© Terry O' Neill - Portrait de Laura Pannack

Interview de Laura Pannack, jeune photographe documentaire qui explore la jeunesse

Laura Pannack est une jeune photographe britannique qui se consacre notamment aux portraits et à la photographie documentaire. Son travail explore surtout les thèmes de l’enfance et de l’adolescence. Elle a travaillé pour plusieurs associations caritatives dont Save The Children, a vu ses projets exposés dans plusieurs pays et a reçu de nombreux prix dont le Premier Prix en Portrait du World Press Photo en 2010 et le Vic Odden Award de la Royal British Society, réservé aux photographes de moins de 35 ans ayant grandement contribué à l’art de la photo, en 2012.

Voici son interview dans laquelle elle nous révèle son parcours d’artiste et de photographe primée par de nombreux prix, ses méthodes de travail et ses inspirations pour ses projets.

Version anglais de l’interview ici / English version here.


Tout d’abord, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Laura Pannack. Je suis photographe, actuellement domiciliée à Londres, et j’ai 31 ans. Je dirai que je combine ma photographie avec mon intérêt pour la psychologie, les sciences sociales et l’art.

© Laura Pannack - Shay - Prix du "Best in Show" au festival Foto8 Summershow
© Laura Pannack – Shay – Prix du « Best in Show » au festival Foto8 Summershow

Quel est ton parcours ? Comment en-es tu venue à la photo ?

J’ai d’abord étudié l’art et la peinture au lycée pour mes A-levels (équivalent du baccalauréat permettant d’accéder aux études supérieures). Puis quand j’ai eu 20 ou 21 ans, je suis partie dans une école d’art, la Central St Martins à Londres. Là-bas je me suis essayée à beaucoup de choses, autres que la peinture puisque je l’avais déjà étudiée. Parmi toutes ces domaines que j’ai explorés, il y avait la photographie.

C’est assez étrange en fait que je ne m’y sois pas vraiment intéressée avant parce que mon père est photographe de studio et de mode. Il a travaillé avec des photographes comme David Bailey. J’ai donc passé toute mon enfance en chambre noire et en studio. Mais finalement, son travail est bien éloigné du mien, puisque je ne fais pas du tout de photo de studio et que je déteste la mode !

Mon intérêt pour la photo est donc venu plus tard… mais dès que j’ai pris ma première photo, je suis devenue accro.

Comment tes études en peinture ont influencé ton travail en photo ?

Je suis très attirée par les images qui reproduisent un peu une atmosphère de peinture. J’aime beaucoup travailler avec des palettes de couleurs délicates et une lumière douce. J’utilise majoritairement la lumière naturelle tout en essayant de créer une image qui évoque un ressenti. Ma méthode en photo est similaire à celle d’un peintre dont le processus de travail est lent : j’utilise toujours de l’argentique pour mes projets personnels, ce qui ralentit le processus de travail et m’aide à construire ma réflexion et mes images progressivement.

© Laura Pannack – « The World of Boys »

Tu as reçu de nombreux prix en photo et a été exposée plusieurs fois. En quoi cela a-t-il influencé ta carrière de photographe ?

Tout ça a indéniablement eu une influence ! Mais je dirai que ce qui est plus intéressant à dire, ce n’est pas ce que ça m’a apporté au niveau pratique, pour ma carrière, mais au niveau psychologique, pour l’estime de soi. J’ai toujours eu du mal à être confiante vis-à-vis de mon travail. C’est assez difficile de ne pas prendre les choses à coeur quand on est critiqué. Mais aussi et surtout c’est frustrant parce qu’on a envie de créer quelque chose qui nous correspond, mais on sait que ça engendrera toujours des réactions, bonnes et mauvaises… On ne peut pas juste créer dans son coin en échappant à tous les avis.

Pour moi, les prix ont été un bon moyen d’acquérir un certain respect, de recevoir et d’être à l’écoute des critiques constructives, sans toutefois être toujours obligée de les suivre à la lettre et d’être accord avec. Ces critiques m’ont permise de sortir de ma zone de confort et de prendre conscience de la façon dont mon travail peut être interprété par différentes personnes.

Ces prix m’ont donnée plus de confiance vis-à-vis de ce que je voulais explorer en photo. Et surtout ça donne le sentiment d’appartenir à une communauté, puisque j’ai pu participer à des événements et des expositions, et j’ai rencontré d’autres photographes, ce qui est toujours intéressant. Par exemple, j’ai eu l’honneur de remporter le prix HSBC pour la photographie cette année and ça m’a apporté le soutien dont j’avais besoin pour présenter mon travail dans plusieurs expositions récentes, d’éditer mon travail différemment et d’explorer de nouvelles façons de communiquer avec mon public.

