Interview Sony CP+ 2024 : « le capteur à obturateur global permet d’explorer de nouvelles possibilités d’expression visuelle »

Après avoir fêté les 10 ans de son premier hybride plein format l’an dernier, Sony revient cette année sur le devant de la scène avec son Alpha 9 III, le premier appareil photo hybride plein doté d’un capteur global shutter. Lors du CP+ 2024, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Yu Takae, Senior Manager en charge de la planification des produits ILC – les boîtiers à objectifs interchangeables – chez Sony Corp. Nous revenons ensemble sur cette technologie, ainsi que sur la monture E, le parc optique, les dernières nouveautés Sony et le développement de l’IA. Place à l’interview.

Sony a fait grand bruit avec l’A9 III, le premier appareil photo hybride équipé d’un capteur CMOS à obturateur global. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette technologie ? 

Le Sony A9 III dispose d’un capteur d’image CMOS empilé plein format avec environ 24,6 millions de pixels effectifs et utilise un système d’obturateur global, en employant la technologie Exmor RS. Contrairement à la méthode classique de l’obturateur déroulant, où les images sont lues de manière séquentielle depuis le haut du capteur d’image, un capteur d’image à obturateur global expose et lit simultanément tous les pixels. Cela permet une capture sans distorsion de sujets en mouvement rapide, même lors de la photographie de mouvements à grande vitesse.

Comment ce nouveau système a-t-il été développé ? Allons-nous voir d’autres caméras Sony à l’avenir avec ce type de capteur à obturateur globale ?

Les capteurs d’image de type global shutter sont déjà devenus une technologie de production de masse pour les applications industrielles.

Ici, Sony a concentré la plupart de ses efforts sur le développement d’un produit qui offre une qualité d’image exceptionnelle avec un capteur d’image global shutter pour répondre à la demande des créateurs.

C’est une grande différence par rapport à une utilisation industrielle, et c’est le point le plus difficile que Sony a surmonté. L’architecture qui permet de réaliser le global shutter est basée sur une conversion A/N parallèle aux pixels. Un convertisseur A/N et une mémoire sont placés au sein de chaque pixel afin d’éliminer la distorsion de l’image causée par le décalage temporel de lecture.

Concernant de prochains boîtiers, nous nous abstenons de commenter les plans futurs.

Pendant notre test, nous avons remarqué que les performances ISO de l’A9 III n’étaient pas aussi bonnes que pour les appareils photo récents. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

En tenant compte des spécifications générales, nous avons conçu les caractéristiques du capteur d’image et optimisé la qualité de l’image en conséquence. Dans les domaines où la vitesse d’obturation élevée est essentielle, comme la photographie sportive, surtout en sensibilité moyenne à élevée, les performances en termes de bruit sont comparables au modèle précédent, l’Alpha 9 II, qui ne dispose pas d’un obturateur global.

De plus, pour les sujets immobiles, la nouvelle fonction Composite RAW permet la superposition de jusqu’à 32 images RAW, permettant d’obtenir un bruit numérique plus faible dans l’image finale.

Grâce au capteur à obturateur global, la capture sans distorsion est possible, permettant aux photographes d’explorer de nouvelles possibilités d’expression visuelle, à travers divers scénarios de prise de vue. Cela comprend des situations exigeantes comme la photographie sportive nécessitant des vitesses de prise de vue en continu atteignant jusqu’à 120 i/s, ainsi que la photographie commerciale et de mariage utilisant la synchronisation flash à vitesse élevée, élargissant le potentiel créatif pour les photographes.

En fin de compte, l’A9 III n’est-il pas encore plus attrayant pour les vidéastes, qui peuvent désormais bénéficier de l’obturateur global que l’on retrouve dans les caméras de cinéma, dans un format compact et polyvalent ? 

En effet, nous avons entendu les demandes de personnes souhaitant utiliser l’Alpha 9 III dans le domaine du cinéma, pour créer des images que seul un obturateur global peut fournir. Nous espérons ainsi qu’il sera utilisé dans de nombreux domaines du cinéma à l’avenir.

La plupart des appareils Sony possèdent un double processeur BionZ XR, mais s’agit-il toujours du même processeur ? Y a-t-il des avancées en matière de processeur entre différents appareils ?

Bien que nous ne puissions pas fournir de détails sur le processeur, la puissance de traitement est plusieurs fois plus rapide que la génération précédente, le BionZ X. Il permet une lecture ultrarapide qui peut mettre en valeur les performances d’un nouveau capteur d’image à obturateur global. Il rend également possible la performance de prise de vue en continu sans blackout à 120 images par seconde. Les performances en termes de sensibilité et de qualité d’image sont également améliorées.

Nikon utilise pour ses Z 9 une technologie à double flux pour ne pas avoir de black-out dans la visée en rafale. Est-ce que Sony utilise une technologie équivalente, si oui laquelle ?

Nous nous abstiendrons de mentionner la technologie des produits d’autres sociétés. Le Sony Alpha 9, lancé il y a 7 ans en 2017, disposait déjà d’une technologie de prise de vue sans black-out.

Cette technologie était impossible à réaliser avec les reflex numériques, et a incité les professionnels de haut niveau à utiliser les caméras de Sony. La technologie nécessaire pour obtenir une capture sans interruption dans le viseur est extrêmement avancée, et nous ne pouvons pas la commenter en détail.

