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Retour vers l’Argentique

La photographie numérique s’est tellement imposée à nous depuis une décennie que beaucoup d’entre vous me diront : « mais quelle idée de retourner en arrière ! ».

Alors je vais essayer de vous convaincre en « développant » 3 très bonnes raisons de pratiquer cet « art » qui semble en effet dater d’un autre temps pour les plus jeunes.

1 – Je peux m’offrir les plus beaux Leica ou Nikon …gratuitement !

Si ce titre peut paraître un peu racoleur, l’affirmation est pourtant exacte. Achetez, à prix correct, l’appareil de vos rêves : un Leica M2, un M4, voir un M6 (avec mesure semi-automatique de la lumière). Du côté de chez Nikon privilégiez les « mécaniques » : le F2 (le plus beau), ou les increvables FM2 ou FM3a.

Leica M2 avec Summilux 1.4/50 mm - © Robin Santus
Leica M2 avec Summilux 1.4/50 mm – © Robin Santus

Utilisez ensuite ces appareils 1 an, 2 ans,… 5 ans … Et à condition bien sûr de les conserver dans des états similaires à ce qu’ils étaient lors de leur achat, vous pourrez aisément les revendre au même prix, voir plus cher pour certains modèles de plus en plus convoités.

Il en est de même pour les optiques. Encore mieux, elles sont le plus souvent compatibles avec les boitiers actuels et offrent des résultats tout à fait remarquables. Enfin, avez-vous déjà comparé la qualité de fabrication d’un objectif Nikon Ai ou Ai-s avec celui d’un AF moderne ? Hum hum … Je sais déjà lequel des 2 fonctionnera encore dans 40 ans …

2 – Je réfléchis avant de déclencher !

Vous allez me dire c’est normal « l’argentique ça coute cher alors que le numérique est gratuit ».

Ah bon, le numérique c’est gratuit ? Additionnez la dépréciation de votre boitier (les premiers boitiers « pro » Canon ou Nikon qui valaient plus de 6.000 euros lorsqu’ils sont sortis sur le marché valent 300 euros sur le marché de l’occasion) et comptabilisez le nombre de fois où vous avez changé de boitier en 10 ans ? Combien de fois avez-vous également changé votre ordinateur depuis le début du siècle ? Combien de cartes mémoires et de disques durs avez-vous acheté pendant cette même période ? …

Nouvelle-Angleterre - Mamiya 7II + 43 mm - © Robin Santus
Nouvelle-Angleterre – Mamiya 7II + 43 mm – © Robin Santus

Une pellicule 36 poses vous coûte 4 à 5 euros. Ensuite en fonction du protocole que vous allez suivre pour traiter votre film, il vous en coûtera entre 3 ou 10 euros selon que vous développez vous-même ou que vous laissez faire un laboratoire (surtout si vous lui demandez de faire les scans, néanmoins pratiques, si vous désirez mettre vos images sur le net).

La grosse différence, c’est qu’en argentique, on réfléchit avant de déclencher car on a directement cette notion de coût ! Ce qui ne veut pas dire que l’on ne réfléchit pas en numérique, mais on photographie plus facilement « tout et n’importe quoi » en se disant que « de toute façon on pourra les effacer ».

Un exemple concret : je suis parti aux Etats Unis en 2011 avec un MAMIYA 7 (format 6×7) et 25 rouleaux de PORTRA 160. J’ai donc ramené de ce séjour 25 x 10 photos (et oui on ne fait que 10 vues avec un rouleau de format 120 !) soit 250 photos. Une fois le tri fait, j’en ai conservé une quarantaine que vous pouvez voir sur mon site.

Taos Pueblo - New Mexico - Leica M9 + Summilux 1.4/50 mm asph - © Robin Santus
Taos Pueblo – New Mexico – Leica M9 + Summilux 1.4/50 mm asph – © Robin Santus

2 ans plus tard, je partais faire un voyage similaire mais cette fois-ci équipé d’un LEICA M9, donc numérique. J’ai fait 4500 photos… Pour finalement n’en conserver qu’une cinquantaine visibles ici. Je ne compare pas le temps qu’il m’a fallu dans les 2 cas pour trier et archiver ces séries …

Au final ai-je eu l’impression d’avoir raté des images parce que j’étais avec du film, sans la possibilité de changer les « iso » à tout moment, sans vérifier l’image après chaque déclenchement ?… Non je ne le pense vraiment pas.

