Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour IIC Parigi © Massimiliano Camaiti

Chronique, Vie, Amour : le vrai visage de la Sicile par Letizia Battaglia

L’Institut Culturel Italien de Paris expose jusqu’au vendredi 29 septembre l’exposition Chronique, Vie, Amour consacrée à la photographe italienne Letizia Battaglia (1935 – 2022). Photographe parmi les plus courageuses de son temps, elle s’est attachée à montrer le vrai visage de la Sicile, celui des victimes de ses sanglants affrontements mafieux mais aussi de ses enfants.

Expo Letizia Battaglia - L'Institut Culturel Italien de Paris

Letizia Battaglia, faire face

Letizia Battaglia commence sa carrière au milieu des années 70 comme photoreporter d’actualité pour L’Ora, un quotidien palermitain dont elle dirigera plus tard l’équipe photographique jusqu’en 1991. Devant accompagner ses articles d’une photographie, cette pratique fait son entrée dans la vie de la jeune femme. Letizia Battaglia devient l’une des rares femme du pays à exercer cette profession. C’est également une femme à Palerme, voilà déjà de quoi attiser sa force et tester sa détermination. Elle ne manquera ni de l’une ni de l’autre et ira même jusqu’à fonder sa propre agence (Informazione Fotografica).

Expo Letizia Battaglia - L'Institut Culturel Italien de Paris
Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour IIC Parigi © Massimiliano Camaiti

Rapidement Letizia Battaglia est confrontée aux ravages faits par Cosa Nostra (la mafia sicilienne). La photoreporter entend mettre en lumière cet état de siège sans fard et sans rien taire de ses atrocités. Ses images les plus dramatiques sont sûrement celles faites des morts fait par Cosa Nostra. Sang et larmes imprègnent ses pellicules. Pourtant, jamais elle ne tombe dans l’écueil du voyeurisme ou de l’imagerie morbide. À ces clichés d’assassinés et d’arrestations de parrains mafieux répondent les images poignantes des femmes, comme ce portrait de Rosaria Schifani, veuve de l’agent en charge de la protection du juge Falcone, tous deux assassinés en mai 1992.

Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour IIC Parigi © Massimiliano Camaiti

Percevoir la lueur

À la noirceur tragique de ces chroniques, elle oppose de manière rhétorique, en miroir, la gaieté des enfants, l’effervescence des rues de Palerme, la pureté des jeunes mariées devant l’église du Gesù ou la douceur des journées d’été sur la plage de Mondello. Même dans les jeux des enfants armés de pistolet factice une certaine innocence se lit, on ne pense pas à mal lorsque tout cela est normal et fait partie de la vie quotidienne.

L’espoir, la vie, l’amour sont ainsi toujours plus forts que la peur, la misère et la douleur chez la photographe. Devant l’objectif, entre ombre et lumière, mais aussi derrière le viseur, c’est une implacable force de vie qui se révèle, malgré les menaces de mort dont la photographe fera elle-même l’objet à plusieurs reprises.

Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour IIC Parigi © Massimiliano Camaiti

L’empathie et la sensibilité avec lesquelles Letizia Battaglia dresse le portrait des femmes, garçonnets et fillettes siciliennes livrés à la misère lui vaudra en 1985 le prix W. Eugene Smith pour la photographie sociale. C’est la première Européenne à en être récompensée.

En 1999, elle devient récipiendaire du prix Mother Jones Photography Lifetime Achievement Award pour la photographie documentaire. De nombreux autres prix suivront en Europe comme aux États-Unis. Elle sera proposée par Peace Women Across the Globe comme prétendante au Prix Nobel de la paix.

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Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour IIC Parigi © Massimiliano Camaiti

Pour Marco Meneguzzo, commissaire de l’exposition à l’Institut Culturel Italien « Il y a une différence entre un observateur et un témoin, l’observateur regarde le monde depuis un point situé hors du monde ; le témoin est là, là où les choses se passent ou se sont passées, il est dans les choses ». Nul doute quant à l’appartenance de Letizia Battaglia, témoin pleinement engagée.

Témoigner, s’engager sans renoncement

En 1992, l’assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino bouleverse Letizia Battaglia qui décide de prendre ses distances avec la photographie des crimes mafieux. Sans complètement abandonner la photographie, celle qui se définit avant tout elle-même comme une « photoreporter contre la mafia » affirme son militantisme d’une manière renouvelée en participant activement à la vie politique sicilienne. Elle poursuit son engagement en tant que conseillère pour la viabilité de la ville de Palerme dont elle a tant su capter le pouls, elle deviendra ensuite députée régionale.

Elle fonde la revue Grande Vu, une publication bimensuelle 100% féminine ainsi que la maison d’édition Le Edizioni della Battaglia et Mezzocielo. En 2017, elle créé et dirige le Centre International de la Photographie de Palerme.

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Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour IIC Parigi © Massimiliano Camaiti

Si la photographe craignait qu’une fois exposée ses images perdent de leur intensité, derrière la beauté esthétique de ses clichés se perçoit toujours la vérité mise à nue. Plus de 90 de ses tirages monochromes sont exposés à l’institut culturel italien à l’occasion de cette superbe exposition hommage à découvrir gratuitement rue de Varenne jusqu’au vendredi 29 septembre.

Organisée avec le soutien de l’Archivio Letizia Battaglia (association fondée par la photographe et ses petits-enfants en 2021) l’exposition s’accompagne d’un catalogue richement illustré.

Letizia Battaglia, Chronique, Vie, Amour
Institut culturel Italien de Paris
Du 14 avril au 29 septembre 2023
50 Rue de Varenne, 75007 Paris
Du lundi au vendredi de 10h à 13h et de 15h à 18h
Entrée libre