En grec ancien, Eidolon signifie fantôme, image, simulacre. Un terme évocateur qui résonne particulièrement avec la photographie, art capable de figer l’éphémère pour donner corps à l’invisible. C’est aussi le titre du projet de Frédérique Dimarco, une série portée par un livre éponyme. Eidolons témoigne ainsi d’une vision intime et renouvelée de l’image.

Réinventer le regard
Touchée par des troubles visuels, dont une très forte sensibilité à la lumière (photophobie) et une instabilité visuelle, la photographe Frédérique Dimarco a d’abord pris de la distance avec la photographie avant d’y revenir d’une manière repensée.
En jouant avec le flou, la surexposition et des effets d’effacement, elle fait de l’image un terrain d’exploration de sa propre perception – l’objectif étant comme un filtre protecteur. Le médium est alors progressivement devenu un moyen de se réconcilier avec le sens de la vue en en apprivoisant les contours renouvelés.

En utilisant des films argentiques périmés, Frédérique Dimarco transpose dans ses images le regard unique qu’elle porte sur le monde. Ses tirages aux nuances délavées, comme déliés à l’eau, mettent en lumière par leurs contours indécis le caractère fugace des paysages, visages ou animaux photographiés. Hors de l’espace et du temps, ces clichés méditatifs au goût d’été suspendu invitent à ralentir pour mieux regarder.

Cueillettes d’instants poétiques
Pour accompagner ces images oniriques réalisées en argentique, le livre intègre des extraits du poème Eidolons de Walt Whitman ainsi que le texte de l’auteure-photographe Laure Samama, Être voyant. Ces mots renforcent à leur manière la réflexion engagée par la photographe sur la beauté de l’impermanence.
Eidolons dit l’essence même du souvenir, quand il s’inscrit dans la matière du corps humain devenu photosensible. Il est la preuve tangible de l’existence des images qui se forment à l’arrière de nos paupières. Laure Samama, Être Voyant

En nous prêtant son regard, Frédérique Dimarco nous rappelle que chaque perception du monde est unique et incomplète. Une invitation à embrasser l’éphémère, à trouver du sens un absolu au-delà des lignes figées de la matérialité.



Présentée en mars 2024 en collaboration avec le collectif Art Gentik 73 à l’occasion des 16e Rencontres Photographiques Argentiques, la série Eidolons est publiée dans un livre photo éponyme (format à la française 17 x 22,5 cm, reliure à la suisse, 96 pages, 59 photographies couleurs). Publié aux éditions Arnaud Bizalion, il est proposé au tarif de 34 €.