David Wolberg : coup de gueule sur l’éthique et la photo animalière

Aujourd’hui, nous avons reçu de Maximilien, lecteur du site, un message nous renvoyant vers ce post Facebook de David Wolberg. David Wolberg est photographe animalier et souhaitait poster un coup de gueule contre les photographes qui manquent d’éthique en photographie animalière.

Coïncidence, nous avons abordé rapidement ce sujet au cours de la Rencontre Club #5 avec Alexandre Parrot lors de la critique d’une photo de nature.

Nous nous permettons de repartager le texte de son message ici, en espérant qu’il permettra à certains photographes animaliers de prendre conscience de leurs actes.


Pourquoi cet article, pourquoi ce coup de gueule ?

Comme beaucoup je pratique depuis des années (10 ans) un sport à la mode : la photo animalière. Et comme dans le sketch des inconnus, j’ai constaté qu’il y a de bons et de mauvais chasseurs photographes !

Rassurez-vous je ne suis pas parfait et je ne suis pas non plus un juge. Mais j’ai malheureusement vu depuis plusieurs années de nombreuses dérives s’installer, dénaturant cette passion qui consisterait, s’il n’y avait pas d’abus, à contempler simplement la faune et la flore et à en ramener des souvenirs photographiques ou même pour certains, des œuvres. Mais, et ce « mais » cache tellement d’abus qu’il faudrait un ouvrage entier pour les dénoncer…

Mais pourquoi ces abus, parce que nos sociétés nous ont habituées à acheter et à obtenir facilement ce que l’on veut. Parce que les « Like » des réseaux sociaux poussent certains, pour une pseudo reconnaissance éphémère et virtuelle à faire n’importe quoi pour y arriver. Et aussi parce que nombre de photographes veulent gagner des concours avec les prix et la reconnaissance qui va avec…

Quels sont ces abus et à partir de quand peut-on considérer qu’il y a abus ??Comment et où mettre une ligne jaune ou rouge ? À mon avis la ligne est immédiatement franchie lorsqu’on commence à vouloir intervenir physiquement pour réaliser une photo nature : on déplace un insecte, on coupe des fleurs et des végétaux qui « dénaturent » l’image, et sans s’en rendre compte on commence à « truquer » à provoquer la nature…Certains mettent les insectes et autres petites bêtes dans le réfrigérateur pour qu’une fois endormis par le froid ils se tiennent tranquilles pendant la prise de vue, certains les vaporisent d’eau pour faire « rosée du matin » d’autres les collent…certains les tuent.

Pour les animaux un peu plus gros, il y a d’autres « recettes » : les amphibiens comme les grenouilles ou les rainettes bougent beaucoup trop et surtout ils n’ont pas toujours le sens de la mise en scène. Alors, on les déplace, en les mettant sur des supports plus « esthétiques » on les met aussi au frigo, on les attache avec des petits fils en cassant quelquefois leurs pattes et ensuite avec Photoshop, on peut effacer les fils et les contempler dans des positions extraordinaires : Faisant du cheval sur un gros insecte, portant une feuille au-dessus de la tête en guise d’ombrelle, etc…c’est surtout la spécialité de nombreux pseudo photographes indonésiens (mais pas que !) qui font souvent le buzz sur internet, car le grand public qui ignore ces dérives, adore ça !

Passons à des sujets un peu plus gros comme les oiseaux : Certains s’approchent des nids et font fuir les parents condamnant les oisillons à mort, certains nourrissent copieusement les harfangs des neiges avec des souris tant et si bien que les pauvres volatiles ne peuvent plus s’envoler (Quebec), d’autres utilisent des cannes à pêche avec une souris au bout pour attirer les chouettes épervières (Finlande) et il est de coutume en Norvège de nourrir presque tous les jours les pygargues pour faire la super photo du pygargue qui pêche. Tout le monde connaît aussi les affûts payants, anciennes piscicultures où l’on peut immortaliser le majestueux balbuzard pêcheur attraper son poisson d’élevage. Les martins-pêcheurs qui ne veulent jamais pêcher exactement à l’endroit où l’on aimerait qu’ils pêchent sont attirés par des poissons disposés dans des aquariums au fond de l’eau ou dans des trous prévus à cet effet. Les ornithologues photographes ne sont pas non plus en reste, nombre d’entre eux attirent les oiseaux avec leur smartphone et l’application magique du cri enregistré de l’oiseau que l’on veut faire venir. Souvent les pauvres oiseaux sont complètement perdus et il arrive même qu’ils en délaissent leur nid et au pire un prédateur qui est aussi averti peut arriver et tuer l’oiseau que l’on vient d’appeler. Anecdote : Un photographe avait appelé une chevêchette, qui arriva presque immédiatement, mais un faucon pèlerin arriva aussi très vite et tua immédiatement la chouette ! Et en Espagne les autours des palombes sont attirés devant des affûts payants avec des pigeons attachés par une patte qui se font dévorer pour le plus grand bonheur des photographes.

