixième édition de son festival photographique jusqu’au 6 novembre prochain avec six artistes exposés et divers ateliers et installations ludiques sur le thème Patrimoines en scène, patrimoine sensible. Tous les espaces sont mis à profit au cœur de cette belle bâtisse cistercienne : les œuvres sont présentées à la fois en extérieur, à la lumière naturelle filtrée par les platanes, sur les murs de l’Abbaye ou encore à l’intérieur des salles autrefois habitées par les moines.
Ce parcours photographique à ciel ouvert nous permet de traverser des thématiques sociales et environnementales parmi les travaux sélectionnés par le festival ; partir à la découverte d’une forêt, photographier des animaux qui se raréfient, saisir le quotidien de jeunes Congolais qui étudient dans un contexte difficile… patrimoine et héritage sont au service de ces sujets contemporains, toutes les installations se font face, entrent en dialogue entre elles et avec le lieu, cet édifice à l’histoire chargée qui n’obstrue en rien les tirages accrochés dans des scénographies travaillées.
Charles Delcourt : L’île d’Eigg
La série documentaire de Charles Delcourt nous raconte le quotidien de 105 habitants d’une île autogérée et autonome, située sur la côte ouest de l’Écosse, île dont ils sont propriétaires.
Comme un fragment d’une société, une vie « comme avant » – ou plutôt, à contre-courant –, cette communauté est composée de personnes d’horizons et d’origines différentes, rassemblés autour de leur attirance pour la vie insulaire. Un mode de vie alternatif qui, peut-être, pourrait servir de modèle ou d’inspiration pour imaginer un autre avenir… la possibilité d’une île.
Les photographies de Charles Delcourt, à l’image de l’île, sont peuplées de chiens de berger dont la tâche quotidienne est de rassembler les moutons, bientôt tondus, de situations complètement anachroniques, voire burlesques, et de paysages paradisiaques, presque irréels. Le soleil entre par une ouverture, comme dans un tableau de Vermeer, et dépose avec douceur sa lumière sur ses habitants, humains comme animaux.
Alain Szczuczynski : Du Chêne Lorne à la Vallée des Pierres
On s’éloigne de l’île pour rejoindre la forêt avec l’exposition d’Alain Szczuczynski, installation sonore et photographique qui nous convie à plonger dans l’ambiance si particulière d’un sous-bois.
Une rencontre avec la nature et ses occupants, ses oiseaux ses mammifères. Une rencontre humaine, aussi, puisque son projet a été guidé par Jean-François Clémence, un forestier qui a travaillé une quarantaine d’années à l’Office National des Forêts.
Très jeune la nature a été un monde qui m’a attiré, aujourd’hui encore, j’aime son silence et ses mystères qui ne se laissent approcher qu’avec lenteur et délicatesse. Tout le contraire d’un monde bruyant où tout va vite et se consomme immédiatement.
Alain Szczuczynski
Baudoin Mouanda : Les fantômes des corniches
Retour à la ville, cette fois à Brazzaville au Congo. Le long des lampadaires, des jeunes, assis ou debout, cahiers à la main, révisent leurs cours, récitent à leurs camarades, tentent de mémoriser ce qu’ils ont noté dans la semaine. Les coupures de courant sont fréquentes voire systématiques, alors quand la nuit tombe, aucune solution sinon sortir et retrouver la lumière des corniches, des grands boulevards ou d’un aéroport.
Les espaces publics sont investis d’une nouvelle fonction, celle d’une bibliothèque à ciel ouvert, un lieu relativement calme et éclairé qui permet à ces étudiants de réviser leurs cours – presque – sereinement. Lui-même originaire du Congo et natif de Brazzaville où il a pris toutes ces photographies, Baudoin Mouanda a ancré sa démarche dans les souvenirs de sa propre expérience, lorsqu’il étudiait dans les rues, en errance, à la recherche de la moindre source de lumière et d’un peu de calme ; et c’est ainsi, fort de son expérience, qu’il nous montre le contexte que les jeunes congolais doivent affronter pour pouvoir s’instruire.
De retour au Congo, Baudoin Mouanda travaille actuellement sur la construction d’un centre photographique qui concentrerait une bibliothèque, un laboratoire photo et une galerie d’exposition pour promouvoir la culture de son pays en sa capitale et permettre, grâce aux reportages, de faire connaître l’identité multiple de la région à la population.
Eric Pillot, Pauline Daniel et Pierrot Men exposent également leurs photos durant ce parcours photographique.
Toutes les informations sur le festival et ses expositions sont à retrouver sur le site web du département de la Sarthe.
Informations pratiques :
Saison photo de l’Epau 2022
Du 15 juin au 6 novembre 2022
Abbaye Royale de l’Épau, route de Changé, 72530 Yvré-l’Evêque
du mercredi au dimanche, de 11h à 18h
Tarifs : 5,50 € (jeune : 3 €, réduit 4 €)