Interview Fujifilm Salon de la Photo

Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2024 : « le X100VI est un produit iconique »

L’année 2024 s’annonce particulièrement dynamique pour Fujifilm. Nouvel hybride X-M5, succès considérable du X100VI, retour de l’argentique et questions autour de l’IA en photo : autant de sujets qu’évoque avec nous Franck Bernard, Directeur de la division photo chez Fujifilm France, que nous avons rencontré lors du dernier Salon de la Photo.

Place à l’interview.

Comment se porte Fujifilm en cette rentrée 2024, tant côté hybrides que moyen format ?

Tout d’abord, merci à vous de venir nous voir sur le Salon de la Photo. Pour répondre à votre question, Fujifilm se porte très très bien, que ce soit sur le moyen format ou sur la gamme X en général. Les seules choses dont nous souffrons un peu, c’est la disponibilité des produits : j’ai envie de vous dire que c’est la rançon du succès !

Avez-vous des chiffres sur le marché photo, et plus spécifiquement sur le segment de l’APS-C ?

Les chiffres GFK ne ciblent pas spécifiquement l’APS-C, mais tout ce qui ne relève pas du marché du plein format. Et sur ce segment, nous sommes leaders, grâce à l’APS-C et au moyen format, avec environ 40 % de parts de marché.

Avec le X-M5, on assiste au grand retour de Fujifilm sur le marché des boîtiers à moins de 1000€ (ne parlons pas d’entrée de gamme). Comment l’expliquez-vous ?

Il faut faire attention aux mots : un boîtier à 1000 euros, à mon sens, n’est pas une entrée de gamme. Il est vrai que nous avons maintenant coché toutes les cases sur le haut de gamme avec les X-T5, X-H2, et X-H2S. Et en février, nous avons lancé le X100 VI.

Ainsi, nous nous sommes rendu compte qu’il existait une vraie demande sur ce segment de prix, notamment auprès des jeunes. Le smartphone est un tremplin vers ce type de boîtier, tant en termes de prix que de public.

Le X-M5 est présenté comme “pensé pour les créateurs de contenu”. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Au départ, ce boîtier était davantage conçu pour les youtubers : on le voit bien avec les trois petits micros [et l’absence de viseur, NDLR]. Mais plus on observe ce produit, plus on se rend compte qu’il pourra plaire aux photographes. Il possède un gabarit très réduit, il profite des simulations de film : ce boîtier sera aussi un levier de croissance du côté de la photo également.

Selon vous, quelles sont les attentes de la nouvelle génération en termes d’appareil photo/vidéo ?

Les nouvelles générations sont très complexes. Les jeunes ne pratiquent plus la photographie de la même manière que leurs parents ou leurs grands-parents. Ils n’achètent pas les mêmes appareils. Tous les types de profils se rencontrent : certains sont de plus en plus attirés par le design vintage, et d’autres se posent de vraies questions sur l’intelligence artificielle, par exemple.

Un Fujifilm X-T4 croisé sur le stand de… Canon

Vous évoquiez l’IA : comment pourra-t-elle être intégrée dans les appareils photo ?

Les tendances et les demandes sont contradictoires. C’est comme pour la musique : beaucoup de monde revient aux disques vinyles, mais en même temps dispose d’un abonnement de musique en streaming. C’est la même chose pour l’IA.

D’une part, il y a un danger au niveau de la propriété [de ses images, NDLR]. Nous avons beaucoup de discussion avec les professionnels, et c’est un aspect que nous devrons prendre en compte. De même, certains utilisateurs voudront que leurs images soient retouchées automatiquement, d’autres absolument pas : c’est quelque chose que nous observons pour le print, notamment.

D’un autre côté, des technologies comme la détection des sourires ne sont pas nouvelles, et peuvent déjà être associées à de l’intelligence artificielle. Nous devons prendre en considération tous ces aspects – notamment en ce qui concerne la protection des images.

Mais au-delà, l’IA n’apportera que des bénéfices pour le business photographique en général, et notamment du côté du print. Faciliter la fabrication d’un album photos, avec la possibilité d’aller plus vite avec un minimum de clic : l’IA va pouvoir nous aider énormément.

Le nouveau zoom Fujifilm XF 16-55 mm f/2,8 R LM WR II devient « l’objectif au badge rouge » le plus léger. Comme êtes-vous parvenu à réduire la taille et le poids de 37 % ?

Cela s’explique par le fait que la disposition et la taille des lentilles ont été entièrement repensées. Sur les objectifs plus anciens, nous avions un peu plus de mal à maîtriser ces deux aspects. Ces progrès sont dus aux avancées en matière de R&D. Les moteurs LM de nouvelle génération sont également un peu moins gros aujourd’hui.

Tout cela nous a permis de réduire la taille des lentilles et de repenser leur agencement. De même, l’objectif profite des derniers perfectionnements au niveau des lentilles ED, Super ED et asphériques. C’est aussi cela qui nous a permis de gagner en poids et en compacité.

