Après un numéro consacré à Martine Franck, Reporters sans Frontières consacre son 78e album à Man Ray (1890-1976). Artiste ayant marqué son siècle, et qui continue d’éclairer le nôtre par sa liberté et son indépendance d’esprit, Man Ray devient ici l’étendard de la liberté de la presse.

Man Ray, artiste total et radical
Né Emmanuel Radnitsky en 1890 aux États-Unis (Philadelphie), Man Ray s’initie au dadaïsme auprès de Marcel Duchamp dès 1915. Il le suivra à Paris en 1921 et deviendra rapidement un personnage central de la scène artistique surréaliste. Aux côtés d’artistes tels que Picasso ou André Breton, de la Ruche à la Rotonde, Man Ray capture le bourdonnement des années folles.
Si ces comparses utilisent toiles et pinceaux, Man Ray, littéralement « homme – rayon », écrit une nouvelle page artistique à l’aide de la lumière. Ces expérimentations surréalistes et son avant-gardisme lui permettront de redéfinir les contours de la photographie, ou plutôt d’en abolir toute frontière. Aux côtés de femmes tout autant artistes que muses, Kiki de Montparnasse, Bérénice Abbott ou Lee Miller, Man Ray s’essaie à la rayographie (procédé qui souligne les contours) puis à la solarisation (inversion des tons). Artiste total, il est aussi peintre, sculpteur puis réalisateur.
J’essaie simplement d’être le plus libre possible. Personne ne peut me dicter ou me guider dans ma manière de travailler ou dans le choix de mes sujets. On peut me critiquer après coup, mais c’est trop tard. Le travail est accompli. J’ai expérimenté la liberté.

Ses clichés, comme Le Violon d’Ingres, sont devenus des icônes mettant corps, visage et objets au centre d’une nouvelle perspective. Sur cette image mythique de 1924, Kiki de Montparnasse de dos semble tout droit sortie de la toile Le Bain turc de Jean-Auguste-Dominique Ingres. Sur le tirage, Man Ray appose deux ouïes de violon à l’encre de Chine, soulignant la résonance entre les courbes de ce corps et l’instrument.

L’album proposé par RSF, galerie de personnages de légende ayant fait la folie de ces années, est enrichi de contributions inédites apportant leur éclairage sur ces images.
L’auteur-scénariste José-Louis Bocquet signe un portrait de la reine de Montparnasse, Kiki, tandis que la commissaire d’exposition Emmanuelle de l’Ecotais apprivoise l’indomptable Man Ray pour mieux nous le présenter. L’auteur et éditeur américain Robert McAlmon, compatriote de Man Ray et chroniqueur du Paris des années 20, sort enfin de l’ombre d’Hemingway grâce à Maud Simonnot.

Un extrait de l’autobiographie de Man Ray (Autoportrait publiée en 1963) inaugure ce 78ᵉ album. Whitney Scharer revient quant à lui sur la passion entre le photographe et Lee Miller, muse, élève et amante de Man Ray – récemment incarnée par Kate Winslet dans le biopic d’Ellen Kuras, sorti en salles il y a quelques mois.
Défendre en chaque instant la liberté d’informer
L’album fournit également un état des lieux de la liberté de la presse. À ce jour, 530 journalistes sont toujours détenus et 6 ont déjà trouvé la mort en reportage depuis le 1ᵉʳ janvier 2025 (54 en 2024).
La France, quant à elle, a perdu 3 places dans le classement mondial de la liberté de la presse (accessible en ligne), désormais installée à la 21e place sur 180 pays. Le titre met en lumière les dangers encourus par les reporters, rappelant les décès et emprisonnement des défenseurs de la liberté de la presse.
Présent dans 150 pays grâce à son réseau de correspondants, RSF doit, à l’instar de l’artiste libre à l’honneur dans son nouvel album, faire preuve de créativité pour renouveler le journalisme, libérer les journalistes otages de régimes répressifs et lutter contre la désinformation et la propagande.
En 2025, RSF veut penser et garantir le droit universel à une information fiable comme un prolongement de la liberté de la presse, et resserrer son action autour du journalisme proprement dit.
L’album RSF consacré à Man Ray est disponible dès ce jeudi 6 mars en kiosque, sur le site de l’association, ainsi qu’à la Fnac au tarif de 12,50 €. L’intégralité des bénéfices est reversée à l’ONG pour financer la défense du journalisme partout dans le monde.