La plupart de tes projets personnels et documentaires abordent les thèmes de la jeunesse et de l’adolescence. Qu’est-ce qui t’intéresse là-dedans?

Je pense que ça remonte à mes premières passions pour la psychologie. La période de l’adolescence est intéressante et on peut tous s’y référer puisque nous avons tous connu différentes expériences quand on était ado : que ce soit en termes de traumatismes, d’amours, d’absence ou non de confiance en soi. C’est une période pleine d’expériences qui parfois vous dévastent et parfois vous (re)construisent dans votre quête d’identité. Et bien que l’adolescence soit un cycle de vie court, elle implique des transformations physiques et émotionnelles intenses.

L’adolescence, c’est cette période de transition confuse où chacun cherche à savoir qui il/elle est, tout en ayant peur du regard et du jugement des autres. Un ado présente souvent un côté rebelle et nonchalant, un peu « je-m’en-foutiste » du type « Je m’en fiche, je suis qui je veux », contrebalancé par un côté plus sensible aux critiques, complexé et vulnérable.

© Laura Pannack – « Young Love » – Mouldy and Carl

De plus, je me suis toujours passionnée pour la relation qui se tisse entre un photographe et son sujet, et c’est encore plus intéressant du point de vue de la jeunesse. Je trouve qu’il y a une certaine beauté dans la naïveté des jeunes qui généralement ne jouent pas de rôle devant l’appareil photo. Bien qu’ils soient souvent préoccupés par le regard de l’autre, et la façon dont ils sont perçus, ils ne suranalysent pas leur image comme les adultes. Le « masque » qu’ils présentent devant l’objectif est souvent pur… et transparent, donc c’est comme s’ils n’en portaient pas ! J’aime beaucoup leur maladresse et leur honnêteté par rapport aux normes sociales et politiques, c’est souvent beau et candide.

A contrario, bien souvent, beaucoup d’adultes se préoccupent trop de leur image et sont trop conscients de la valeur d’une photographie, d’un portrait surtout, qui requiert un échange et une performance. Je ne dis pas que c’est le cas pour tous, mais beaucoup d’adultes n’aiment pas être photographiés ou trouvent l’expérience un peu embarrassante, parce qu’ils ont l’impression d’être trop observé ou que c’est quelque chose qu’ils ne peuvent pas contrôler.

Enfin, je pense que c’est toujours intéressant pour les ados, eux-mêmes, de se faire photographier. Ils peuvent réagir de manière étonnante et ça peut les amener à réfléchir sur leur propre identité. Mais en fait, je crois que c’est juste que j’aime bien discuter et traîner avec les jeunes, il y a un bon feeling !

© Laura Pannack – « The Untitled » – Jordan

Quels sont les autres thèmes que tu aimes explorer ?

Assurément la relation entre le photographe et son sujet, et l’expérience de se faire photographier en elle-même, sont des thèmes que j’explore beaucoup. C’est intéressant de voir ça du point de vue des 3 parties : le photographe, le sujet et l’audience.

J’aime aussi étudier et photographier des choses que je ne comprends pas ou qui ne me sont pas familières, comme certains groupes sociaux (dont je ne fais pas partie), des religions, ou tout simplement des personnes qui ont un parcours différent du mien.

Quand je choisis un thème, j’aime bien nouer une relation avec quelqu’un. Je trouve difficile d’apprendre quelque chose juste en lisant des livres : j’adore lire mais j’ai une mauvaise mémoire, donc je trouve que le meilleur moyen pour moi d’aborder un sujet est de rencontrer les bonnes personnes et de passer du temps avec. Cette façon de faire m’aide à construire sur le long-terme ma propre opinion à propos d’un thème. Quand je commence un projet, je suis parfaitement consciente de mon ignorance et de ma naïveté sur le sujet. Donc plutôt que de lire tout ce que je pourrai lire dessus et donc d’être influencée par le point de vue de quelqu’un d’autre (un auteur), je préfère aller sur le terrain et établir une connexion humaine.

Comment te viennent tes idées et quelle est ta méthode de travail ?

Je travaille un peu comme si on me donnait un devoir universitaire, assez méthodiquement. Le plus difficile pour moi, c’est de trouver une idée à développer ! Je rencontre souvent des personnes qui me disent « J’ai tellement d’idées de projets mais je n’ai pas le temps ou les moyens de les mettre en oeuvre ». Je suis plutôt à l’opposé.

