En grande forme, Panasonic présente au Salon de la Photo 2023 pas moins de 3 nouveautés : les hybrides plein format Lumix S5 II et S5 IIX, dévoilés au premier semestre – ainsi que le Lumix G9 II, son nouvel hybride Micro 4/3 polyvalent. À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec Mathilde Lécuyer, Cheffe de produit photo/vidéo chez Panasonic France. Elle décrypte avec nous le marché de la photo en France, et dévoile les grandes orientations stratégiques de la marque.
Place à l’interview.

Quel est l’état d’esprit de Panasonic à l’ouverture du Salon ?
Nous sommes très contents de revenir sur le Salon avec autant de nouveautés. 2023 est une belle année pour Panasonic avec 3 nouveaux boîtiers. Les Lumix S5 II et S5 IIX sont arrivés très fort sur le marché du plein format avec leur nouvel autofocus très attendu. Nous sommes très heureux de revenir avec ces nouveautés, ainsi qu’avec le Lumix G9 II que nous montrons pour la 1e fois sur un salon. C’est pour nous une grande fierté.
Quel est l’état du marché de la photo et de la vidéo en France selon Panasonic en 2023 ? Quelles grandes tendances observez-vous ?
On a longtemps parlé de l’équilibre entre reflex et hybride. Aujourd’hui, la présence de l’hybride pousse très fortement le marché vers le haut, ce qui le fait renouer avec la croissance.
Le marché est en légère décroissance en volume (-5 % environ) mais en croissance en valeur (+6%), tant en plein format que sur les autres tailles de capteur. Le marché est poussé par les nouveautés, grâce à des boîtiers aux caractéristiques très poussées, et qui intéressent beaucoup les utilisateurs.
Ainsi, le marché de l’hybride plein format enregistre une hausse de +20 %, et celui hors plein-format de +24 % (données GFK). Au total le marché hybrides est sur une excellente dynamique à +22%. À titre indicatif, un appareil vendu sur trois est un hybride (toutes marques confondues).
De son côté sur le marché des hybrides plein format, Panasonic détient déjà 22% de parts de marché sur la tranche des boîtiers sous la barre des 2500 €, et 12% des ventes en France. Au global photo, Lumix est la 2e marque la plus vendue en France (en volume), et la marque avec la plus forte croissance en Europe sur une année glissante +144% sur le plein format grâce aux Lumix S5II et Lumix S5IIX
La raison : nous sommes présents sur tous les segments de produits (compacts, bridges, hybride Micro 4/3 et plein format, des amateurs aux experts). Tout en sachant que nous n’adressons pas encore le marché des boîtiers au-delà de 3000 €. Nous ne ciblons donc qu’une moitié du marché pour l’instant, mais nous ne comptons pas nous arrêter là.

Si ces chiffres se reproduisent dans les années à venir sur des produits plus haut de gamme, cela augure une jolie tendance. Notre forte notoriété sur les compacts experts et surtout sur le Micro 4/3 nous a beaucoup aidé sur le plein format. Nous avons de très grandes ambitions pour le plein format. Et la France est un marché prioritaire pour Panasonic, de par sa grande présence historique.
La gamme Lumix S est-elle désormais au complet ?
Une gamme n’est jamais au complet ! Les ingénieurs Panasonic continuent à développer des boîtiers et des objectifs, tant en plein format qu’en Micro 4/3. Notre but est de proposer de nouveaux matériels, mais aussi de nouvelles mises à jour, afin de les maintenir à jour par rapport aux technologies qui existent. Notre priorité aujourd’hui concerne la gamme S5, plus compacte, qui correspond davantage à la demande aujourd’hui.

