Pour un photographe de portrait, il existe bon nombre d’optiques et de focales, qu’elles soient fixes ou non, et s’arrêter à un choix unique peut parfois nous priver de bien des surprises, bonnes ou mauvaises. Lorsque l’on cherche une focale fixe, on a tendance à chercher au delà de 50mm pour éviter la déformation, et il existe pléthore de 85mm, tous les constructeurs en proposent aujourd’hui, de plus ou moins bonne facture.
Les 100mm ont un rôle également, notamment chez les photographes beauté qui vont s’orienter naturellement vers les versions macro, mais au-delà, que reste t-il ? C’est dans cette optique que j’ai pu tester durant un mois le SIGMA 135mm f/1.8 DG HSM ART, voir ce qu’il est possible d’obtenir comme rendu sans passer par un 70-200mm, en réalisant plusieurs séries de portraits et des vidéos !
SIGMA est une marque d’origine japonaise fondée en 1961 par Michihiro Yamaki, fabricant d’objectifs, puis de boîtiers via le SD9 et son système de capteur FOVEON x3. SIGMA est présent en France depuis Juin 1993.
De toutes les focales que j’ai pu avoir en main, le 135mm est celle qui attisait le plus ma curiosité. Ma seule expérience avec cette focale fixe était avec le 135mm f/2 L USM de Canon, une optique de référence depuis 1996, et dont les qualités optiques ne sont plus à prouver.
Sommaire
La découverte
Premier constat en sortant l’étui du carton : il pèse son poids ! 1,130 kilos, contre 750g pour la version Canon, ou 805g pour le 24-70mm f/2.8 L II USM testé précédemment, la différence se ressent immédiatement ! Aussi rassurant que contraignant de prime abord, on pense que poids = solidité, mais aussi que poids = séances d’ostéopathe à prévoir après plusieurs heures le boîtier à la main. Pour rappel j’utilise un 5D Mark IV, on arrive donc à près de 2 kilos en incluant la batterie !
Esthétique et ergonomie du Sigma 135mm f/1.8 DG HSM ART
Esthétiquement, le 135mm f/1.8 DG HSM ART reprend tous les codes du haut de gamme SIGMA : épuré, moderne, sobre, on est bel et bien sur une gamme élitiste. A 135mm on est donc sur une focale et un fût longs, avec le pare-soleil monté on frôle les 15cm de long hors boîtier, un beau bébé ! La disposition des commutateurs d’autofocus est logique et leur forme est très facile à saisir du bout des doigts, même l’œil dans le viseur, on reconnaît aisément le bouton permettant d’activer ou non l’AF, plus gros que celui basculant entre les modes autofocus : minimum à 1,5m / 1,5m à l’infini / Full.
La bague de mise au point est très large, permettant une prise en main ultra confortable et précise, aussi bien en photo qu’en vidéo, à mains nues ou avec des moufles ! Son revêtement caoutchouteux cranté donne une précision appréciable, une MAP manuelle à 135mm et à pleine ouverture demande une certaine précision, mais rassurez-vous, l’autofocus est irréprochable !
Voici les caractéristiques du Sigma 135mm f/1.8 DG HSM ART :
- Focale fixe de 135mm, compatible APS-C et plein format (prochainement en monture SIGMA)
- Montures compatibles : Canon, Nikon et Sigma (à venir)
- Ouverture maximale : f/1.8
- Ouverture minimale : f/16
- Construction optique : 13 lentilles réparties en 10 groupes, dont 2 SLD (Special Low Dispersion) et 2 FLD (F Low Dispersion)
- Diaphragme : 9 lamelles circulaires
- Distance minimum de mise au point : 87,5cm
- Rapport d’agrandissement maximum : 1:5
- Diamètre du filtre : 82mm
- Tropicalisation : oui
- Poids : 1,130 kilos
- Autofocus : oui (3 modes : 87,5cm à 1,5m / 1,5m à l’infini / Full AF)
- Stabilisation : non
- Dimensions : 9,1cm x 11,4cm sans pare-soleil
- Accessoires fournis : étui de protection zippé, pare-soleil
Les attentes sur cet objectif
Lorsque l’on a pour référence le 135 f/2 L de Canon, on a nécessairement des exigences et attentes assez élevées, à commencer par les qualités optiques. Point de vue conception, il est délicat de comparer un objectif datant d’il y a plus de 20 ans à un autre sorti en 2017, mais en prenant cela en compte, on peut commencer à faire des comparaisons objectives. Ce que j’attends d’un objectif haut de gamme, c’est avant tout une qualité d’image irréprochable, de la réactivité, du dynamisme. Voyons ensemble si ces points sont respectés !
Les premières images
Première surprise après une longue période au 24-70mm comme seul objectif : il va falloir prévoir du recul ! Cela peut paraître anodin, mais un 135mm est un objectif contraignant, pas forcément facile à exploiter dans des espaces étriqués, il va donc falloir prévoir des espaces vastes pour tirer parti de cette focale, notamment en usant et abusant du bokeh que seule une longueur focale comme celle-là peut créer !
