© Mouna Saboni

Festival Photo Marseille 2023 : la part belle au photojournalisme

À Marseille, de nombreux lieux d’exposition se consacrent au Festival Photo jusqu’au 24 décembre 2023. Cette édition met à l’honneur le photojournalisme, avec notamment l’exposition collective « Traversées », découlant de la Grande Commande de Photojournalisme orchestrée par la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Traversées, la grande expo

L’exposition collective « Traversées », dédiée au thème des migrations, se déploie en plein air. Elle rassemble dix projets de dix photographes différents. Pour cette exposition, l’Esplanade Bargemon, avec ses marches offrant une vue sur le Vieux-Port, représente un cadre idéal.

© Henri Kisielewski

L’artiste pluridisciplinaire Anita Pouchard Serra y présente « Algérie(s), une mosaïque d’héritiers », un reportage qui s’attache à explorer la complexité des identités transnationales. Ici, la photographe part de sa propre histoire familiale multiculturelle, entre la France et l’Algérie, et des liens qui s’établissent de différentes manières.

Norah Bouhacene (46) au soleil sur un rocher du Vallon des Auffes. Marseille, France. 15 mai 2022 © Anita Pouchard Serra / Grande Commande Photojournalisme

Pas très loin, le photographe Hans Zeeldieb se sert de sa chambre argentique pour tirer différents portraits. Le contexte est important : début 2020, l’épidémie de Covid a coupé les liaisons maritimes entre la France et l’Algérie, liaisons qui n’ont pu reprendre que l’année suivante. C’est à partir de cette reprise que Hans Zeeldieb a photographié toutes ces personnes qui ont enfin pu reprendre la route maritime, ainsi que les marins qui ont repris le travail.

© Hans Zeeldieb / Grande commande photojournalisme

On l’aura compris, le Festival Photo Marseille met le portrait à l’honneur, devenu constitutif du photojournalisme. Le travail d’Aimée Thirion ne déroge pas à la règle : le portrait est ici documentaire voire document, témoignage sur de nombreux parcours de femmes exilées sur le territoire français après la pandémie.

9 octobre 2022. Marseille. M’Balia, 22 ans, Guinéenne. M’Balia vient d’arriver à Marseille. Mariée de force à 18 ans elle a fui son pays. © Aimée Thirion / Grande commande photojournalisme

Franco Zecchin, Continent Sicile

Quittons un temps le Vieux-Port pour remonter la Canebière, ce boulevard emblématique de la ville de Marseille, et ainsi rejoindre la non moins emblématique librairie Maupetit qui dispose d’un coin galerie où s’exposent les photographies de Franco Zecchin. Milanais d’origine, il arrive en Sicile en 1975 pour travailler sur la mafia locale et les conditions de vie à Palerme.

© Franco Zecchin, Corleone 1985. Carnival.

« Continent Sicile » délivre quelques images d’un reportage au long cours, de 1975 à 1994, véritable immersion dans ce qui fait de la Sicile une région du monde à part. L’insularité est au cœur, sans conteste, avec tous les enjeux qui y sont liés, ainsi que la mafia et ses opposants qui sont les acteurs principaux du territoire et de ses dynamiques.

© Franco Zecchin, Réveillon du Nouvel An, Palerme, 1980

Prix Maison Blanche

Tout comme le Festival Photo Marseille, le Prix Maison Blanche fête ses 13 ans d’existence. Henri Kisielewski remporte le premier prix pour son œuvre « Non fiction », un voyage esthétique explorant les frontières floues entre réalité et fiction en photographie. Ses images, imprégnées d’une aura d’étrangeté, se démarquent par leur attention minutieuse aux détails. Chaque cliché contribue à la construction d’une narration à facettes multiples.

© Henri Kisielewski

Avec « Disappearance », Mouna Saboni a arpenté la route 90 en Jordanie, territoire touché de plein fouet par la sécheresse. Disparition de quoi ? De l’eau, mais aussi de toutes les personnes qui en dépendent, photographiées au milieu de ces paysages désertiques aux allures de décors mythologiques.

© Mouna Saboni

Ces photographies en couleur offrent une variation riche sur les thèmes de la frontière, de l’exil et de la mémoire, des notions fondamentales pour le Festival Photo Marseille. Encore une fois, l’être humain est au cœur de ces œuvres, à la fois acteur et victime de son environnement.

© Mouna Saboni

La série photographique « À bout de souffle » de Jean-Michel André se distingue nettement du film homonyme de Jean-Luc Godard. Cette œuvre se concentre sur le charbon et ses mines, en particulier dans le Bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. Elle capture l’essence des travailleurs miniers éreintés et de leurs descendants, tiraillés entre le souvenir, la tradition et la modernité.

Portrait de Lisa MORGANT réalisé à Grenay dans la cité minière numéro 5. Lisa est née à Billy-Montigny dans le Bassin minier et poursuit des études de théâtre à Lille. © Jean-MIchel André

Plutôt qu’une commémoration, la série de Jean-Michel André est une cartographie vivante des Hauts-de-France, région où il s’est installé en 2013. Elle débute par une représentation intime de la jeunesse locale, puis évolue vers des paysages qui, malgré leur froideur apparente, révèlent le dynamisme vibrant de cette région.

Voltige sur le terril 101, dit Lavoir de Drocourt, situé à Hénin-Beaumont. Terril tabulaire de l’ancien Lavoir de Drocourt. Prise de vue réalisée avec Thibaut Jorion, voltigeur et sportif pratiquant les arts martiaux mixtes à Avion. © Jean-MIchel André

Finissons ce tour d’horizon par le dernier lauréat du Prix Maison Blanche, Andrea Graziosi, qui inscrit son travail au centre de la Sardaigne, baignée de traditions. Ses portraits noir et blanc et contrastés sont autant de déclinaisons de ces pratiques cultuelles et culturelles archaïques, portraits costumés où les masques, résolument effrayants, incarnent une certaine animalité.

Informations pratiques :
Festival Photo Marseille
Du 12 octobre au 24 décembre 2023
À travers la ville de Marseille
Programme à découvrir sur le site du festival