© Dimitra Dede / Courtesy Spot home Gallery, Naples Mayflies Andermatt, Suisse, 2016

Dimitra Dede, Àpeiron : une photographie poétique au service de l’expression de soi

Considérée aujourd’hui comme une figure importante de la photographie contemporaine, l’artiste grecque Dimitra Dede est actuellement exposée à la galerie Le Château d’Eau (Toulouse). Son exposition, Àpeiron (du grec ancien à, absence, et peras, limite – considéré comme le principe, infini et éternel), offre un aperçu d’une grande partie de son travail, allant de sa première monographie jusqu’à des œuvres encore inédites.

© Dimitra Dede / Courtesy Spot home Gallery, Naples Mayflies Andermatt, Suisse, 2016

Dimitra Dede propose sa définition propre de la photographie : un moyen de dire « je » et de dévoiler ses parts d’ombres en passant par la métaphore, l’allégorie… bien loin de l’illusoire objectivité de l’image censée représenter et reproduire la réalité du monde ; une manière de faire cesser l’idée d’une photographie uniquement documentaire, impartiale, et de faire émerger la possibilité de l’expression d’une subjectivité à travers l’image. Une formulation poétique servie par un travail plastique : le cliché est une matière, grattée, abimée, transformée, et le réel disparaît au profit d’une vision où les glaciers se confondent aux montagnes, aux drapés d’un linceul ou aux formes d’une peau.

© Dimitra Dede / Courtesy Spot home Gallery Naples Mayflies Shroud Rhone Glacier, Suisse, 2017

Cet univers sombre et mystérieux avait besoin d’éclaircissements ; c’est pourquoi nous avons rencontré la photographe afin qu’elle réponde à nos questions.

Expliquez-nous le sens du titre de cette exposition « Àpeiron »

Il y a cette idée fondamentale derrière ce travail, quelque chose comme une représentation d’une quête intérieure. Nous venons d’un sombre inconnu et nous finissons dans un sombre inconnu, en attendant il y a cet éclair de lumière, de vie, vers lequel nous allons sans connaissance, sans direction… et nous essayons de trouver notre chemin et une raison d’avancer.

À l’été 2020, Origini Edizioni, l’éditeur de mon livre Apeiron, m’a demandé de leur envoyer un corpus sur lequel je travaillais. Quand je leur ai envoyé ce travail, ils sont revenus vers moi avec ces beaux mots sur l’Apeiron d’Anaximandre et mon travail : « Toutes les choses du monde proviennent d’un élément constitutif unique, simple, universel, indistinct qui définit Apeiron, ici : cela me semble la représentation de votre photographie ; l’image qui rassemble l’élément unitaire et indistinct du tout. J’aimerais donc travailler avec cette idée de base de ce livre, comme si on cherchait l’Apeiron, la pierre angulaire de la vie. »

J’ai été époustouflé par cette idée et ce qu’elle transmettait. Nous avons donc décidé d’utiliser Apeiron comme titre du livre. Plus tard, nous avons décidé avec Cristina Ferraiuolo et Michael Ackerman d’utiliser le même titre pour l’exposition.

© Dimitra Dede / Courtesy Spot home Gallery, Naples Mayflies Evia, Grèce, 2016

Comment êtes-vous devenu photographe ?

C’était juste avant que je commence mes études d’ingénieur civil, lorsqu’un de mes amis qui était réalisateur m’a offert son vieux Nikon F-501. J’ai commencé à photographier intensivement pendant un certain temps. À ce moment-là, il est devenu évident pour moi que je n’étais pas très satisfait du choix de carrière que j’avais fait. J’ai changé mon chemin vers des études de photographie, et je ne l’ai jamais regretté.

© Dimitra Dede / Courtesy Spot home Gallery, Naples Mayflies, Londres, 2014

Pourquoi combiner la photographie avec d’autres médiums plastiques pour obtenir l’image que vous souhaitez ?

Pour moi, l’image finale et ce qu’elle communique exactement est la partie la plus importante d’une œuvre. La voie et les moyens utilisés pour y parvenir ne devraient pas être limités. Si une photo ne semble pas complète lorsque je l’imprime, je la retravaillerai en ajoutant des « couches » d’approches artistiques différentes et, espérons-le, de sens.

Cette expérimentation est-elle nécessaire pour construire votre récit artistique ?

Quand je vois un négatif ou une impression, j’ai cette réponse presque automatique sur la façon dont l’image finale « devrait être » pour correspondre au récit que j’ai en tête. Ensuite, je commence à travailler dans ce sens en utilisant mes mains et les outils disponibles, les produits chimiques, le feu… tout ce que je peux penser.

© Dimitra Dede / Courtesy Spot home Gallery, Naples Mayflies, Athènes,1995

Comment la photographie permet-elle de dire « je » ?

Je crois que les expériences personnelles et les questions intérieures sont le moteur de toute création artistique. La partie représentation subjective de la photographie combinée à la sincérité vous donne les outils pour dire « je ».

Pouvez-vous nous parler de votre utilisation allégorique de la photographie comme moyen d’expression de soi ?

La photographie et probablement l’art en général ne sont pas toujours des processus conscients. De nombreuses images semblent venir inconsciemment et peuvent avoir besoin d’être décodées afin d’être utilisées pour un travail spécifique. Par exemple, je ne me suis jamais arrangé pour prendre les photos des glaciers recouverts de tissu comme une représentation allégorique du corps froid et couvert de linceul de ma mère lors de ses funérailles. Quand j’ai visité les glaciers, j’ai juste senti que je devais prendre ces photos. Il m’a fallu du temps pour réaliser le lien et faire cette « lecture ».


Merci à Dimitra Dede pour ses réponses.

Infos pratiques :
Dimitra Dede, Àpeiron
Galerie Le Château d’Eau
Du 8 avril au 15 mai 2022
1 Place Laganne, 31300 Toulouse
Du mardi au dimanche de 13h à 19h
Exposition en entrée libre