Comment Panasonic entend-il tirer son épingle du jeu ? Le rôle d’outsider qu’a Panasonic n’est-il pas un peu difficile à tenir sur la durée ?
Le rôle d’outsider est très intéressant (rires) ! Parce qu’on ne s’endort jamais sur nos lauriers. Panasonic et les boîtiers Lumix sont connus pour plusieurs éléments. Pendant longtemps, certains de nos produits comme les Lumix GH4 et GH5 étaient de petites révolutions, surtout au niveau de la vidéo. C’est important pour Panasonic de proposer à tous les créateurs d’accéder à des spécificités techniques jusqu’alors réservées au monde très professionnel et fermé du cinéma. Aujourd’hui, on peut réaliser un film avec un Lumix.
Nos produits sont également très robustes, tant en Micro 4/3 qu’en plein format, avec une résistance très poussée à l’eau, à la poussière mais aussi à la chauffe. Nous avons la chance d’avoir des ingénieurs qui ont conscience que les boîtiers que l’on propose sont des outils de travail. Pour les professionnels, un boîtier qui tombe en panne, qui chauffe… c’est l’impossibilité de travailler. Tous ces risques sont pris en compte dès le début du développement des produits. C’est ce qui procure une sérénité à nos utilisateurs.

Aujourd’hui, il n’y a plus de mauvais boîtier sur le marché. De fait, les différences se font sur ces points-là. Mais aussi sur l’ergonomie, la facilité d’utilisation. Chez Lumix, boutons et leviers sont entièrement personnalisables. Ce sont des détails qui n’en sont pas. En vidéo, par exemple, un cadre rouge s’affiche à l’écran pendant l’enregistrement. Cela fait une différence pour les professionnels sur le terrain. Tout ce qui permet des tournages fluides et aussi un gain de temps et d’argent, puisque l’on est plus efficace. Et c’est la même chose en photo.

Passons maintenant au Micro 4/3. Comment s’est passé le lancement du récent Lumix G9 II ? Quels sont les premiers retours des revendeurs et des clients ?
Le lancement du Lumix G9 II est particulièrement positif. Il s’agit d’un boîtier très attendu, puisque le Lumix G9 avait quand même 6 ans, et c’était un « boîtier fétiche » pour ses utilisateurs. D’ailleurs, il reste toujours très pertinent aujourd’hui, grâce à sa polyvalence en photo et en vidéo – et grâce aux mises à jour qu’il a reçu, et qui lui ont procuré de grosses specs en vidéo.
Ce qui était très attendu sur le Lumix G9 II, c’était évidemment l’autofocus hybride (phase et contraste), que nous avons lancé en premier sur les Lumix S5 II et S5 IIX. Il fait ses premiers pas sur un boîtier Micro 4/3. Ce boîtier, comme son prédécesseur, sont très appréciés notamment pour l’animalier : le nouvel autofocus, couplé à la rafale à 60 i/s en AF continu procurent un gain considérable. Le Lumix G9 II est donc le boîtier que les utilisateurs Micro 4/3 attendaient, tant en photo qu’en vidéo.
Aujourd’hui, les créateurs d’images qui se dirigent vers le Micro 4/3 recherchent la compacité, la légèreté et la facilité d’utilisation. Mais ils cherchent surtout un « tout-en-un » pour la photo et la vidéo. Qui plus est, le Lumix G9 II est une évolution du Lumix S5 II en termes d’autofocus, avec la détection des véhicules et des yeux des animaux. Il est encore plus performant et plus précis. Et les premiers retours font état d’un boîtier très fiable.
Cela laisse présager de très belles choses pour les futurs modèles plein format et sur cette série-là !
Ne craignez-vous pas que le Lumix G9 II vienne cannibaliser les ventes du Lumix GH6 ?
Le Lumix G9 II et le Lumix GH6 ont des points communs, surtout en vidéo. Mais le Lumix G9 II garde son ADN ancré dans la photo. Ainsi, ce boîtier est plutôt orienté photo avec de très bonnes specs en vidéo, tandis que le Lumix GH6 est un boîtier résolument vidéo, mais avec lequel on peut aussi faire de la photo.