De plus, j’ai du mal à avoir confiance dans la pertinence de mes projets. Donc même si j’ai une idée en tête, c’est difficile pour moi de m’y engager vraiment, parce que je ne sais pas ce qu’elle vaut, et si elle est suffisamment bonne et intéressante.

© Laura Pannack - "Youth without Age, Life without Death"
© Laura Pannack – « Youth without Age, Life without Death »

Mon travail en photo se divise en trois catégories : j’ai mon travail commercial (pour des publicités et des campagnes), mon travail éditorial (pour des magazines et des reportages) et mon travail personnel. Ils s’inspirent tous d’histoires de personnes, de groupes, d’événements, se consacrant aux sujets humains et sociaux. J’organise mon temps entre ces trois tâches, mais ça varie beaucoup d’un projet à l’autre : certains peuvent prendre 6 mois et d’autres 2 jours, même s’ils demandent tous un certain temps de préparation et de recherche.

Bien entendu j’utilise ce que je gagne avec mon travail commercial pour financer mes projets personnels. Ce que j’aime bien faire aussi, c’est séparer assez nettement le travail commercial du personnel : c’est pourquoi je photographie en numérique pour mes commissions et en argentique pour mes projets personnels. J’ai dû passer à la photo numérique vers 2009-10 parce que c’était plus pratique pour mes clients. J’en étais arrivée à un point où utiliser de l’argentique pour mon travail commercial me coûtait extrêmement cher parce que je devais faire développer mes pellicules couleur, en racheter très souvent, etc.

Comment approches-tu les personnes, et surtout les jeunes, qui collaborent à tes projets ?

C’est différent d’un projet à l’autre. Mais généralement, je garde toujours sur moi un formulaire de consentement pour les modèles (pour le droit à l’image). Ainsi, quand je rencontre un jeune que j’aimerais faire participer au projet, je peux soit expliquer ma démarche à ses parents s’ils sont présents, soit lui donner le formulaire pour qu’il le remplisse chez lui.

J’essaie toujours d’être ouverte et honnête. Je réponds avant tout aux questions évidentes qui sont « Pourquoi voulez-vous prendre ma photo ? »et « A quoi va-t-elle servir ? » Bien sûr il arrive souvent que des ados et/ou leurs parents refusent. Mais c’est la vie !

Que cherches-tu à exprimer dans tes photos et surtout tes portraits ?

Avant tout, ce sont des émotions. Quand je regarde une peinture, un film ou une photo, j’aspire surtout à ressentir quelque chose. Que ce soit de la colère, du dégoût, de l’amour, de la peur, de l’admiration, n’importe quoi. Ce qui est beau à propos de la photographie, c’est qu’elle peut provoquer tant d’émotions et de souvenirs différents d’une personne à l’autre. C’est pourquoi j’aime consacrer mes projets sur un moment de vie, une relation, une expérience comme celle du premier baiser, etc. Je trouve passionnant de voir que n’importe qui peut se rappeler des histoires personnelles en regardant une image.

© Laura Pannack - Young Love - Finn et Neeve
© Laura Pannack – « Young Love »- Finn et Neeve

Qu’est-ce que la photo argentique apporte à tes projets personnels ?

Utiliser de l’argentique pour moi permet de ralentir le processus de travail. Mais je dirai que la chose la plus importante, c’est que j’apprécie plus l’expérience quand je photographie des personnes, parce que j’ai l’impression d’être plus présente, d’être plus « dans le moment » et donc d’être plus en phase avec elles, plutôt que de vouloir constamment inspecter les résultats sur l’appareil.

La photo argentique est plus artisanale, ce que j’aime beaucoup, car je suis manuelle. Je comprends aussi plus la façon dont fonctionne un appareil argentique qu’un appareil photo numérique, la façon dont la pellicule est soumise à la lumière et dont l’image finale vient à apparaître après le développement chimique. Le numérique continue de m’impressionner ! Je fais plus confiance à la photo argentique et j’en préfère les résultats. Et j’aime aussi bien plus son imprévisibilité : j’aime le risque que l’on prend à chaque photo et la beauté des erreurs parfois quand un cadrage ne donne pas toujours le résultat attendu.

Quel est le matériel que tu utilises ?

Pour la photo argentique, j’utilise aujourd’hui un Hasselblad 500CM. Mais j’ai eu plusieurs appareils au fil des années : j’ai photographié avec un Wista qui est une chambre 4×5, un Bronica 645 et un Mamiya 645. Je n’aime pas les télémétriques. Je préfère regarder les scènes que je photographie sans voir l’objectif comme si j’observais à travers une fenêtre.