Pourquoi fait-il l’impasse sur la stabilisation optique ?

Aujourd’hui, tous nos boîtiers haut de gamme sont stabilisés. Et sur cette plage focale, l’intérêt est moins prononcé. En revanche, sur les longues focales, en effet, la double stabilisation [boîtier + optique, NLDR] est toujours bénéfique.

Le X-M5 inaugure un nouvel emballage – et n’inclut ni câble USB ni chargeur. Pourquoi cela ?

La réponse est simple. Nous avons un objectif d’ici 2030 de réduction du Co². Nous nous inscrivons dans cette démarche-là. Dans le cadre de ce plan d’action, il a été prévu de réduire les couleurs, le packaging, la consommation de cartons et, si possible, le nombre de câbles. D’autant que nous avons tous chez nous des cartons entiers de câbles dont on ne sait que faire !

Impossible de parler de Fujifilm sans aborder les simulations de film. Pensez-vous que Fujifilm contribue à la tendance du « retour vers l’argentique » ?

Je pense que oui. Nous sommes très forts avec les simulations de film : Astia, Velvia, Classic Chrome, etc. Donc je pense que nous contribuons à cette tendance.

Je nuancerais toutefois l’idée de « retour à l’argentique ». En tant que fabricant de films, nous avons accès aux données du marché et savons s’il s’agit vraiment d’un phénomène de grande ampleur. Il est vrai qu’il existe un réel engouement pour l’argentique, notamment chez les jeunes, qui cherchent à comprendre et à apprendre

Cependant, nous en percevons aussi les limites. Nous savons exactement ce que nous proposons : appareils jetables, pellicules… Il y a effectivement un retour de l’argentique, mais il convient de relativiser son importance.

D’ailleurs, maintenant que Ricoh-Pentax a sorti son Pentax 17, ne serait-il pas intéressant pour Fujifilm de proposer un appareil argentique “nouvelle génération” ?

Je ne suis pas dans le secret ! Pour l’instant, je ne pense pas qu’un nouvel appareil argentique soit à l’ordre du jour. Cependant, je préfère rester prudent

Avez-vous été surpris par le succès du X100VI ? Avez-vous pu ajuster vos capacités de production à la hausse ? 

C’est une très bonne question. Nous avons été surpris par le X100VI, dont le succès est allé bien au-delà de ce que l’on avait pu imaginer. Pourtant, nous avions des prévisions déjà très ambitieuses ; mais dès le lendemain de l’annonce, la demande était inimaginable.

Comment explique un tel engouement pour ce boîtier ?

D’une part, il ne s’agit pas d’un nouveau produit, car il s’inscrit dans la série des X100. D’autre part, déjà avec le X100V il y a eu un aspect viral avec un réseau social chinois [TikTok, NDLR], et la demande s’est accélérée.

En France, je pense que ce succès s’explique par ce que j’ai mentionné plus tôt. C’est un appareil qui s’inscrit dans la tendance vintage, avec son design compact, élégant, de grande qualité, et conçu au Japon. Tous ces éléments ont contribué à son succès.

Le X100VI, c’est un produit iconique, c’est un produit unique. Les gens l’attendent, et je m’excuse pour l’indisponibilité du produit. Mais je pense que l’on va réussir à livrer l’ensemble des boîtiers commandés d’ici 10 à 11 mois seulement.

La production a tout de suite été revue à la hausse. Mais on ne s’imagine pas la complexité de l’approvisionnement. Il faut acheter certains composants spécifiques, et les livraisons ne se font pas du jour au lendemain. D’autant que la demande ne vient pas que de la France, elle est mondiale !

En Europe / France, est-ce que le X100VI a cannibalisé les ventes, ou les hybrides demeurent-ils devant ? 

Le X100VI est un tremplin pour nous, un tremplin vers les technologies Fujifilm. Il ne fait de l’ombre à aucun produit car c’est un boîtier compact, pas un hybride. C’est le fleuron de notre gamme.

Par ailleurs, chaque produit a son segment de consommateurs. Ainsi, le X-H2S est un produit conçu pour la photo de sport, avec une grande réactivité au niveau de son autofocus. Et, par son design, il est différent d’un X-T5. J’ai envie de dire qu’il y en a pour tous les goûts et tous les moyens.

Les jeux Olympiques ont fait la part belle aux boîtiers sportifs, avez-vous eu des retours de professionnels équipés en X-H2S, voire des GFX100S II durant la compétition ?

Nous n’avons pas eu de retours du côté du X-H2S. Mais le GFX 100S II a été fortement demandé par les photojournalistes, qui voulaient l’essayer sur le terrain.

Interview Fujifilm Salon de la Photo
Franck Bernard, Directeur de la division photo chez Fujifilm France

Merci à Franck Bernard d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Fujifilm France pour cette interview.

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