« The Color Work » est la première monographie couleur de la photographe Vivian Maier, sortie aux éditions Harper Collins. Cet ouvrage a été réalisé en collaboration avec la galerie new-yorkaise Howard Greenberg qui donnait une exposition du même nom de septembre 2018 à janvier 2019. Il regroupe les travaux en couleur de la photographe devenue incontournable en 2010 après que John Maloof ne fasse l’acquisition de ses photographies lors d’une vente aux enchères.
150 clichés de la photographe la plus mystérieuse de la profession – qui était nourrice chez différentes familles de Chicago, tout en s’adonnant à la photographie dans l’ombre – sont rassemblés dans l’ouvrage. Ils ont été sélectionnés parmi les 40 000 clichés couleur capturés sur film Ektachrome par la photographe américaine durant les 30 dernières années de sa vie.
L’histoire Maier
Petit rappel du mythe Maier : Lorsque John Maloof se rend à une vente aux enchères de Chicago en 2007, il fait l’acquisition pour 380$ de boites contenant des centaines de négatifs photo et d’un nom, celui de Vivian Maier. Il travaille alors sur un livre sur l’Histoire de Chicago et recherche de la documentation. Rien n’apparait lorsqu’il tape le nom de Vivian Maier dans son moteur de recherches.
Découvrant des photographies sublimes, mais qui ne correspondent pas à ses recherches, il stocke les boites pendant deux ans le temps de savoir que faire de cette acquisition. Ce n’est que deux ans plus tard qu’il retape le nom de Vivian Maier et tombe sur un article annonçant sa mort survenue dans l’année. Il part alors sur ses traces, découvrant qu’elle était une nourrice ayant travaillé chez différentes familles américaines.
Vivian Maier vient de mourir et elle s’apprête à devenir un nom incontournable dans l’histoire de la photographie. John Maloof est à l’origine des deux précédents ouvrages publiés sur Vivian Maier « Vivian Maier : Street Photographer » et « Vivian Maier : Selfs-Portraits » ainsi que des premières expositions faisant connaître la photographe. « Vivian Maier : The Color Work » est la première monographie couleur de la photographe réunissant 150 clichés. L’ouvrage n’est parut pour l’instant qu’en anglais.
Première monographie couleur de Vivian Maier
La monographie de 240 pages au format 26,9 x 32,3 cm a une grande qualité d’impression sur papier photo, signé Harper Collins et comprend un avant-propos de Joel Meyerowitz, maitre de la photographie de rue.
En première partie de l’ouvrage, le conservateur Colin Westerbeck présente la photographe et décrypte son écriture photographique. À la liste des contributeurs s’ajoute Howard Greenberg, galeriste majeur de photographie et bien sur John Maloof.
Rassemblant la plus large collection et la plus grande qualité des photographies couleur publiées à ce jour de la nourrice inconnue devenue une figure majeure de la photographie de rue, souvent comparée à Eugene Atget et Lee Friedlander, l’ouvrage comprend également des photographies de Henri Cartier-Bresson, Garry Winogrand, Lee Friedlander et Eugène Atget en introduction, pour comparer les procédés qu’utilisait Vivian Maier, nécessitant une certaine connaissance de la photographie. L’introduction de Colin Westerbeck tente d’éclairer cette question.
Le livre s’ouvre sur l’un des célèbres auto-portraits de la photographe, se reflétant dans un triptyque de miroirs alors qu’elle ajuste la lumière — donnant le ton des photographies du mythe Vivian Maier qui suivent.
Les images sont datées à partir des annotations des enveloppes sur lesquelles Vivian Maier rangeait ses négatifs ; certaines se sont vues attribué une date approximative. C’est tout le travail de conservateur qui a été nécessaire pour éclaircir le mystère Maier.
Leur projet commun : rassembler les clichés couleur de la photographe qui utilisait également la pellicule noir & blanc ; et présenter ces clichés dont l’auteur n’a jamais pu parler puisqu’elle a été reconnue à titre posthume.
