Au Salon de la Photo 2025, Franck Bernard, directeur de la division photo de Fujifilm France, revient avec nous sur les grands enjeux d’une année particulièrement dense, entre en X100VI toujours introuvable, stratégie vidéo, et succès durable des Instax. L’occasion aussi de faire le point sur tous les lancements de ces 12 derniers mois, du GFX 100RF à l’Eterna 55, en passant par le X-E5 et le X-M5.
Place à l’interview.

Quelles gammes marchent le mieux aujourd’hui pour Fujifilm ? Et quelle est votre part de marché sur le segment des hybrides et objectifs, en France ?
En France, la photo se porte très bien. D’après les dernières données GfK à fin juin, Fujifilm représente environ 12 % de part de marché en valeur sur les hybrides à capteur APS-C.
Sur le marché global de la photo (toujours en France), en intégrant les compacts comme le GFX 100RF, ou le X100VI – notre locomotive en termes d’image – nous atteignons 13 à 14 %. Et la dynamique est excellente : la marque progresse sur tous les segments. Notre ambition, c’est de devenir numéro 3 du marché.

Quel a été le plus grand succès de ces douze derniers mois ?
Clairement, c’est le Fujifilm X-E5. C’est le produit qui s’affiche comme notre grand succès de l’année. Il y avait une forte attente après le X-E4, et le X-E5 a su y répondre. Il reprend le même format, compact, avec le viseur déporté. Certains consommateurs qui ne pouvaient pas trouver le X100VI se sont reportés dessus, mais pas seulement : le X-E5 a trouvé son propre public.
Le contexte économique actuel a-t-il un impact sur vos ventes ?
Pas du tout sur la partie photo. C’est même une très bonne année pour la division Electronic Imaging. La marque reste solide, notamment parce que nous opérons dans plusieurs domaines : le print, les laboratoires, le broadcast, les vidéoprojecteurs, les Instax… Quand une activité ralentit, une autre compense. Cette diversité nous protège.
De nombreux jeunes, habitués à la photo sur smartphone, envisagent d’acheter un vrai boîtier. Quels arguments leur donner pour choisir Fujifilm ?
D’abord la simplicité d’utilisation : nos appareils sont de plus en plus accessibles. Ensuite, la largeur de gamme : du X half au X-H2S, chacun peut trouver un boîtier adapté à son usage et à son budget.

Le GFX 100RF est le premier compact moyen format de la marque. Comment s’est passé son lancement ?
Il fut bien au-delà de nos attentes. Le démarrage a été très fort, comparable à celui du X100VI à son époque. Comme souvent, les ventes se stabilisent ensuite, mais la courbe reste saine. Évidemment, il évolue dans un environnement concurrentiel [avec le Leica Q3 ou le Sony RX1R III, NDLR], mais le GFX 100RF a su trouver sa place.

Le X100VI est-il toujours aussi difficile à trouver ?
Oui, nous sommes encore en tension sur les stocks. Certains revendeurs ont des unités en rayon, mais globalement, les commandes non-délivrées restent importantes.
Et ce sera toujours le cas avant Noël. D’un point de vue business, c’est réjouissant, mais nous comprenons la frustration des utilisateurs.
Le X half, plus original, a-t-il trouvé son public ? Ou est-il à ranger aux côtés de boîtiers moins couronnés de succès comme l’instax Pal.
C’est un pari, un nouveau concept. Le X half s’adresse à une nouvelle génération habituée aux formats verticaux, qui veut créer pour les réseaux sociaux. Voici son concept. Ce n’est pas un produit de masse : c’est une niche qui demande de l’évangélisation, car on découvre les photos a posteriori.

L’Instax Pal, lui, n’a pas fonctionné en Europe. Mais il fallait oser. Une marque leader se doit d’innover, de prendre des risques. Parfois ça marche, parfois non.
Qu’est-ce qui a motivé le développement de la caméra GFX Eterna 55 ?
Fujifilm a une vraie légitimité dans le broadcast, notamment dans les objectifs dédiés. La GFX Eterna 55 associe cette expertise optique à une ambition cinéma. Le marché évolue : de plus en plus de chefs opérateurs ou de petites productions veulent des outils plus accessibles que ceux proposés par les géants du secteur [ARRI, RED ou encore Sony, NDLR]. Nous visons notamment les chefs opérateurs sur les courts-métrages qui recherchent une qualité « cinéma ».