3 – Je suis rassuré !

Depuis plus de 20 ans, je constitue une « série photographique » qui me tient particulièrement à cœur puisque cela consiste à immortaliser tous les ans mes enfants au même endroit.

Florian et Julian 1996 - Leica M4P + 2/35 mm - © Robin Santus
Florian et Julian 1996 – Leica M4P + 2/35 mm – © Robin Santus

Récemment j’ai décidé, dans le but d’en faire un livre, de regrouper toutes ces images. Les premières avaient bien sûr été faites en argentique. J’ai recherché mes planches-contacts, retrouvé les négatifs correspondants et j’ai scanné tout ça afin d’en obtenir des fichiers numériques. Certes cela a nécessité un peu de temps, mais tout s’est parfaitement bien passé… Par contre, quand j’ai dû rechercher les fichiers numériques correspondants aux 7 dernières années, quelle galère ! Pire, il y a des images que je n’ai jamais retrouvées parmi les 5 ou 6 disques durs que j’ai accumulés depuis…

Argentique = pérennité des images !

Bon je sais qu’il existe divers moyens pour conserver ses fichiers et que Phototrend vous informe régulièrement sur ce sujet…

Florian et julian - Leica M6 + 2/35 mm - © Robin Santus
Florian et julian – Leica M6 + 2/35 mm – © Robin Santus

Je pourrais encore vous citer de nombreuses autres raisons de faire de l’argentique, allant de la philosophie jusqu’à la beauté inégalée d’un tirage argentique (Ah la diffusion de la lumière dans la fibre barytée !) mais j’espère avoir déjà donné l’envie à quelques lecteurs de s’y mettre et j’attends impatiemment vos retours sur ce sujet qui a déjà offert tant de débats passionnants et… passionnés.

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  1. Bonjour,
    Il y a plus de 30 ans que j’ai commencé la photo. D’abord en argentique évidement. Maintenant en numérique et j’adore le numérique pour son côté « je fais tout ce que je veux et on verra après ». Jamais je n’aurais autant appris et aussi vite qu’avec le numérique.
    Et puis, j’ai décidé de repasser à l’argentique (tout en conservant le numérique, faut pas exagérer tout de même).
    J’ai donc acheté une dizaine de Canon pour une bouchée de pain. J’ai choisi 2 modèles et je m’amuse vraiment avec. Que du bonheur. Le « temps s’échappe » avec une moyenne de 6 mois entre le déclenchement et le moment où je vois la photo.
    Je « prend ce temps » qu’il manque au numérique. Je choisi mes photos. C’est finalement une autre façon de voir et de faire de la photo.
    À essayer à tout prix !

    1. tout à fait ! on prend son temps et une pellicule peut être 6 mois dans l’appareil ! on a cette surprise et ce souvenir quand on attends avec impatience son tirage et qu’on le découvre 🙂

    2. On peut facilement accélérer tout ça:Voilà ma pratique : prise de vue et développement le matin, scan l’après-midi et les impressions sont prêtes pour l’apéro

    3. Merci Jean-François, si tu es fidèle à ce blog (ou si tu as lu mon interview via le lien en fin d’article), tu sais que je pratique les 2, argentique et numérique. L’important est de se faire plaisir et c’est tout ! …

  2. Robin !!!
    Yesssss !!!

    Merci de ton retour d’expérience sur la pérennité des images en argentique. Je partage la même !

    Avec le temps qui passe de plus en plus de personnes vont s’apercevoir de la même chose. Sauf pour ceux qui mettent tout sur le net ..,

    L’industrie du cinéma retourne à la celluloïde pour l’archivage de ses meilleures pièces après avoir irrémédiablement perdu certains films récemmennt tournés, traités et archivés en nimérique …

    Si ce n’est pas un signe …

  3. Merci pour cet article!

    J’avais écrit il y a quelques mois pourquoi je restais à l’argentique, j’avais déjà relevé que ça ne coute pas plus cher :

    https://35mmethnography.wordpress.com/2014/09/15/choix-argentique-pourquoi/

    (oui, je fais un peu de pub).