J’utilise toujours des focales fixes, parce que je n’aime pas trop changer d’objectif. Je me sépare rarement de mon Zeiss 80mm en moyen-format, qui donne du 50mm.

Pour la photo numérique, j’utilise aussi la plupart du temps un 50mm. Actuellement, j’ai un Canon EOS 5DS, offert par la marque, qui est un bon appareil. J’ai eu un 5D Mark II avant, et je trouve la différence de qualité assez flagrante.

© Laura Pannack - "Young British Naturists"
© Laura Pannack – « Young British Naturists »

Quels sont les artistes et/ou photographes qui t’inspirent ?

Personne bien sûr ! Non je plaisante, il y en a tellement ! Je peux citer par exemple le photographe Simon Roberts qui est un ami et un mentor de longue date. Il y a aussi beaucoup de peintres comme Lucian Freud, Egon Schiele, Marlene Dumas.

Pour citer des photographes contemporains, j’aime bien aussi Philip-Lorca diCorcia et Taryn Simon. En ce qui concerne Taryn Simon justement, ce ne sont pas ses photos que j’aime particulièrement, mais c’est son esprit et son intelligence. J’apprécie la façon dont elle analyse les choses et le fait qu’elle soit un peu avant-gardiste dans son domaine.

Celle qui m’inspire beaucoup, c’est Diane Arbus. Quand j’ai lu son livre sur sa carrière photo (Revelations), j’ai pu me référer à beaucoup de choses dedans. Son travail éditorial en particulier, pour les magazines, est très inspirant : quand on lui offre une commission, elle saisit l’occasion de créer quelque chose d’unique et de personnel, d’à la fois positif, emblématique et créatif. Comme elle, j’ai peur de gâcher des opportunités, et je cherche toujours à aller au bout de mes capacités et des chances que l’on m’offre.

© Laura Pannack - "Youth without Age, Life without Death"
© Laura Pannack – « Youth without Age, Life without Death »

Peux-tu parler de ton dernier projet, « Youth without age, Life without death » ?

C’est un projet radicalement différent des précédents. Souvent mes projets personnels sont orientés vers le documentaire et se consacrent à un sujet d’une manière littérale en se fondant sur de la recherche et les expériences de ceux que j’ai rencontrés. Mais ce dernier projet est beaucoup plus libre et poétique. Son concept est peut-être aussi plus nombriliste, puisqu’il repose sur l’impression personnelle que j’ai de souvent perdre du temps. Je pense que l’on a tous plus ou moins peur de ne pas profiter pleinement de notre vie.

En commençant ce projet, je me suis d’abord demandée quelles étaient les choses qui importaient pour moi, et j’ai fini par trouver : faire des voyages et faire preuve de courage. J’ai donc décidé de travailler mon courage en allant voyager toute seule avec mon appareil photo. La première destination que j’ai choisi a été la Roumanie. Mais quand je suis arrivée, je me suis rendue compte que j’allais avoir besoin d’un traducteur et que donc je ne pouvais pas vraiment voyager seule ! Finalement, ça ne m’a pas gênée, et je revenais souvent dans ce pays, sans vraiment savoir pourquoi.

© Laura Pannack – « Youth Without Age, Life Without Death »

J’ai fini par comprendre que la Roumanie m’offrait une expérience à la fois émotionnelle et visuelle sans précédent pour moi… Le temps semblait s’arrêter là-bas. Quand j’ai fait part de mes impressions à mon traducteur, il m’a raconté l’histoire d’un conte, intitulé « Youth without age » (La jeunesse sans âge), à propos d’un jeune prince qui se lance dans une quête afin d’arrêter le temps et de trouver la vie éternelle. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que cette quête… c’était la mienne.

J’ai donc suivi cette quête, en rencontrant des personnes, explorant et travaillant d’une manière beaucoup plus libre que d’habitude. Ce projet s’est finalement autant consacré à la quête qu’au sujet du temps lui-même. En fait, la question n’est plus portée sur l’arrêt du temps, mais sur ce qui pourrait se passer si on essayait de l’arrêter. C’est un thème un peu plus philosophique.

Ton travail commercial, notamment tes collaborations avec des associations, est aussi lié aux enfants et aux jeunes. En quoi est-ce important pour toi ?

Je vais sûrement donner une réponse qui n’est pas vraiment attendue mais j’ai besoin de mettre les choses au clair. Bien souvent les associations caritatives pensent que la photographie n’est pas un travail qui devrait être rémunéré et que parce que travailler pour une association, c’est travailler pour la bonne cause, on devrait offrir notre temps et notre argent.