La saison n’est pas forcément la plus propice, vu les températures et précipitations, mais le soleil d’hiver est idéalement placé sans avoir à se lever à 5h du matin ou finir les séances à 21h ! Direction les ruelles ensoleillées pour tester l’objectif, avec plusieurs modèles, sur plusieurs jours, en extérieur, mais aussi en studio.
Premier déclenchement, et là, premier coup de foudre ! Le bokeh est d’une infinie douceur, les couleurs sont vives, et en zoomant sur mon écran de boîtier, le piqué est magnifique sur la zone de focus, même à pleine ouverture ! Quel que soit le cadrage, le sujet est détaché de l’arrière-plan, le point se fait sans difficulté, même à contre-jour, l’imposant pare-soleil fait un travail remarquable. L’objectif est parfaitement silencieux, sa motorisation ne souffre d’aucun accroc, seuls quelques très rares cas en studio ont fait patiner la mise au point faute de contraste ou de lumière suffisante, mais dans 99.9% des cas, la mise au point se fait instantanément.
En vidéo, le bokeh est tout aussi appréciable. Même sur une surface plane et sur un même plan, à pleine ouverture, le bokeh donne un semblant de tilt-shift très esthétique, les quelques plans tournés avec le 135mm f/1.8 ont un cachet indéniable. Délicat à exploiter sur une séquence complète en culinaire, mais insérer des plans en close-up fait son effet !
Une fois rentré, on se rue sur les cartes mémoires pour avoir un aperçu sur un écran 27’’ calibré de ce que donnent les images prises, et premier constat : les images sont plutôt saturées ! pas à outrance, mais par habitude il a fallu que je désature dans Capture One, et modifie un peu ma teinte, les images tirant plus vers le magenta qu’à l’accoutumée. Rien qui ne se résolve sur un logiciel de développement de RAW comme Lightroom, Capture One ou Darktable, mais à noter toutefois !
Second constat, le piqué du 135mm sur la zone de focus est de très haute qualité, dès la pleine ouverture, et dans toutes les situations de test. Le vignettage est à peine perceptible à pleine ouverture, et invisible dès f/4, l’aberration chromatique est inexistante, on est bel et bien sur un objectif définitivement haut de gamme.
Pas de stabilisation
Un point qui m’a surpris pour une focale aussi longue, c’est l’absence de stabilisation ! Entre son poids (1,130 kilos), sa longueur, et sa longueur focale, le tout a tendance à pas mal tanguer lors des prises de vue à main levée, mais tout comme le 135mm f/2 de Canon, pas de stabilisation, pourtant présente sur le 70-200mm. Compte-tenu du poids que représente une motorisation de stabilisation, j’imagine facilement que le poids de l’ensemble risquait de devenir rédhibitoire, mais dans le principe, une stabilisation aurait été appréciée, notamment en vidéo.
Budget
Qui dit haut de gamme dit budget élevé, et ce 135mm ne déroge pas à la règle. Plus proche de l’optique d’exception que de l’optique grand public, le 135mm f/1.8 DG HSM ART se place haut, avec un prix généralement constaté de 1299€. Un budget conséquent pour les amateurs passionnés, ou même pour les professionnels qui ne souhaiteraient utiliser cette focale que rarement. Il s’adresse donc aux professionnels du portrait, ou aux photographes culinaires, pour qui cette optique sera d’une grande utilité, et surtout d’une redoutable efficacité ! Pour moi qui ne fait que du portrait, et un peu de culinaire en vidéo notamment, c’est un objectif idéal, avec lequel j’ai eu un mois de pur plaisir, et la sensation d’avoir trouvé ma focale de prédilection.
Pour des réglages fins et à jour
En complément de l’objectif, il existe un accessoire prisé des méticuleux : le dock USB SIGMA. Très utile, ce socle reprenant le design épuré de la gamme ART va vous permettre entre autre de mettre à jour le micrologiciel de votre objectif (il est compatible avec de très nombreuses références du catalogue, dont le 135mm), mais aussi de régler finement l’autofocus, sa vitesse, sa marge de mise au point, et, pour les optiques pourvues d’une stabilisation, de personnaliser le stabilisateur optique !
En conclusion
D’un esthétisme épuré et soigné, on sent dès la première prise en main du Sigma 135mm f/1.8 DG HSM ART que l’on est en possession d’un produit bien fini et de qualité, point qui se confirme dès les premiers déclenchements, une fois passée la surprise de ses teintes rosées et saturées au développement des fichiers RAW.
Si vous êtes à la recherche d’une optique qui transcendera vos portraits grâce à un bokeh très prononcé, et un piqué bien présent dès la pleine ouverture, vous avez clairement frappé à la bonne porte. Certes il vous en coûtera aux environs de 1299€ en monture Canon et Nikon (monture Sigma disponible prochainement), mais ce qu’il est en mesure d’apporter à vos images en vaut largement la peine. Pour ma part, c’est un vrai coup de coeur, et il devrait intégrer très prochainement mon sac photo, aussi bien pour les portraits que pour les vidéos.