    D’ailleurs, je viens justement d’acheter un D7000, enfin ! Mon retour au numérique après un passage au D100 avorté par un cambriolage.
    Ben, déjà 500€ pour un boitier, un objectif et une carte mémoire, pour un appareil dont la conception à 4 ans, déjà « out of date » d’un point de vue technique.

  4. Bonjour,

    et un grand merci pour cet article, qui m’a donné envie de retoucher à la photo (pas juste la photo de vacances ou de prises de notes visuelles). Et merci beaucoup pour nous avoir montré tes clichés, en particulier de tes enfants, ils sont magnifiques !

  5. Super article. Qui mérite toutefois d’être contrebalancé. Si l’argentique est très séduisant sur le papier (des boitiers et des films légendaires, un rendu inimitable), cela reste pas moins une pratique élitiste dès que l’on veut obtenir des images de bonne qualité.
    A moins de tirer à l’agrandisseur, l’étape du scan du négatif est déterminante et délicate. Les scanners de négatifs sont en voie de disparition et les prix s’envolent pour le matériel de qualité (Coolscan et autres), les softwares de scan sont tout simplement désastreux en comparaison avec des logiciels comme Lightroom, Photoshop, etc. Bien souvent on finit par scanner en raw et faire le travail d’inversion en manuel dans photoshop. Je ne parle même pas de calibration colorimétrique qui relève de l’impossible sur du négatif. Bref, sans exagérer en post traitement il faut un temps 10x supérieur au numérique pour sortir une image argentique scannée qualitative.
    L’argentique ça fait rêver (y compris moi) mais ça se mérite.

    1. Vous avez raison mais je crois que la meilleure solution pour gérer ses problèmes est de … ne pas se les créer !
      Je veux dire que si on prend conscience qu’on fait de l’argentique et pas du numérique, on peut tout aussi bien se contenter du travail « à l’ancienne » et faire de simples petites retouches éventuelles sur PS après un scan du négatif (déboucher très légèrement une ombre, supprimer une tache ou une poussière sur le négatif, rajouter un peu de dynamisme avec de la saturation,…).
      On trouve des scanners correct pour ce travail à prix raisonnable (je pense au Epson v700).
      L’erreur à mon avis, c’est d’essayer de faire tout ce qui est possible en numérique avec de l’argentique, comme les grands tirages. Je n’ai, personnellement, jamais tiré plus grand que 20×30.

      C’est pour ça qu’il faut à mon avis faire les deux. Se contenter d’un travail plus basique en argentique (sans dévaluation du travail aucune bien entendu) et réserver les retouches et le travail plus profond au numérique.

      1. Malheureusement il n’est pas si simple de scanner un négatif et de l’inverser correctement. Même les logiciels dédiés (Cyberview, Vuescan pour n’avoir testé qu’eux) ne s’en sortent pas. Les images contiennent toujours un voile bleu à la sortie. Et il ne s’agit pas d’un simple problème de balance des blancs. Cela peut être assez frustrant de devoir passer du temps en post traitement uniquement pour supprimer une dominante.
        Avec du temps et de l’entrainement on y arrive, mais on est loin du cliché « je scanne, j’inverse, et c’est beau »

      2. Vous avez raison, il y a ce voile, c’est pour ça que je parlais de jouer un peu sur la saturation, c’est comme si un négatif voilé manquait de « peps » par rapport à l’original.

    2. Je ne parle pas d’un retour à 100% à l’argentique car le numérique est intéressant (voir indispensable) dans bien des cas. Mais pour ceux qui ont encore la possibilité de faire un tirage sous l’agrandisseur, il faut bien avouer que cela reste inimitable (contemplez un tirage de Mickael Kenna et vous aurez vire compris ;-))
      Et si vous faites de la couleur, pas besoin de beaucoup de retouche une fois scanné, c’est tout de suite « équilibré ».
      Je fais développer dans un magasin rue Lafayette à Paris (pour ne pas le citer) et les scans peuvent être demandé avec le développement du film pour un prix très modeste (10 euros) => gain de temps et scan de bonne qualité.