Aujourd’hui, les utilisateurs associent la gamme GH avec celle des caméras, voire du cinéma. D’ailleurs, le GH6 garde l’exclusivité du RAW via la sortie HDMI, du ProRes en interne ou la ventilation active. Ce sont des caractéristiques très spécifiques, destinées aux vidéastes, et que ne vont pas forcément chercher les utilisateurs d’un Lumix G9 II.
Mais n’y a-t-il pas un risque que le Lumix GH6 soit pénalisé par l’absence de l’AF hybride ?
Cela dépend de l’utilisation que l’on en fait. Il y a beaucoup de vidéastes qui tournent en AF manuel. En vidéo, les utilisateurs vont favoriser le ProRes en interne. Après, quelqu’un qui peste depuis des années sur l’autofocus ira vers le Lumix G9 II, puisqu’il offre beaucoup en vidéo également – en plus de la rafale très impressionnante en photo. De fait, l’absence de l’AF hybride n’est pas pénalisante sur le Lumix GH6, qui inclue tout de même la technologie DFD très avancée de notre AF à détection de contraste.
Le boîtier magique qui fait tout n’existe pas. En revanche, il existe forcément le boîtier qui correspond à ses besoins. Il faut juste choisir le boîtier en fonction de ses usages. Lorsque nous avons développé le Lumix G9 II, notre but était d’avoir l’outil ultime en photo et en vidéo (hors plein format), qui rassemble le meilleur des deux mondes.

En outre, nous pensons en termes de système. Pour celles et ceux qui cherchent un boîtier avec un excellent rapport qualité-prix-poids, le Lumix G9 II est un boîtier extrêmement maîtrisé. Par exemple, si l’on veut faire de l’animalier.
On peut par contre partir sur un produit plein format si l’on recherche les performances en basse lumière, du bokeh, une faible profondeur de champ… mais cela va être plus cher et les objectifs vont être plus gros et lourds. En choisissant le Micro 4/3, on peut à la fois investir dans le matériel et dans les expériences vécues. En couplant le Lumix G9 II et un 100-400 mm, par exemple, on obtient des images de très bonne qualité avec un poids et un budget maîtrisé.

En revanche, si l’on travaille dans la publicité, avec pour objectif de faire des tirages en 4×3, ou si l’on travaille uniquement de nuit, effectivement, il faut aller vers le plein format. Panasonic propose les deux systèmes, ce qui permet à l’utilisateur de faire son choix.
Selon Panasonic, quel est l’avenir du Micro 4/3 ?
Au-delà de tous les avantages annoncés plus haut, la monture Micro 4/3 profite d’un parc optique extrêmement étendu. En comptant les propositions d’Olympus [désormais OM System, NDLR], le nombre d’objectifs est considérable, et forme un excellent rapport taille-poids-prix.
Quelle complémentarité voyez-vous entre le Micro 4/3 et le plein format ?
Le plein format est destiné principalement à ceux qui ont besoin de tirer leurs images en grand format, ou de travailler en basse lumière. Idem pour ceux qui veulent chercher un bokeh crémeux. En revanche, pour ceux qui ne sont pas professionnels et qui veulent répondre à toutes les situations avec un seul sac à dos, le Micro 4/3 est parfait.