Certains lecteurs nous ont fait remarquer dernièrement que les appareils photo Sony étaient aujourd’hui davantage des caméras vidéos capables (aussi) de réaliser des images fixes. Que pensez-vous de cette remarque ?

Ces dernières années, Sony s’est concentré sur l’amélioration des performances vidéo afin de répondre à une nouvelle demande. Cependant, le développement lié aux performances en matière de photo n’a pas cessé, au contraire, il s’est accéléré. Le résultat est l’Alpha 9 III, qui a apporté une innovation dans le domaine de la photographie. L’Alpha 1 est également utilisé par les meilleurs photographes professionnels du monde entier pour capturer des photos lors d’événements sportifs internationaux.

Depuis quelques années, la quasi-totalité des appareils qui sortent sur le marché offre une excellente qualité d’image. Comment arriver à se différencier dans ce paradigme ?

Sony s’efforce de fournir la meilleure qualité d’image à tout moment, ce qui est très apprécié par les clients. Cependant, les demandes en matière d’amélioration de la qualité d’image augmentent jour après jour. Sony espère répondre à ces attentes en faisant progresser ses capteurs d’image et moteurs de traitement d’image développés en interne.

La monture E reste la monture la plus développée pour les appareils photo sans miroir. Quelles sont les principales orientations stratégiques pour 2024 ?

Nous prévoyons que le marché des appareils photo sans miroir continuera de croître, et Sony a atteint la première place en termes de parts de marché, en volume et en valeur sur le marché mondial des appareils photo hybride plein format en 2023.

Sony a su se construire une position solide sur le marché des appareils photo hybride depuis que nous avons introduit notre premier appareil en monture E en 2010, en renforçant continuellement sa gamme de boîtiers et d’objectifs. À noter que, dans le segment plein format, nous avons constamment dévoilé des produits uniques et à forte valeur ajoutée, en avance sur la concurrence, en écoutant les retours des clients et en cherchant à surpasser les attentes des clients. Cela a permis à notre gamme de satisfaire un large éventail de clients, des amateurs aux professionnels.

De plus, l’avantage de la monture E de Sony est que cette seule monture d’objectif couvre entièrement le plein format et l’APS-C, pour la photo et la vidéo, des appareils photo hybrides Alpha aux appareils photo de la gamme Cinema, y compris la caméra CineAlta VENICE.

Nous continuerons à soutenir divers types d’activités créatives avec notre large gamme de produits.

L’an dernier, Sony dévoilait le Creators’ Cloud. Un an plus tard, quel est le bilan de cette plateforme ?

Il y a quelques jours, le Creators’ Cloud a ajouté la prise en charge d’une fonctionnalité de téléchargement vers le cloud. Après avoir effectué les réglages initiaux à l’aide de l’application smartphone « Creators’ App » (version 2.3), les photos et vidéos seront automatiquement transférées vers le stockage cloud de Creators’ Cloud lorsque l’appareil photo est allumé, sans passer par votre smartphone.

Les photos et vidéos transférées vers le cloud peuvent être rapidement consultées depuis différents appareils, et vous pouvez commencer le processus d’édition. À partir de mars 2024, les boîtiers Alpha 1, Alpha 9 III, Alpha 7 S III et Alpha 7 IV seront également compatibles avec cette fonctionnalité.

Nous continuerons à améliorer les fonctionnalités de Creators’ Cloud pour la rendre plus facile à utiliser, et la proposer comme un service qui peut améliorer le workflow des créateurs. Pour plus de détails sur cette fonction et les versions de logiciels compatibles pour chaque appareil photo, vous pouvez consulter le site du Creators’ Cloud.

Sony a sorti un nouveau zoom 24-50 mm f/2,8 G. Après le 20-70 mm f/4, est-ce que cela ne vient pas complexifier la lecture de la gamme de zooms standards pour les utilisateurs ?

Ce nouvel objectif couvre une plage focale allant de 24 mm à 50 mm, permettant de capturer des images comme des clichés du quotidien ou des portraits, mais aussi des vidéos, le tout en haute qualité mais dans un format qui tiendra facilement dans les plus petits sacs photo.

En proposant à la fois un objectif f/4 qui couvre une plus large gamme de focales et un objectif f/2,8 qui offre la luminosité avec des focales limitées, nous sommes en mesure de répondre aux besoins de nombreux utilisateurs.

Le développement de l’IA semble l’une des grandes tendances des derniers boîtiers Sony, débutée avec le Sony A7R V. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Dans quelle mesure est-elle encore amenée à se développer ? 

L’IA n’est pas seulement axée sur la reconnaissance des sujets, mais analyse également la scène et améliore la précision de la balance des blancs automatique.

De plus, l’IA n’est pas uniquement utilisée dans les caméras, mais est également implémentée dans le service Creator’s Cloud sous la forme de Cloud AI. Il existe déjà une grande variété de façons de l’utiliser, telles que la séparation des sons par scène, la classification de l’audio entre voix, son environnemental et bruit de vent pour clarifier la voix, et l’utilisation de l’IA non seulement dans l’appareil photo mais aussi dans le cloud. Nous aimerions proposer des fonctions qui apportent des avantages aux clients.


Merci à Yu Takae d’avoir répondu à nos questions. Nous remercions également Alice de Sony France pour avoir organisé cette rencontre.