  6. Je me suis mis à l’argentique récemment. À terme j’aimerai faire de la photo à la chambre 8″x10″ : correction des perspectives, plan focal incliné, résolution supérieure aux meilleurs full-frames numériques et pour pas plus cher (investissement initial <2000€, consommables pas plus cher qu’un bon tirage numérique car le dév. N&B perso est très compétitif, il faut juste éviter de rater ses photos donc réfléchir avant). Le grand format est une raison supplémentaire de faire de l’argentique, car dans ce domaine le numérique est tout bonnement absent (quelques appareil moyen format hors de prix, une solution bancale existe pour de la photo à la chambre avec capteur numérique). Il ne faut pas oublier non plus que les négatif N&B ont une excellente étendue dynamique.

    Pour le moment quelques photos avec une agfa box (qui coûte rien du tout), en moyen format (surface sensible de 6 par 9 cm !!!), histoire de m’initier au développement argentique N&B.

    Ingrédients :
    mx2boutique.com
    caddyphoto.com
    (vous en connaissez d’autres ?)
    Un peu de bricolage : une contacteuse maison (pas d’agrandisseur prévu), la récup' d’un montage de 3 led rouges comme lampe inactinique, des draps occultants noirs au mètre
    de la patience et de la rigueur

    Pour moi le numérique reste un outil de choix pour apprendre et/ou pour certaines pratiques conduisant à un fort taux de photos ratés (genre street photo, reportage), mais pour des photos de paysages/nature/architecture où l’on a le temps de bien se préparer et de sélectionner les photo à priori, je suspecte qu’on puisse faire bien mieux en argentique et pour moins cher.

  7. bonjour à tous, une première remarque, les commentaires sont tous intéressants ( très rares de nos jours) et démontre les multiples profils, expèrience et attente. Pour ma part 20 ans d’argentique et 15 de numérique.
    Au début tous type, archi, portrait, paysage, ville, animalier qui depuis 20ans predomine largement ou je contredirai nicolas la préparation sur un vol d’oiseaux, une scène de prédation se résume à un reflexe (hé oui)
    et quand tu remontes d’une plongée avec ta peloche diapo étiré à 37 et que tu loupes les photos de ta vie, vive les cartes mémoires.Mais effectivement chacun sa pratique. Pour le demi format ou la chambre je demande à voir dans les mois EOS 5DS à 50mo, canon a déjà « travaillé » avec du 120, on fait du tirage num avec du barité….. boitier neuf 3500€!!!!
    Les prix vaste débat, il y a tjs cet effet marketing, nouveauté. Un peu de recul un eos 6d, 1D et 5D mark 3 se trouvent entre 30 et 60% de moins qu’à leur sortie, normal, c’est devenu de mauvais boitiers ????
    Dans deux ans le 5DS sera à – de 2000 idem pour le matos informatique le réel problème étant que tu parts volontairement ou non dans une évolution permanente sans ça obsolescence et blocage. Et certaine technique, HDR, panoramique, focus stacking en argentique moins cher? bonne chance.

  8. Bonjour Robin,

    Je pars aux états unis pour trois mois fin avril avec mon argentique. J’aimerais pour une question de commodité (bagages limités) développer mes photos là bas mais sur scan uniquement et développer les négatifs ensuite (comme le proposent Kodak et la plupart des labos en France), une fois de retour. Sais tu si les labos aux états unis proposent également cela et se trouvent aussi facilement qu en France ?

    En te remerciant d’avance pour ta réponse !

    Marie Caroline

  9. Encore un snob en leica qui vient t’expliquer que l’argentique, c’est mieux, c’est pour les vrai, ceux qui réflechissent, pour les vrai artistes quoi, que le numérique c’est pour la populace. Bref que du bon gros bullshit de bobo à la mode vintage. On est dans le même phénomène que la mode retour au disque vinyl.
    Sauf que l’argentique ça pollue a mort a la fabrication (et a développer aussi). Une bonne pellicule ça coute la peau du cul et ne vous en deplaise les capteurs numerique d’aujourd’hui sont capables de plus de nuances et bien plus sensible que les film utilisé en argentique. Bref, stop de se croire supérieur, ouvrez vos yeux et interessez vous un peu à ce qui vous entoure avant de balancer de la merde sur le net