© Sabine Weiss

« Emotions » de Sabine Weiss, dans les archives de la photographe humaniste

Photographe singulière, Sabine Weiss est souvent considérée comme la dernière représentante de la photographie humaniste d’après-guerre, aux côtés deBrassaï ou de Willy Ronis. Repérée à l’âge de 28 ans par Robert Doisneau, la photographe suisse, âgée de 96 ans, présente une œuvre complète avec la sortie d’un nouvel ouvrage Émotions, qui regroupe plus de 200 clichés monochromes, paru aux éditions de La Martinière.

Émotions, Sabine Weiss aux éditions La Martinière

Un hommage de papier à une légende de l’image

Sabine Weiss s’initie dès ses 12 ans à la photographie et est rapidement repérée et célébrée pour ses images. En 1955, trois de ses photos font partie de l’exposition The Family of Man organisée par Edward Steinchen au MoMA à New York. Sabine Weiss vient également d’être lauréate du prix Women in Motion pour la photographie 2020.

Exposition Sabine Weiss : une vie de photographe, au Kiosque de Vannes

Les éditions La Martinière fêtent aujourd’hui à leur tour cette légende de la photographie en nous permettant de découvrir ou redécouvrir 200 de ses plus beaux clichés noirs et blancs grâce à un superbe livre : Émotions.

Gitane, Saintes-Maries-de-la-Mer, 1960 © Sabine Weiss

Traverser plus de 50 ans en 200 images

C’est la photographe elle-même qui a choisi ces 200 photographies : comme un ersatz du travail d’une vie. Images devenues iconiques et photos inédites sont enfin rassemblées ici. Les années 50 à 90 se teintent d’une même patine sur la pellicule de Sabine Weiss. Profondément humanistes, ces photos se confondent et font fi du temps et des frontières.

Violoniste, Hongrie, 1982 © Sabine Weiss

Les mots introductifs de Marie Desplechin titrés Enfance de l’art soulignent l’émotion et la justesse du cadrage, de la composition, mais aussi de la lumière, travaillées avec soin par cette grande dame de l’image. Les portraits et scènes de vie immortalisés par Sabine Weiss savent toutefois s’affranchir des règles et des standards de la photographie pour revendiquer une aspérité brute, une imperfection qui renforce le caractère vivant de ces images.

Quand Sabine Weiss confie à Marie Desplechin aimer ses propres photos, ce n’est aucunement pour des raisons d’égo. De ses clichés, la photographe retient l’histoire qui se cache derrière une image précise, le souvenir lié à une rencontre et le travail de composition qui a pu rendre cet instant éphémère bel et bien immortel.

Raconter leur histoire, transmettre son émotion

Ma petite dame, Budapest, Hongrie, 1982 © Sabine Weiss

Ces photographies prises sur le vif, en marge des reportages et du travail de commande de Sabine Weiss pour la mode ou la publicité, images qui mériteraient à leur tour de nombreux autres ouvrages, fixent des instantanés pris au détour des rues et au hasard des rencontres humaines. Le regard de la photographe s’est posé avec tendresse sur ces mendiants, ces vieillards, ces gitans et ces enfants que beaucoup ne voient plus.

Ni tout à fait photographie documentaire, ni complètement oniriques, ces clichés saisissent avec poésie l’intensité d’un regard et l’authenticité d’une expression. Pour Sabine Weiss, « dans chaque photographie se cache une histoire à raconter, une émotion, mon émotion ». La présence de cette artisane de l’image se devine subtilement tant les visages, la force de leur regard et leur attitude imprègnent l’image et notre imagination.

« Je suis encore émue par tous ces visages, ces attitudes, ces atmosphères, ces solitudes, ces regards, ces baisers ».

Sabine Weiss

Sabine Weiss photographie pour transmettre des émotions et le revendique encore et toujours, comme dans son avant-propos : « Je suis encore émue par tous ces visages, ces attitudes, ces atmosphères, ces solitudes, ces regards, ces baisers ».

Bal du dimanche, Nazaré, Portugal, 1954 © Sabine Weiss

Enfants saisis dans leurs jeux innocents des ruelles de Malte au jardin du Luxembourg, bal du dimanche gitan au Portugal, couples enlacés retirés dans leur monde loin de l’agitation citadine, vendeur de journaux à la criée… L’émotion ressentie ne tient pas tant à la nostalgie d’une époque qu’à la candeur des visages croisés par la photographe sur son chemin et l’empathie que Sabine Weiss transmet derrière l’objectif de l’appareil dont elle demeure inséparable.

L’homme Qui Court, Paris, 1953 © Sabine Weiss

Le livre photo Émotions, photographies de Sabine Weiss et texte introductif de Marie Desplechin, est proposé aux éditions La Martinière (240 x 285 mm). Le livre de 256 pages est disponible au tarif de 39 € en librairie, sur la plateforme Les Libraires ainsi qu’à la Fnac ou sur Amazon.