MP #193 : le chimping, ou faut-il regarder l’écran de son appareil après un cliché ?

L’écran LCD, cette avancée devenue si ordinaire avec l’arrivée du numérique, est à l’origine d’un véritable débat qui divise les photographes. Il y a ceux qui trouvent cette habitude incompatible avec une utilisation “professionnelle” de la photographie et méprisent les amateurs qui ont une telle pratique, et ceux qui voient dans l’écran l’opportunité de moins rater leurs prises et d’avoir plus de contrôle.

Mais le “chimping”, qui est l’expression anglo-saxonne utilisée pour décrire cette habitude à vérifier chaque photographie sur l’écran de l’appareil automatiquement après avoir déclenché et/ou à montrer la prise aux personnes alentour, n’est pas qu’une affaire d’amateurs. Comme le rappelle la page Wikipédia anglophone sur le “chimping” (littéralement « chimpanzer » puisque les personnes, courbées, qui regardent leurs écrans et/ou les montrent à leur entourage font penser à des singes), certains photographes professionnels, de mode par exemple, peuvent inspecter leurs premières prises pour des essais de luminosité, ou encore vérifier qu’ils ont les prises de vues et angles désirés, notamment en photo de sport ou de news… au risque de manquer la photo du siècle ?

Alors que faut-il faire ? Abandonner son écran ou l’utiliser à chaque occasion ? Finalement le choix reste celui du photographe et de sa pratique photo. La solution pourrait être de l’utiliser… mais avec modération ! Car le “chimping” ne convient pas à toutes les situations. En voici donc les avantages et les inconvénients, pour vous aider à vous positionner.

Les avantages du chimping

Un moyen de vérification supplémentaire pour l’exposition

Si la visualisation des photos après déclenchement a bien une utilité, en particulier pour les débutants, c’est bien pour contrôler ses réglages ! Dans certaines situations et surtout pour les premières prises, il peut être intéressant de visionner la photo après avoir déclenché afin de vérifier la bonne mesure de l’exposition, et si besoin de faire les réglages adéquats.

Cette fonction est surtout avantageuse en conditions de lumière changeante : lorsque le temps est capricieux ou que le soleil se lève/se couche, la luminosité peut changer très rapidement et il n’est pas toujours aisé de s’en rendre compte immédiatement, surtout quand on débute en photo. Vérifier de temps en temps ses prises permet de rectifier le tir en jouant avec les ISO, l’ouverture et la vitesse d’obturation entre deux luminosités différentes.

Cela permet alors de prendre un peu plus confiance en soi dans l’utilisation manuelle de son boîtier. Que ce soit pour apprendre à bien mesurer son exposition ou mieux gérer sa mise au point.

Dans des conditions de lumière changeante (comme des levers/couchers de soleil), vérifier de temps en temps les photos après déclenchement permet de faire ses réglages en conséquence.
Dans des conditions de lumière changeante (comme des levers/couchers de soleil), vérifier de temps en temps les photos après déclenchement permet de faire ses réglages en conséquence.

Une occasion de prendre conscience de ses erreurs (et de les corriger)

Ce type de vérification est surtout un réflexe dans l’apprentissage de la photo, mais c’est une habitude qui peut être abandonnée après que l’on se soit familiarisé avec une pratique photo régulière et manuelle. Il est toujours plus pratique de pouvoir vérifier ses erreurs (notamment de cadrage) sur place, et donc de s’entraîner pour les corriger, plutôt que d’attendre la visualisation sur grand écran ou encore, pour l’argentique, le développement d’une pellicule.

Vérifier le cadrage de sa photo sur l’écran permet d’isoler des éléments indésirables que l’on aurait pu ne pas avoir vus lors du premier déclenchement. Un bon moyen de s’entraîner à photographier des lignes d’horizon droites et de composer ses perspectives !

Un viseur d’appoint pour des situations particulières

Bien que certains trouvent que ça ne fasse pas très “pro”, et parce que le risque de bouger s’accroît, utiliser l’écran en mode Live View comme viseur peut s’avérer parfois très utile. Par exemple, s’il vous est impossible de bien vous positionner avec l’oeil sur le viseur (ce qui peut être le cas en photographie sportive, comme en escalade, où l’on n’est pas toujours maître de sa position), l’écran peut vous offrir l’angle souhaité, surtout s’il est articulé.

Ou encore, si comme moi vous êtes myope comme une taupe, le Live View peut sauver votre mise au point dans certaines situations ! Il est quand même plus simple de juger de la netteté de votre image, en particulier pour de la macro, sur l’écran que dans le petit viseur. En photo de nuit également, surtout quand l’appareil est sur un trépied, l’écran peut être plus pratique que le viseur.

Pour juger de la netteté de l'image en macro, l'écran LCD de l'appareil peut avoir son utilité.
Pour juger de la netteté de l’image en macro plus facilement, l’écran LCD de l’appareil peut avoir son utilité.