On veut aller animer, agiter ce marché, comme nous avons pu le faire en relançant le moyen format.
Justement, la vidéo est de plus en plus centrale chez tous les constructeurs. Peut-on imaginer chez vous un boîtier dédié à la vidéo, comme chez Sony ou Canon ?
Fujifilm a commencé sur les hybrides avec le X-Pro1, et a toujours progressé vers des modèles plus complets. Aujourd’hui, nos boîtiers comme le X-H2S sont déjà très orientés vidéo, notamment pour le sport ou le documentaire.


Le segment des hybrides entre 1500 et 2500 € est saturé, donc l’enjeu, c’est soit d’aller vers des produits plus accessibles comme le X-M5, soit de tirer vers le haut avec des outils comme l’Eterna. On n’en vendra pas autant que de X100VI, mais cela permet d’occuper le terrain.
Les Instax rencontrent-ils toujours autant de succès ? Pouvez-vous estimer le nombre de films vendus par appareil ?
Absolument, de 7 à 77 ans ! Le Mini 12, à 89 €, reste notre best-seller, mais nous avons aussi le Mini Evo, qui continue de très bien se vendre. C’est simple, le Mini Evo, c’est le X100VI des Instax. L’an passé, il y a tellement de demandes qu’on avait du mal à suivre.


Même le Wide Evo à 369 € marche très bien. Nous avons aussi de bons retours du nouveau Mini Evo Rose.
Quant au nombre de films utilisés, c’est impossible à chiffrer. Certains en font trois, d’autres des dizaines. Mais la consommation reste soutenue. D’ailleurs, quand on a lancé le mini Evo, certains ont pu penser qu’en laissant le choix de la photo imprimée, on verrait une baisse de la consommation, qu’on allait tuer le film. Erreur grossière. Parce qu’à présent, les utilisateurs peuvent non seulement tirer une photo réussie et ils adorent l’imprimer plusieurs fois pour l’offrir.


Il y a quelques années, on trouvait des boîtiers Fujifilm à 500–600 €. Le ticket d’entrée a beaucoup monté. Que répondez-vous aux photographes au budget plus serré ? Verra-t-on un jour un boîtier très accessible ?
C’est vrai, c’est plus cher aujourd’hui et je serai prudent : il y a quelques années, j’avais dit qu’on ne lancerait plus jamais de boîtier sous les 1000 €, et pourtant nous avons lancé le X-M5. Mais, à présent, ce n’est pas à l’ordre du jour d’aller plus bas.
Et surtout, le marché de l’occasion est une excellente porte d’entrée. Un X-T3 ou un X-T4 d’occasion sous les 1000 € reste un excellent choix, durable et écologique.
Justement, le marché de l’occasion prend de l’ampleur. Comment Fujifilm l’aborde-t-il ?
Nous n’avons pas de chiffres précis, mais c’est une réalité à prendre en compte. Même si ce n’est pas ce que nous privilégions économiquement, nous savons que c’est un canal d’entrée fort pour beaucoup de photographes.
Les produits Fujifilm sont durables, et leurs performances tiennent dans le temps. Certains objectifs ont plus de dix ans et restent excellents. Les consommateurs en ont assez du renouvellement constant.


Le Fujinon XF 23 mm f/2,8 R WR est votre second pancake. Pourquoi avoir choisi cette focale en deuxième, et non en premier à la place du 27 mm f/2,8 R WR ? Le trouvera-t-on en kit avec un X-E5 ?
Les choix industriels jouent un rôle important. Chaque lancement implique une production, un référencement, des volumes. On ne peut pas tout décliner. Il fallait donc prioriser le 27 mm.
Par ailleurs, Le 23 mm n’a pas vocation à être vendu en kit, mais certains revendeurs peuvent le proposer librement, même si ça n’est pas très pertinent pour eux. Nous veillons simplement à ce que les kits ne soient pas associés à des optiques tierces.


Merci à Franck Bernard d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Fujifilm France pour cette interview.
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