De multiples questions subsistent autour de Vivian Maier, qui lorsqu’on lui demandait ce qu’elle faisait dans la vie répondait « Je suis une espionne ». Étudiait-elle les canons esthétiques de son époque, allait-elle à des expositions photo ? Devant l’équilibre de ses compositions, le contraste des couleurs et des attitudes des personnes qu’elle photographiait, elle a su imposer un véritable regard sur les rues de Chicago, et d’autres lieux —lors d’un voyage à travers le monde qu’elle a réalisé — qui restent à ce jour non identifiés. « Unknown location » s’inscrit sous de nombreuses photographies du livre comme rappelant le caractère anonyme de Vivian Maier qui pouvait s’adonner à sa passion sans sentir peser la critique de ses contemporains ; ce qui lui a conféré cette liberté totale d’expression dans son art.
« Une inconnue vient d’atterrir au beau-milieu de l’histoire de la photographie »
« Chicago, Novembre 1977 », le chapitre central du livre Plates ; présentant les planches couleur de la photographe, suit l’introduction. Il s’ouvre sur le visage de cette femme âgée, portant un manteau de fourrure blanc, un bonnet et un foulard. La photographie est prise frontalement, l’une des spécialités du style Maier, qui demandait aux gens dans la rue la permission de les photographier, lorsqu’elle ne le faisait pas par surprise, avec son Rolleiflex qui permet une visée à hauteur de poitrine. Elle ne regarde pas l’objectif et l’on voit derrière elle, dans le flou, se dessiner les rues de Chicago. Vivian Maier photographie les passants qui ont une tenue, une posture originale, qui attirent l’oeil. Il en ressort un véritable portrait de ses contemporains.
Les photographies sont datées de 1956 à 1987, la plupart reflétant les années 70. On y découvre des images des enjeux de l’Amérique, comme le mouvement afro-américain des droits civiques ; des auto-portraits souvent reflétés dans un miroir ; des photographies des enfants qu’elle gardait — toujours capturées dans des poses originales, intégrant les personnes à leur environnement lorsqu’elle ne les met pas en opposition ; des photographies qui sont transpercées par le regard malicieux, esthétique et étudié de la photographe.
On retrouve également sa curiosité pour les mannequins de vitrines qu’elle met parfois en scène avec de véritables personnes, pour les dos des passants faisant face à leur environnement, pour les clichés en jeu de miroir, à travers une vitre ou un miroir (de surveillance dans un supermarché, ou un morceau de verre brisé à même le sol).
« Vous devez voir ce travail — une femme inconnue vient d’atterrir au beau milieu de l’histoire de la photographie ».
Joel Meyerowitz
Des situations décalées qu’elle capture avec un oeil malicieux. Un travail des lignes et des ombres que l’on retrouve également dans ses photographies de paysage. L’oeuvre couleur de Vivian Maier est décrite par Joel Meyerowitz en introduction, comme « des portraits tendres et de magnifiques moments d’action gelée, des scènes de rue, des enfants jouant ; des détails subtils et des gestes magnifiquement observés et cadrés, tout comme des clichés de la vieillesse, de la misère, et des âmes perdues de Chicago et de New-York« .
Finalement, cet ouvrage est un livre majeur de l’histoire de la photographie de rue. Il rassemble des clichés couleur démontrant de grandes connaissances en photographie ; brossant un paysage du Chicago des années 70/80 à travers un regard de photographe déguisée en nourrice dont personne ne se méfiait.
Il est une pièce supplémentaire du puzzle du mystère Maier. Une bonne idée cadeau ou d’acquisition d’un beau livre, alors que Vivian Maier ne cesse de monter dans sa reconnaissance post-mortem auprès du public, ainsi que du monde de l’art et de la photographie.
Le livre Vivian Maier, « The Color Work » est disponible est tarif de 75€ en librairie ainsi que sur le site Fnac ou Amazon.
Pour plus d’informations sur le travail de Vivian Maier, vous pouvez consulter notre Zoom Photographe. Aussi, le documentaire « À la recherche de Vivian Maier » suit John Maloof dans sa recherche sur l’identité de la photographe à travers l’Amérique, avec des interviews des enfants dont elle s’occupait.