Les inconvénients du chimping

Le risque de manquer un moment décisif

C’est là le premier argument évident qui doit empêcher de faire du “chimping” une habitude. Bien entendu, si on passe son temps le nez baissé sur son écran à faire défiler toute la série d’images, il est plus que probable que l’on va manquer une (certainement plusieurs) bonnes occasion(s) de photographier.

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© Igor Shpilenok

Que ce soit en photographie de rue, où le concept du “moment décisif” est encore bien souvent fructueux, ou en photographie de sport ou d’actualité, il est important d’être toujours alerte et réactif. Il vaut mieux donc ne pas vérifier ses photos si une scène essentielle se déroule sous vos yeux… et attendre un moment plus calme ou le retour chez soi pour les visionner.

Une pression supplémentaire pour chaque prise

En vérifiant chacune des photos après le déclenchement, vous vous imposez la perfection : chaque prise doit être la bonne ! Si la photo n’est pas assez bonne à votre goût (sur le moment), vous allez devenir de plus en plus insatisfait et regretter votre sortie photo… Alors que vous pourriez tomber sur de bons sujets / moments par la suite.

Un jugement trop rapide des photos

A regarder constamment les photos que vous venez de prendre, votre valeur de jugement s’en trouve altérée. Vous pouvez avoir l’impression qu’après chaque photo prise (et vérifiée), toutes sont finalement bonnes. Alors que lorsque vous les réexaminerez plus tard, à tête reposée, vous vous rendrez compte de certains défauts de composition, de structure, etc.

Ou au contraire, visionner automatiquement vos photos peut vous donner l’impression qu’elles sont toutes mauvaises (voir le paragraphe précédent) et vous décourager… et même vous amener à supprimer de bonnes photos ! La photo peut paraître mauvaise, mal composée, floue sur votre petit écran LCD, dont la qualité est loin d’être fiable, alors que sur plus grand écran, même avec des défauts, elle pourra dégager une certaine atmosphère ou faire passer un message.

@Laurène Becquart - Cette photo n'est peut-être pas le meilleur exemple parce qu'elle a été prise sur un argentique... mais c'est justement ce qui l'a sauvée. Elle l'exemple-type d'une photo que j'aurais supprimée juste après l'avoir prise, si je l'avais prise sur un appareil numérique, parce que je la trouvais mauvaise, déjà juste après avoir déclenché, puis au moment du développement en la voyant pour la première fois (composition bancale, peu d'espace avant le chien, etc). Quelques jours plus tard, après être retombée dessus, je lui ai trouvé une certaine harmonie et j'étais contente d'avoir décidé de la ré-examiner.
Cette photo n’est peut-être pas le meilleur exemple parce qu’elle a été prise sur un argentique… mais c’est justement ce qui l’a sauvée. Elle est l’exemple type d’une photo que j’aurais supprimée juste après l’avoir prise sur un appareil numérique, parce que je la trouvais mauvaise, déjà juste après avoir déclenché, puis au moment du scan en la voyant pour la première fois (composition bancale, pas de netteté, peu d’espace avant le chien, etc.). Quelques jours plus tard, après être retombée dessus, je lui ai trouvé une certaine harmonie et j’étais contente d’avoir décidé de la réexaminer.

La frustration d’interrompre votre rythme et de moins apprécier la pratique photo

Si l’on sort prendre des photos, dans la rue ou pour un événement particulier… c’est justement pour prendre des photos ! Et non pas pour examiner continuellement ses images. Il est primordial de se concentrer d’abord sur la pratique en elle-même, le sujet et la scène à photographier, la prise de vue… plutôt que d’évaluer le résultat final.

Si vous ne vous interrompez pas automatiquement après chaque déclenchement, vous vous mettrez plus facilement dans le bain, vous acquerrez des réflexes et une certaine familiarité avec les réglages, l’environnement, votre style, etc. Visionner de temps en temps pour repérer des erreurs ou vérifier un réglage, ok, mais pas pour freiner le rythme de vos progrès et votre envie de photographier !

Une habitude énergivore pour la batterie

L’ultime argument contre l’excès de “chimping”, c’est bien sûr sa consommation abusive de la batterie. Si vous partez pour une journée entière de shooting, et que vous visualisez chacune de vos photos, une seule batterie ne vous suffira probablement pas. Il est donc nécessaire de savoir “chimper” avec parcimonie, pour la santé de son matériel.

En guise de conclusion, on pourrait dire que l’habitude de vérifier ses photographies après la prise peut être un bon moyen de progresser, rectifier des erreurs (cadrage, exposition, etc) et de faire les réglages appropriés… quand elle n’est pas une manie justement !

D’un point de vue personnel, je dirais que j’utilisais trop souvent l’écran quand j’ai vraiment débuté la photo, en me mettant la pression, comme il a été mentionné dans l’un des inconvénients… ce qui finalement empêche de progresser ! Mais après m’être familiarisée (et donc relaxée) un peu plus avec la technique et avoir exploré la pratique de la photo, numérique et par la suite argentique, j’ai pu (dés)utiliser l’écran LCD avec modération, comme il me convenait : il est devenu pour moi un outil de vérification additionnelle et de confort plus qu’un automatisme sans raison.

