©Tobias Kruse

Deponie de Tobias Kruse : vestiges et cicatrices de l’Allemagne de l’Est

Trente ans après la chute du mur de Berlin, Tobias Kruse a traversé 8000 kilomètres sur les routes de l’Allemagne de l’Est. Entre régions dévastées et moments de liesse, il a parcouru le pays, l’appareil photo toujours à la main, pour immortaliser ce qu’il voyait sur son passage dans un beau noir et blanc structuré. Intitulé Deponie, son projet combine à la fois une démarche singulière, et un certain sens de l’esthétique, de l’éclairage et de la composition, à retrouver dans un livre publié aux éditions Spector Books.

Les traces de l’histoire en noir et blanc

C’est son premier projet en noir et blanc. Un noir et blanc très contrasté, presque métallique, au grain texturé. Les portraits sont illuminés au flash, direct, les yeux brillants et la peau nette, ne laissant pas la place au doute. En les mettant en face de paysages désolés, abandonnés, abimés, les portraits prennent toute leur grandeur ; d’autant plus lorsqu’ils deviennent collectifs, avec ces images saisissantes de foules, de stades bondés aux supporters agglutinés et de manifestations nocturnes.

On dirait qu’il fait toujours nuit dans les photographies qui composent Deponie. Ses monochromes semblent déjà dater, les paysages ou les scènes photographiées comme d’un autre temps, et impossibles à situer. Pourtant, c’est bien l’Allemagne de l’Est que Tobias Kruse a voulu photographier, et ce trente ans après la chute du mur. Le temps d’une génération, peut-être le temps qu’il faut pour que les conséquences de la réunification se fassent ressentir et, qu’enfin, l’amertume passe.

© Tobias Kruse

Difficile à définir, le projet de Tobias Kruse pourrait être présenté comme le récit d’un processus historique, la tentative de représenter par l’image les différentes étapes qui se sont succédé après 1989 pour mener à la réalité telle qu’on la connaît aujourd’hui. La photographique devient un symbole, la représentation subjective d’un sentiment si difficile à saisir : comment réagir face à un phénomène historique qui nous dépasse et qui crée indubitablement colère ou déception. Deponie peut se traduire par décharge, ou dépotoir ; pas sûr que Tobias Kruse considère les cicatrices de cette période bien refermées.

Deponie, de Tobias Kruse
Éditeur : Spector Books
38 €, 74 pages (anglais/allemand), 60 reproductions en noir et blanc, format broché, 31,5 x 24,5 cm.
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