Les mammifères ne sont pas non plus en reste, on les appâte avec des carcasses, de la viande, des déchets de saumons ou des croquettes et ce sont des centaines d’affûts payants qui fleurissent un peu partout, certes les images ne sont pas « truquées », mais pas complètement nature non plus. Encore une fois on intervient sans se poser la question du bien-fondé ou non de notre action. Au pire on utilise des animaux dressés, voire même capturés pour l’occasion. Le pire du pire m’ayant été rapporté par quelqu’un que je ne nommerai pas. Un pseudo photographe animalier du sud-ouest de la France étant très ami avec des chasseurs de renard demandait à ceux-ci de le prévenir lorsqu’ils trouvaient un terrier avec des renardeaux. Celui-ci faisait des photos des adorables bébés et les laissait se faire massacrer ensuite par ses amis chasseurs…

Comme je le dis au début de ce papier je ne suis pas parfait, j’ai fréquenté par le passé des affûts payants en Finlande (Ours et gloutons) où les animaux étaient appâtés avec des petits morceaux de viande. Depuis après y avoir réfléchi, je ne fréquente plus ces affûts, ça ne m’excite plus…

Je pense que la plus belle des images est celle que l’on va chercher, sans déranger les animaux sans les perturber, sans rien provoquer, simplement en les observant.
Beaucoup de photographes m’ont déjà taxé d’intégriste de puriste ou pire, d’utopiste !

Des millions de gens se passionnent pour les films et les photos animalières et c’est tant mieux : « Qui aime, protège ! ». Le devoir de tous les photographes qui font ces images est de faire en sorte qu’elles demeurent éthiques pour que le grand public ne se dise pas un jour « ça aussi c’était truqué ! »

Pour certains je suis dogmatique, mais si j’écris ces lignes c’est que je le ressens au plus profond de moi-même, pour moi la chasse photo n’est qu’un prétexte, un prétexte pour rencontrer la vraie nature sauvage et des gens sincères et honnêtes.


Merci David Wolberg pour ce message. Vous pouvez retrouver David et ses photos sur sa page Facebook et sur son site internet. N’hésitez pas à partager ce message auprès de vos contacts photographes, animaliers ou non.

Charte de la photographie animalière : pour une meilleure pratique photo

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  1. Complétons l’article en spécifiant qu’un jeune polonais a été élu meilleure photographe de l’année alors que sa mère lui achète 30 kilos de viande par semaine pour qu’il puisse effectuer ses clichés animaliers…On marche sur la tête ! Il faut créer un collectif des vrais photographes animaliers qui aiment la nature et apprennent à la connaître avant d’effectuer un cliché…

    1. Oui ces méthodes sont tout à fait scandaleuses et il faut dénoncer les pseudo-photographes qui procédent de la sorte. De plus, je trouve inadmissible que ce genre de pratique soit récompensée dans les concours. Ca ne peut qu’encourager à ce genre de dérives.
      Et dire que le monsieur en question se considère comme un « widlife photographer », je ne sais pas si il faut en rire ou en pleurer !!!

  2. Je suis très étonné de lire cet article. Effectivement, après avoir cliqué sur le lien du compte Facebook de David Wolberg, j’ai reconnu ce monsieur, qui, l’année dernière exposait des photographies d’ours appâtés en affût payant en Finlande. Il ne s’en cachait pas. Ayant discuté avec lui, il m’en avait lui même parlé (devant d’autres personnes) au bout de 30 secondes. J’avais été choqué. L’exposition avait lieu à Bourg en Bresse (je n’ai plus le nom du festival).
    Ce monsieur a exposé ces mêmes photos au festival de Vourles en 2016 (parrainé par Vincent Munier)
    Evidemment tout le monde change, mais dans ce cas il faut parler de « méa culpa » et non de coup de gueule. Lors des événements et concours, les photographes qui ont de l’éthique et qui mettent beaucoup plus de temps à réaliser des images, sont en concurrence avec des gens qui photographient des ours qui viennent manger des carcasses accrochées à des arbres, tout en étant au chaud dans un cabane en bois.

    1. Bonjour,
      Oui j’ai fréquenté par le passé des affûts payants pour photographier des ours en Finlande. Je tiens quand même à préciser que ces affûts sont les plus éthiques de Finlande. Les animaux sont totalement libres et app^tés par des boulettes de viande cachées dans un lieu sauvage et beau de plusieurs centaines d’hectares que le gestionnaire a même réussi à faire classer hors chasse. Un vrai exploit pour la Finlande. Les ours ne sont pas dépendants de la nourriture puisque souvent ils ne viennent pas ou ne passe qu’une heure ou deux. Il m’est arrivé de passer des jours entiers sans y voir aucun ours ! Rien à voir avec certain affûts où les animaux sont nourris copieusement avec des croquettes des dizaines de kg par jour et des dizaines de kg de déchets de saumons par jour aussi, je passe aussi les affûts roumains qui donnent des bonbons aux ours….Ce qui les rend copieusement malade et à terme peut les faire mourir. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit, j’ai fréquenté ces affûts et maintenant je n’y trouve plus mon compte. Les images ne sont pas truquées, mais la photo n’est pas complètement nature…..Je ne dis pas n’y allez pas, je dis n’allez pas n’importe ou, seulement dans des endroits où l’on respecte les animaux. Par contre si vous avez fait des photos, ne mentez pas dites la vérité (ce que je fais) Pour vous répondre et parler de mon expo : L’âge de glace, il y a des photos de Boeufs musqués prises en Norvège dans des conditions difficiles sans aucun affût, des bisons pris en Pologne là aussi en condition difficiles et éthiques et aussi les photos d’ours prises en affût à WBB en Finlande, j’étais en affût comme je l’ai dit plus haut et dans cet affût il faisait la même température que dehors….Donc pas au chaud dans une cabane en bois ! Ceci étant dit je ne crois que pour le grand public et les photographes débutants les « bons » affûts ont aussi leur intérêt: Faire découvrir la faune au plus grand nombre et aussi faire en sorte que l’animal vivant vaille plus cher que l’animal mort…Voilà ce que je voulais dire à ce sujet.

