Pour leur vingtième anniversaire, les Photaumnales sifflent le Hors jeux. Ainsi s’intitule l’édition 2023 du festival picard qui, saisissant l’opportunité olympique, propose quarante expositions, essentiellement en plein air, autour de la thématique du sport. Un ensemble ambitieux et varié, mettant en valeur artistes contemporains comme photographies plus anciennes, à découvrir du 16 septembre au 31 décembre 2023 dans la ville de Beauvais et ses environs.
Depuis ses balbutiements, la photographie a entretenu une relation privilégiée avec le sport. Chacun a en tête quelques clichés de ses champions un jour de victoire. De fait, il n’y a sans doute pas meilleur moyen d’observer le geste décisif de l’athlète qu’à travers la mitraille d’un professionnel. Mais ce n’est pas tout. Le regard du photographe peut aussi se prêter à la capture de la pratique la plus ordinaire, se faire le témoignage historique ou sociologique, voire militant, du quotidien de sportifs amateurs, de leur camaraderie ou de leurs lieux d’entraînement.
À la diversité des disciplines et des circonstances répond une grande richesse des images, nourrie également des images d’archives de L’Équipe Presse Sports – 15 millions de photos –, agence de presse du quotidien spécialisé avec laquelle les Photaumnales ont conclu un partenariat.
Capturer le geste sportif
Parmi les œuvres présentées, on trouve plusieurs clichés pris par des photojournalistes de L’Équipe, qui ont pris le soin de sélectionner leurs favorites en une série intitulée L’œil du sport, exposée au parc Joséphine-Baker de Beauvais. Ce florilège d’instantanés iconise le moment de tension, ou l’exploit, sous un angle de vue unique.
La quête de l’image sportive exclusive, non pas au sens où elle serait sensationnelle, mais dans la mesure où elle donnerait au spectateur la possibilité de voir ce qui lui est inaccessible depuis des gradins ou devant un écran de télévision, transparaît également dans le travail de Céline Villegas, présenté dans le même parc. Cette photographe franco-chilienne immortalise ainsi, en des images à l’esthétique irréelle, l’immersion d’athlètes de natation artistique.
Même sentiment d’apesanteur dans La Chute, série capturant l’espace d’un instant les figures de danseurs hip-hop en plein saut, donnant plus d’une fois la fausse impression d’un collage numérique. Chez Denis Darzacq aussi, la discipline sportive, derrière une pratique méprisée par certains, est sublimée en tant que telle, comme culture et moyen d’expression physique d’une jeunesse urbaine.
Le sport conquérant
Qui a dit, en effet, que l’activité sportive devait nécessairement se dérouler entre les murs d’un gymnase ou les barrières d’un stade ? Les skateboarders ne manquent pas d’investir la ville à leur manière, de réinventer l’espace et d’ainsi le faire leur… un peu, au fond, comme le photographe. Telle est la signification de la vertigineuse exposition Glisser la ville de Bertrand Trichet, qui pratique lui-même le skate aussi bien que la photographie, présentée à l’Université de Picardie Jules-Verne à Amiens.
Une thématique du sport conquérant qui s’observe également à travers le port de l’accessoire sportif comme vêtement, à l’exemple, illustré par Sabi Singh, du maillot de foot.
Loin d’être une pratique hermétique à la société, le sport s’illustre par le regard d’un public. Pratique populaire, il se fait également spectacle populaire. Les supporters sont parfois aussi fanatiques que leurs champions, comme ces religieuses improbablement enthousiasmées par le tour de France à travers l’objectif du photojournaliste Frédéric Mons.
D’autres fois, leur engouement vire au fébrile, comme le saisit Lia Pradal dans sa série La Grand-messe, présentée à la Chapelle Saint-Prix de Montreuil-sur-Brêche, qui rend compte de la communion quasi mystique entre joueurs et supporters pendant une finale de l’Euro de football.
Le sport, acte politique
Facteur d’unité nationale ou moyen d’expression, le sport a parfois une dimension véritablement politique. C’est ce qui ressort du très inattendu ensemble Great Leaps Forward, présenté par le collectionneur Thomas Sauvin à partir de 300 photographies prises sur un terrain de sport de l’université d’éducation physique de Xi’an, en Chine, en juin 1960.
Découvertes par hasard au fond d’un sac plastique hermétiquement fermé, acheté sur un marché aux puces de Pékin en 2016, cette série anonyme constitue un témoignage unique de l’époque de la politique du même nom alors menée par Mao Zedong, le Grand Bond en avant.
Plus récent, le premier match de foot donné en 2018 à Raqqa, dont Daesh venait d’être chassé, témoigne également de la portée politique que peut revêtir le sport face au totalitarisme. Un moment historique et une émotion vibrante immortalisés par Charles Thiéfaine dans Coup d’envoi. Cet ensemble, comme le précédent, est exposé au parc Dassault de Beauvais.
Entre performance, esthétique, reconnaissance et collectif, c’est le sport dans toute sa diversité et son éclat que célèbrent cette année les Photaumnales. Un dispositif exceptionnel que sportifs comme photographes auraient tort de manquer.
Informations pratiques
Photaumnales 2023 – Hors Jeux
Du 16 septembre au 31 décembre 2023
Beauvais et ses environs
Entrée libre et gratuite