Mais je ne suis pas d’accord. Je pense que c’est insultant pour les photographes et que ça déconsidère leur travail. Personnellement, je soutiens ces associations et j’ai envie de travailler pour une bonne cause. Mais je veux aussi avoir le choix de donner ou non à une association, et pas automatiquement de travailler gratuitement ! Ca me met en colère quand des photographes acceptent de travailler pour rien quand on leur demande, parce qu’ils tirent toute l’industrie vers le bas.

© Laura Pannack - "Our Lives" Commission par Save The Children
© Laura Pannack – « Our Lives » Commission par Save The Children

Je ne vois pas pourquoi certains photographes sont payés des sommes énormes pour faire de la pub pour de grosses compagnies qui n’agissent pas pour le bien de la société, comme McDonald’s, alors que d’autres ne devraient rien obtenir en échange de leur travail pour des associations et organisations. C’est une marque d’irrespect envers le travail de ces photographes, et plus des gens consentent à se laisser faire, plus ça empire.

Je suis souvent contactée par des associations puisque mon travail en photo se fonde souvent sur l’humain et le social. Et bien sûr c’est ce que j’aime photographier ! J’aime collaborer avec des associations, mais en même temps, je considère que je travaille autant et aussi durement que n’importe quel autre photographe. Ca devrait être la même règle pour tous, photographe, modèle, styliste…

Cependant, de plus en plus d’associations parviennent à des compromis aujourd’hui. Par exemple, si elles lancent une campagne à laquelle elles vous demandent de collaborer, elles vous rémunèrent pour votre travail, mais en contrepartie elles peuvent vous demander de devenir membre ou donateur. Ainsi, elles vous offrent la sécurité financière dont vous avez besoin, tout en montrant qu’elles aussi ont besoin de votre aide.

© Laura Pannack - Chayla - John Kobal Award
© Laura Pannack – Chayla – John Kobal Award

As-tu des conseils à donner à de jeunes photographes qui seraient intéressés par la photographie documentaire mais aimeraient aussi vivre de la photo en général ?

Mon premier conseil serait de se dire que rien n’est impossible, et que si quelque chose paraît difficile, c’est surtout parce que l’on croit que ça l’est. J’ai rencontré tellement de personnes qui m’ont affirmé que c’était trop dur d’être photographe. Mais j’ai toujours pensé que ce n’était pas un problème pour moi, parce que c’était vraiment ce que je voulais faire. On peut appeler ça de l’entêtement peut-être. Mais y croire mène toujours quelque part.

Ensuite je conseillerai de ne jamais être arrogant, de toujours être extrêmement critique envers soi-même, d’essayer de penser différemment de l’opinion dominante, de ne pas croire que l’on a toujours raison, et surtout d’être courageux.

© Laura Pannack - Polaroid - Toscane, Italie
© Laura Pannack – Polaroid – Toscane, Italie

En ce qui concerne le « business » de la photo, il est important de se dire que « rien n’est jamais parfait ». Si j’en fais une analogie, on pourrait comparer ça à une relation de couple ou un mariage : vous allez forcément découvrir des défauts chez votre partenaire que vous n’apprécierez pas. Ou bien il y aura toujours certaines choses que vous n’aimerez pas faire dans un travail. C’est nécessaire d’en prendre conscience. Personnellement, j’ai photographié pendant des années ce que je ne voulais pas forcément photographier, ça m’a beaucoup fatiguée. Mais je l’ai fait parce que je voulais apprendre, avoir l’impression de concrétiser quelque chose et gagner ma vie.

Ce qu’il y a de plus important aujourd’hui je crois, c’est d’avoir du sens commun, de réaliser que la photographie est partout et que donc son industrie évolue constamment. Il serait naïf de penser qu’elle va rester telle qu’elle est. Heureusement qu’elle évolue car nous avons tous besoin de challenge dans nos vies.

Y a-t-il des photographes que tu voudrais que l’on interviewe ?

Simon Roberts, c’est un bon orateur ! J’aimerais bien aussi entendre Nan Goldin et Taryn Simon. Et pourquoi pas mon amie, Natasha Caruana.

Merci pour cette interview !

Voici une vidéo de Laura Pannack qui parle de son dernier projet, « Youth without Age, Life without Death » pour sa galerie à Londres, Francesca Maffeo Gallery :

Laura Pannack: 'Youth Without Age, Life Without Death, Chapter 1'

Retrouvez le travail de Laura Pannack sur son site internet.

Photo de couverture : © Nelli Moisander – Portrait de Laura Pannack