Par ailleurs, beaucoup de personnes viennent vers nos boîtiers plein format en changeant complètement de marque. Dès lors, le fait d’avoir deux montures différentes (entre Micro 4/3 et monture L) n’est pas gênant.
Enfin, les Lumix S5 II et G9 II offrent la même ergonomie : il est donc très facile de passer de l’un à l’autre.
Quelles sont les prochaines étapes pour la L-Mount Alliance ?
La L-Mount Alliance est en perpétuelle évolution. Et l’arrivée de nouveaux acteurs prouve que cette alliance a tout son sens, et a de nombreux bénéfices technologiques. Par ailleurs, la compatibilité entre les différents fabricants est un énorme avantage. Un vidéaste utilisant une caméra Blackmagic va pouvoir employer des optiques Leica, par exemple. Le tout, avec une homogénéité en termes de qualité d’image et d’autofocus.
De plus, la L-Mount Alliance n’est pas qu’un partenariat de constructeurs photo : elle intègre un fabricant optique, de caméras de cinéma, de drones… c’est un système « multi-activités », un écosystème complet. Et Panasonic continue de développer sa gamme optique, avec un futur objectif macro et un prochain téléobjectif à venir.
L’essor de la L-Mount Alliance nous permet de grandir très rapidement sur le marché du plein format, où nous sommes présents depuis seulement 4 ans. Nous l’avons observé avec les Lumix S5 II et S5 IIX, qui ont eu un excellent démarrage, et qui atteignent des volumes de vente très soutenus, à l’instar des hit models qui ont été lancés ces dernières années. Idem côté optiques : en ne comptant que les marques « d’origine » de la L-Mount Alliance, on compte déjà 66 objectifs. Et l’arrivée de nouveaux acteurs comme Laowa ou Samyang prouve que c’est une monture qui se développe, qui est durable.

Quel avenir pour les compacts experts ?
Il faut faire la différence entre le développement de nouveaux produits et les ventes. Le marché compact s’est écroulé dans le monde entier suite aux pénuries de composants engendrées par le Covid – certains stocks n’ayant jamais été renouvelés. Ainsi, les cycles de vie des produits compacts se sont naturellement arrêtés. Ainsi, toutes les marques – dont Panasonic – ont décidé de ne pas renouveler certains modèles.
Mais Panasonic reste la marque numéro 1 sur les compacts et les bridges, et qui arrive à livrer des produits. Même si la demande s’est tassée, nous observons une hausse des ventes sur ces produits, grâce à la disparition de nos concurrents. Néanmoins, le marché de l’hybride est le seul à être en croissance. Et un utilisateur expert va avoir tendance à favoriser un boîtier plus petit – mais à objectif interchangeable, plutôt qu’un compact expert.
Panasonic a-t-il l’intention de dévoiler un S5R, doté d’un capteur plus défini que celui du S5 II ?
Comme je vous le disais plus haut, une gamme n’est jamais complète. Et nous avons de très grandes ambitions sur le plein format. Donc nous continuerons à développer l’offre. Il y aura forcément de nouveaux produits en plein format et en Micro 4/3.
Lumix attire de très nombreux primo-accédants en plein format. Des gens qui ont commencé avec des écosystèmes concurrents, et qui sont convaincus aujourd’hui de la performance du S5 II et S5IIx. Ils investissent dans une monture, dans un écosystème. Cela nous prouve que la L-Mount Alliance est vraiment durable, et que les consommateurs ont confiance. D’autant que les trois marques historiques sont de grandes marques, avec Panasonic, Leica et Sigma.
Quel est le produit que vous avez préféré utiliser au cours de ces derniers mois ?
D’un côté, j’apprécie vraiment le Lumix S5 II. Il représente un très grand pas en avant, en termes de technologie, par rapport aux générations précédentes. D’autant qu’en plus des optiques Panasonic, on peut également employer celles de Sigma – ou de Leica. Nous avons des gammes optiques très complémentaires. C’est là une des forces de nos produits, au-delà de leur fiche technique très fournie.
Et le Lumix S5 II sera amené à évoluer, notamment au niveau de l’autofocus, grâce aux mises à jour firmware. Clairement, le Lumix S5 II est un game changer dans le monde de la photo et de la vidéo chez Panasonic.
Pour autant, je reste très attachée au Lumix G9, donc je suis très heureuse de l’arrivée du Lumix G9 II. Je suis bluffée par tout ce que les ingénieurs ont réussi à mettre dans un seul boîtier : une rafale à 60 i/s, un mode 100 Mpx à main levée, une ergonomie imbattable… Il vient vraiment doper le Micro 4/3.

Merci à Mathilde Lécuyer d’avoir répondu à nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Panasonic France pour cette interview.
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