« Villes habitées » : la biennale Urbi & Orbi revient à Sedan du 10 juin au 30 juillet 2023

Depuis 2001, la biennale de la photographie et de la ville « Urbi & Orbi », organisée par l’association éponyme, invite des photographes et vidéastes nationaux et internationaux à livrer leurs travaux à Sedan, dans les Ardennes. Cette année, l’équipe propose une douzième édition autour du thème des « villes habitées ». L’évènement se tiendra du 10 juin au 30 juillet 2023.

« Villes habitées »

Dès 1961, Jane Jacobs, journaliste spécialiste des questions urbaines, montrait que c’est dans l’intensité des pratiques des habitants que l’on trouve l’âme et l’identité d’une ville. Elle disait à ce propos : « Un quartier n’est pas seulement une réunion d’immeubles, c’est un tissu de relations sociales, un milieu où s’épanouissent des sentiments et des sympathies. » L’édition 2023 d’Urbi & Orbi s’inscrit dans cette perspective et célèbre les villes habitées. Il s’agit de mettre en lumière les potentiels des usagers, des habitants et des interactions qui structurent les villes.

La biennale présente les travaux de Sasha Anisimova, Bissane Al Charif et Mohamad Omran, Mathieu Pernot, Camille Gharbi, Vincent Gouriou, Benoît Pelletier, Smith et Simon Boudvin.

De plus, une exposition rend compte de la résidence photographique qui a eu lieu en avril 2022 et qui a croisé les travaux de Roger Vincent et ses photographies de Sedan de 1950 à 1975 à ceux de trois autres photographes : Alain Janssens, Yves Leresche et Alessandro Parente. Ce dernier présentera également son travail Seine-Pandémie, réalisé en 2020 en Seine-Saint-Denis.

© Alessandro Parente – A man is praying Inside a migrants squat.


Les photographes nous font faire le tour de la ville habitée : celle qui se transforme au gré de la participation des habitants ou au contraire celle qui impose et contrôle ; celle qui est dévastée par les conflits ou celle qui se reconstruit ; celle qui accueille ou celle qui exclue. Chaque ville peut être tout à la fois, et la photographie permet de documenter ces différentes réalités, de dénoncer certaines dérives, mais aussi de valoriser l’existant.

Villes dévastées

On ne peut parler de villes habitées sans parler des conflits qui les traversent, et qui parfois, les dévastent.

© Sasha Anisimova – Birthday Breakfast.

La graphiste ukrainienne Sasha Anisimova, réfugiée à Tcherkassy au sud-est de Kiev après avoir fui Kharkiv, utilise depuis le printemps 2020 l’illustration pour transmettre son expérience des conflits.

Sur des photographies de sa ville en ruines, bombardée et dévastée, elle dessine des personnages qui vivent, occupent les lieux en y développant des activités du quotidien, et représente le rêve de normalité de tous les Ukrainiens, à qui les conflits ont ôté tout espoir d’un quotidien simple et banal.

Le couple d’artistes syrien Bissane Al Charif et Mohamad Omran se sont eux aussi attachés à décrire les conflits qui ont ravagé leur pays et ses villes. Au moyen de la vidéo, ils ont montré dans « Sans ciel – Missing sky » (2014 ) la dévastation intense qu’a subie la Syrie, son patrimoine et sa civilisation.

© Bissane Al Charif, Mohamad Omran – Sans Ciel -Missing Sky.

Villes démolies

La biennale entend également raconter les strates urbaines, et la manière dont l’urbanisme reconstruit parfois la ville sur la ville.

© Mathieu Pernot

Mathieu Pernot expose ses travaux sur la démolition d’un ensemble de logements sociaux dans le quartier du Mont-Liébaut à Béthune. Une série de clichés renseignent la destruction progressive de cet ensemble, éventré par une machine qui emmène avec elle tous les souvenirs des habitants. On se croirait dans un épisode de la célèbre série « The Wire » de David Simon et Ed Burns, dans laquelle la photographie retranscrit à la fois les modalités parfois violentes de l’intervention publique sur le logement, mais aussi parfois la nécessité de la tabula rasa pour reconstruire et garantir des conditions de vie dignes aux classes populaires.

À revers de la démolition, Camille Gharbi nous interroge quant à elle sur la question du relogement. Elle propose son travail « Ce(ux) qui reste(nt) », à savoir la restitution d’une résidence artistique réalisée à Bogny-sur-Meuse au printemps 2022 qui a impliqué les habitants d’un ensemble HLM voué à la démolition.

© Camille Gharbi – Ce(ux) qui reste(nt).

La photographe a tenté de retisser les liens entre mémoires individuelles, familiales et collectives, et leurs liens avec l’habitat. Elle montre comment les lieux de vie incarnent des souvenirs et des habitus qui dépassent la démolition et la question de sa nécessité. Encore une fois, il s’agit de montrer que la ville est une entité qui va au-delà de la morphologie physique et de sa dimension politique, et qu’elle contient des réalités sociales et subjectives complexes.

Villes vivantes

Enfin, la biennale célèbre la vie dans la ville, et ses différents aspects. Le photographe Vincent Gouriou dédie une exposition à la jeunesse de Sedan, à travers les rues, les institutions et les lieux qui la caractérisent. Il s’agit de montrer les sphères dans lesquelles évoluent les jeunes et la manière dont ils s’approprient et utilisent leurs lieux de vie.

© Vincent Gouriou

Benoît Pelletier montre la ville dans sa matérialité, au travers des éléments qui la composent. Des éléments tangibles comme la pierre, l’eau, mais aussi la lumière, les ombres, et tout ce qui pourrait ne pas s’observer facilement sans y prêter attention. Il nous livre sa vision de la ville et de ses espaces symboliques, comme pour nous inviter à regarder plutôt qu’à voir ce qui nous entoure.

© Benoit Pelletier

L’artiste Smith expose son travail dans les rues de Paris où la présence humaine, vivante, est retranscrite par caméra thermique. La vie dans la ville est alors assimilée à la chaleur qu’elle transmet.

Et enfin, Simon Boudvin propose une contribution issue de l’observation d’une plante dite « invasive » en banlieue parisienne. Cela conclut notre réflexion sur le vivant et sa propension à dépasser les cadres et les normes établis, matériellement ou, par extension, socialement et politiquement.

Informations pratiques :
Biennale Urbi&Orbi : « Villes habitées »
Centre-ville de Sedan
Du 10 juin au 30 juillet 2023
Festival en accès libre et gratuit
Les lieux du festival et les horaires d’accès sont accessibles sur le site du festival