April Fool 2020 ©Erwin Olaf

Entretien avec Erwin Olaf, entre pandémie et photographie noir et blanc

La dernière exposition « 2020 & Before – A Journey in Black and White » du photographe Erwin Olaf est à la fois une réaction aux évènements qui traversent actuellement le monde et un hommage à la photographie en noir et blanc. Le photographe s’est exprimé sur son choix du monochrome pour ce parcours contemporain et intemporel.

Erwin Olaf à la Galerie Rabouan Moussion © Romain Darnaud

« April Fool 2020 » : une série sur l’actualité

En 2019, le travail d’Erwin Olaf a été exposé dans plusieurs lieux à travers le monde, et le Rijksmuseum d’Amsterdam présentait 500 de ses oeuvres, pour célébrer ses 40 ans de carrière. Aujourd’hui, Erwin Olaf continue de réagir à l’actualité par le biais de la photographie et de la mise en scène. Plus que l’objet photographique en lui-même, c’est la conception même de l’exposition qu’il a cette fois modelée en réaction à cette phase obscure que nous traversons. Elle est à découvrir à la Galerie Rabouan Moussion jusqu’au 13 février 2021, en entrée libre.

Au coeur de cette découverte sur les différents usages et significations du noir et blanc dans son oeuvre, « April Fool 2020″, sa nouvelle série, confronte directement le sujet de la pandémie. À partir du stupéfiant et de l’invraisemblable, sa série se focalise sur les sentiments que cette crise sanitaire inspire, tout comme sur ses conséquences sociales et personnelles.

« C’est une série sur l’impuissance, la stupéfaction que j’ai ressenties lorsque la propagation du virus a pris de l’ampleur. »

« C’est fou de vivre dans un monde où l’on a accès à des armes de pointe, la capacité de combattre des choses énormes et de se retrouver si impuissants faces à des corps microscopiques. Lorsque la pandémie a été annoncée, j’ai commencé la série April Fool 2020 dans les jours qui ont suivis. Elle est en couleur, mais ces couleurs restent discrètes, pâles. C’est une série sur l’impuissance, la stupéfaction que j’ai ressenties lorsque la propagation du virus a pris de l’ampleur », a déclaré le photographe.

9 : 45 am, April Fool @ Erwin Olaf

La série est légendée, attribuant à chaque cliché une heure de cette longue journée de pandémie. On suit ainsi un personnage qui endosse le costume de clown triste, égaré dans un monde incompréhensible. Se mettant lui-même en scène, Erwin Olaf est coiffé d’un chapeau qui lui rappelle le bonnet d’âne imposé à l’école comme punition. Le personnage traverse la pandémie, au cœur d’un monde déserté.

L’intemporel de la photographie en noir et blanc

Avec l’obscurité comme maître-mot, le nouveau projet du photographe met en lumière le caractère intemporel et véritablement contemporain du noir et blanc. D’ailleurs, le cliché monochrome représente les débuts de sa carrière.

C’est pour des raisons purement esthétiques qu’il y revient, avec la pochette du nouvel album du groupe Indochine. Réalisées en 2019 pour leur nouvelle compilation « Singles Collection 2001-2021 » et leur nouveau titre « Nos Célébrations », ces photo ont été réalisées dans un bâtiment désaffecté. « La couleur aurait rendu l’endroit trop sublime. Le noir et blanc donne cet aspect brut que je recherchais », déclare Erwin Olaf.

Et puis, parmi les séries de ses débuts, réalisées exclusivement en studio, on retrouve Chessmen (1987/88) ou encore Ladies Hats (1985), qu’il a complétée pour l’exposition. « Ces hommes étaient gênés de porter ces grands chapeaux, qui sont, à la base, des accessoires plutôt féminins », se remémore t-il. « J’ai ajouté des photographies à cette série pour l’exposition, car c’est une série qui parle de genres, et je voulais mettre en avant la définition de genres qui a changé depuis 1985 ».

« Ladies Hats » de Erwin Olaf, Galerie Rabouan Moussion © Romain Darnaud

Dans la série « Blacks », les modèles plongés dans l’obscurité ont les yeux bandés. La série, qui date de 1990, était inspirée d’une chanson de Janet Jackson « Dans l’obscurité totale, nous sommes tous les mêmes, c’est seulement nos connaissances et notre sagesse qui nous séparent. Ne laissez pas vos yeux vous décevoir. » Les paroles dénoncent la discrimination, en rendant l’obscurité créatrice d’égalité.

Indochine @ Erwin Olaf

Si la photographie noir et blanc est devenue un choix artistique, elle était autrefois plutôt du ressort de la contrainte technique (coût onéreux et difficulté du développement couleur). « J’ai commencé la photographie avec le noir et blanc. Cela a représenté une importante partie de ma carrière », a déclaré le photographe néerlandais. « À l’époque, il n’y avait pas Photoshop. C’était compliqué de restituer les bonnes couleurs de peau avec la photographie couleur, alors que le noir et blanc donnait un rendu parfait. Ce n’est qu’avec l’arrivée du logiciel que la couleur m’a permis de réaliser les photographies que j’avais en tête. »

A Journey in Black & White nous offre un voyage dans un univers où beau et réalité se confrontent, à parcourir à la Galerie Rabouan Moussion dans une exposition photo prolongée jusqu’au 13 février 2021. En attendant, le photographe envisage bien de revenir au monochrome même si « en cette période d’épidémie, les possibilités, les installations de shooting restent limitées » a t-il déclaré.

Informations pratiques :
Erwin Olaf : 2020 & Before – A journey in Black and White
Galerie Rabouan Moussion
11 rue Pastourelle, 75003 Paris
Du lundi au samedi, de 10h à 19h30
Entrée libre

Pour découvrir l’intégralité des séries d’Erwin Olaf, rendez-vous sur son site officiel.

Pour plus d’informations sur l’exposition, rendez-vous sur le site de la Galerie Rabouan Moussion.