      1. Donc le nourrissage est un problème lorsque les autres le font, mais si c’est vous, c’est justifiable ?
        Je ne pense pas que vous êtes quelqu’un de mauvais, mais il faut simplement faire un mea culpa et expliquer pourquoi ce que vous faisiez n’est pas bien et non pas « un coup de gueule » contre les photographes qui font ça.

        Le problème avec le nourrissage n’est pas uniquement lié à la quantité de nourriture que l’on donne. En nourrissant, nous dévions les animaux de leurs habitudes. Nous leurs faisons prendre de nouveaux chemins (parfois plus risqués), nous pouvons les éloigner d’une proie plus importante, et surtout, nous leur faisons faire un parcours régulier, unique, facile à comprendre pour un chasseur ou un braconnier.
        En France par exemple, nourrir un animal (même si c’est juste une croquette ou un bout de viande par jour), c’est signer son arrêt de mort.

        Enfin, quand je parle d’un endroit « au chaud », je ne parle pas d’affût chauffé (je ne sais pas si ça existe …).
        Si vous avez l’habitude des conditions extrêmes, vous savez que les conditions ne sont absolument pas les mêmes en extérieur et dans un cabane en bois. Pas de vent, pas de précipitations, vous n’avez pas les pieds dans la neige (donc pas besoin d’isolant) … Bref, les conditions sont beaucoup plus clémentes.

        Votre expérience et votre prise de conscience sont intéressantes, à condition que vous preniez toute la mesure de ce que vous avez fait, et que vous l’utilisiez justement pour dire vos erreurs, avant même d’aller montrer du doigt les autres.

        Je ne vous embêterais plus. Bonnes futures expéditions 🙂

      2. Vous ne m’embêtez pas, je pense que dans mon texte il y a la notion de méa culpa sinon je n’en aurais pas parlé….Je le dis « je ne suis pas parfait » et « Depuis après y avoir réfléchi, je ne fréquente plus ces affûts, ça ne m’excite plus… » Si nous avons l’occasion de nous rencontrer sur une prochaine expo, j’aimerai bien en discuter avec vous ! Je suis d’accord avec vous concernant le nourrissage il faut dans tous les cas l’éviter. Mais je ne veux pas tomber dans l’extrémisme. Ce n’est pas parce que je renonce à ce type d’affût que je dois montrer du doigt ceux qui y vont…Si je les fait réfléchir et si ils disent que leurs photos ont été faites dans ces affûts, c’est déjà pas mal.
        Amicalement,
        David

  3. « pour moi la chasse photo n’est qu’un prétexte, un prétexte pour
    rencontrer la vraie nature sauvage et des gens sincères et honnêtes. » merci Damien, tout est dit…

    On oublie que la photo est absolument secondaire par rapport à la rencontre.

    Combien de personnes veulent rentabiliser leur voyag ou leur matériel (avec des likes, des compliments ou des ventes).

    S’il s’agit de faire rêver sur un artifice, la photographie devient un fléau !

  4. Je suis extrêmement choquée de lire ces mots, et naïve que je suis, j’étais à mille lieues de m’imaginer de telles pratiques pour obtenir LA photo. Quel est le plaisir si la photo n’est pas due à la patience, la recherche, l’amour et le respect de la nature, et surtout beaucoup de hasard…?
    Les likes sur les réseaux sociaux poussent au pire… Il suffit de voir ce que les décérébrés du bulbe sont capables de faire aux animaux juste pour faire le Buzz. Alors pour une photo réussie.. Je ne m’attendais pas à cela même si cela ne m’étonne pas..

  5. Moi aussi j’étais à 1000 lieues d’imaginer le recours à ces pratiques. Plus les jours passent et plus je me rends compte du manque de valeurs des hommes. C’est affligeant. A quand le retour des bisounours.

  6. Pratiquant la photographie depuis 40ans , je ne peut que valider les propos du Coup de gueule étant témoin de ses pratiques par « des bêtes a concours »
    Essuyé de nombreuses menaces de ces personnes prises sur le fait lors de mes billebaudes , tout les coups sont permis jusqu’à l’engluage des passereaux sur des branches.
    Ce phénomène était peu présent lors de l’ère de la photo argentique , les meilleurs photographes animaliers sont d’abord des naturalistes .