A vous maintenant de partager votre avis, et votre relation avec l’écran de votre boîtier : plutôt avec ou sans ?

Autrice et photographe

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  1. Tout est déjà dit ou presque.
    Me concernant, je suis plutôt à vérifier mes expo sur l’écran quand j’arrive à un endroit (affût par exemple…), mais quand je ne change pas de conditions je ne regarde plus trop l’écran. Je préfère me concentrer sur ce qu’il y a dans le viseur.
    Et pour ce qui est de vérifier ses photos, vous parlez d’être décourager quand on regarde ses photo sur son écran. C’est exactement ce qu’il m’est arrivé sur une séance de macro dernièrement. Je ne trouvais rien de terrible sur mon petit écran et je n’arrivais plus à faire mes cadrages correctement. J’ai donc arrêter la séance. Mais une fois les photos sur l’ordi, j’ai redécouvert mes clichés qui étaient au final bien plus intéressant que ce que j’imaginais… j’aurai du continuer à me concentrer sur mes sujets à prendre que sur ce que j’avais déjà pris…

    Donc à la question du « chimping » réponse de normand… Oui et non !

  2. Concernant la myopie, j’ai souffert de ça il y a deux ans. Pour ma part, en plus de l’utilisation du live view en macro, j’ai opté pour l’ajout d’un verre correcteur de dioptrie pour le viseur, ça aide grandement en fin de journée (avant, je ne voyais plus net dans le viseur en fin de journée).

    Pour revenir au climbing, une bonne chose à faire est de désactiver la prévisualisation automatique des photos! Gain en batterie et moins de tentation.

    Pour la mesure d’expo, je dirais qu’il n’y a rien de mieux que l’histogramme, car visualiser la photo en tant que telle ne donne généralement pas le même résultat que sur le pc…

    En tout cas chouette article 🙂

  3. tout a été dit ou presque …
    je travaille pas mal pour la presse et j’avoue je « chimpe » beaucoup, principalement quand il y a un temps mort après une action importante.
    Pas tellement pour vérifier le cadrage ou l’expo mais surtout pour marquer les photos intéressantes à regarder en priorité.
    Si je n’ai pas beaucoup de temps ce sont les premières que je vais télécharger et regarder pour faire un édit rapide et envoyer quelques images à chaud.

  4. Pour ma par, accès à la vérification en manuel, principalement pour l’exposition via l’histogramme et la visualisation des zones cramées.
    Sinon, tout le reste sur un grand écran !

  5. Il faut juste que cela ne soit pas une manie ni systématique , cela permet de régler certains types de problèmes à certains moments, c’est tout.
    Personnellement j’ai un hybride avec viseur électronique, du coup je règle mon exposition dans le viseur à la prise de vue, j’ai donc moins besoin de contrôler l’exposition après déclenchement comme ceux qui ont des reflex.
    Je ne me sers de l’écran que pour valider un cadrage, un sourire, un regard, des yeux pas fermés, ma composition Pour le reste (technique)j je pars du principe que l’écran de l’appareil n’est pas capable de décider quoi que ce soit, netteté, couleurs, exposition,… (quand on voit les débats techniques sur les écrans graphiques Eizo, Dell etc… comment un photographe qui a acheté un écran Eizo, peut il se contenter de l’écran de son appareil pour supprimer une photo, il y a quelque chose d’illogique la dedans. D’ailleurs je n’ai jamais compris pourquoi les constructeurs cherchent à mettre des grands écrans très lumineux qui bouffent de la batterie sur nos appareils , cela ne sert à rien Un écran plus petit sans très grande définition permettrait aussi bien de juger le cadrage etc…et permettrait plus de place pour les touches, l’ergonomie moins de consommation de batterie.

  6. Quand tu fais 30km de marche que tu as monté 3000m, tu es content d’avoir un écran pour à minima contrôler ton exposition, histoire de ne pas avoir de ciel cramé ou de zones trop sombres et voir si un HDR ne serait pas le bien venu…

  7. Petite précision pour le mode live view… J’adore utiliser la vidée reflex sur mon 7D MARK II mais le soucis c’est la précision. Avec un sigma 18-35 F/1,8 (pourtant étalonné sur PC) combien de fois j’ai un front ou back focus à f/1,8 car la visée miroir n’est pas assez précise… Alors qu’en live view, grâce à la visée en directe sur le capteur par contraste c’est du 100% de précision…
    C’est un peu çà aussi la puissance des hybride pour le coup, ne pas rater d’image importante à cause du matériel.

    Et il y a de nombreux cas où le live view est très puissant:
    -de nuit pour l’exposition
    -En pause très longue
    -vérifier les plans de netteté pour des paysages vastes
    -en plongée où quasiment seul l’écran est utilisable dans un boitier étanche

  8. Pendant les mariages, c’est casi obligatoire de contrôler sur l’écran, pour être sûre que tout le monde a bien les yeux ouverts, surtout avec les photos de groupe.