Interview Sony CP+ 2023 : « Il y a 10 ans, nous lancions le premier hybride plein format avec le Sony Alpha 7 »

Alors que 2023 marquera les 10 ans de la série de boîtiers hybrides plein format Alpha de Sony, le constructeur japonais est en forme au CP+ 2023, où il possède – avec Canon – le plus grand stand du salon photo nippon. Sur place, nous avons rencontré Yu Takae, Senior Manager en charge de la planification des produits ILC – les boîtiers à objectifs interchangeables – chez Sony Corp. Dans cette interview, Takae-san revient sur le Sony A7R V, notamment ses nouvelles technologies d’AF prédictif grâce à l’IA et la façon dont le constructeur a conçu ce boîtier. Place à l’interview.

Sony au CP+ 2023, l’un des plus gros stands

Sony a été l’un des pionniers de l’appareil photo hybride plein format. Aujourd’hui, la concurrence a rattrapé son retard et propose une gamme complète. Quel est le sentiment de Sony à ce sujet ?

Il y a 10 ans, nous lancions le premier appareil photo hybride plein format avec le Sony A7. Depuis, de nombreux concurrents ont fait leur entrée sur ce marché. Sony accueille leur arrivée comme la preuve que les clients apprécient les appareils photo hybrides plein format.

Yu Takae
Yu Takae, Senior Manager en charge de la planification des produits ILC chez Sony Corp

Nous continuerons à relever les défis et à améliorer le potentiel des hybrides plein format. Par exemple, avec la nouvelle puce dédiée au traitement IA développée pour le Sony A7R V. Comme vous pouvez le constater, avec notre gamme d’objectifs, nous couvrons déjà de nombreux usages en plein format et travaillons déjà sur des objectifs de seconde génération (Mark II).

Sony souhaite continuer à dominer le secteur en tant que pionnier des appareils photo hybrides plein format.

Une partie de la gamme Sony Alpha présentée sur le stand Sony au CP+ 2023

Par ailleurs, nous avons récemment annoncé le Creators’ Cloud, une plateforme de cloud destinée aux créateurs. Sony propose une offre complète pour un large éventail de créateurs, de la prise de vue à la postproduction. C’est notre stratégie.

Sony Master Cut
Master Cut (en beta), l’une des pièces du Creators’ Cloud de Sony

Dans le domaine des appareils photo hybrides APS-C, Sony semble se concentrer principalement sur la vidéo/vlogging et moins sur la photographie. Que pouvez-vous dire aux photographes ?

Nous proposons déjà les A6600 et A6400 comme appareils pour la photographie. En tant que leader du secteur, nous devons maintenant répondre à une nouvelle demande de tournage de vidéos/vlogs à l’aide d’appareils à objectifs interchangeables. Par exemple, le ZV-E10 a montré de très bons résultats. D’autre part, l’AF en temps réel du ZV-E10 est également utilisé pour la photographie. De nombreux utilisateurs se servent donc également de ces appareils pour réaliser des photos.

Nous pensons que les appareils APS-C peuvent répondre à des besoins différents de ceux des appareils plein format, grâce à leur format compact. Sony continuera donc à relever le défi de créer des produits attrayants non seulement pour la création de vidéos, mais aussi pour les photographes.

Y a-t-il des spécificités du marché japonais de la photo/vidéo par rapport à l’Europe ?

En effet. Jusqu’à il y a quelques années, les utilisateurs japonais étaient un peu conservateurs en matière de création vidéo par rapport aux autres pays. Cependant, aujourd’hui, l’appétence pour la vidéo a rapidement augmenté au Japon et nous pensons qu’il n’y a plus de différence entre le Japon et l’étranger, y compris avec l’Europe. Nous pensons donc que nos caméras vlog telles que la série ZV-1 et la ZV-E10 ont contribué à créer cette demande au Japon.

Miniature de train sur le stand Sony au CP+
Le Japon a tout de même ses spécificités, à savoir un train miniature sur le stand de Sony comme scène de test

L’A7R V est sorti 3 ans après son prédécesseur. Combien de temps faut-il pour concevoir un appareil photo de ce type ?

Pour Sony, le temps entre chaque produit n’est pas aussi important que de dépasser les attentes de nos clients. Il était donc primordial pour l’A7R V de proposer des évolutions majeures telles que des performances AF de nouvelle génération grâce à une nouvelle puce dédiée au traitement IA et un écran LCD articulé sur 4 axes afin de répondre aux demandes des utilisateurs à la fois en photo et vidéo.

Yu Takae
Écran LCD articulé sur 4 axes

L’A7R V utilise le même capteur de 61 Mpx que son prédécesseur. Cela signifie-t-il que Sony a atteint une sorte de maturité ?

Nous sommes attentifs au fait qu’un nombre croissant d’utilisateurs de l’A7R V adoptent un nouveau style de prise de vue, qui consiste à utiliser un angle plus large à la prise de vue, pour recadrer ensuite. Nous écoutons donc la voix de nos clients afin de déterminer si une définition plus élevée est nécessaire.

Sony A7R V

Par exemple, un utilisateur souhaite offrir un cadrage équivalent à un 50 mm, mais il ne dispose que d’un 35 mm. Après avoir pris la photo, il peut la recadrer en 50 mm. C’est dans ce cas de figure qu’un appareil photo doté de nombreux mégapixels est vraiment utile. 

Sur l’A7R V, la présence de l’IA est un point assez notable. Qu’apporte l’IA et comment avez-vous intégré cette technologie  » logicielle  » dans un tel appareil ?

Grâce à la puce dédiée à l’intelligence artificielle et au Deep Learning, nous sommes désormais capables de reconnaître non seulement les yeux, mais aussi le torse et la position de la tête humaine pour le sujet photographié. Cela apporte plus de précision. En outre, les performances de reconnaissance des visages individuels ont également été améliorées pour donner la priorité aux visages préenregistrés. Si vous prenez une photo avec 3 personnes et que vous avez enregistré mon visage, il sera prioritaire, ce qui est très intelligent.

Malheureusemet, je ne peux pas divulguer les détails de l’implémentation de ces technologies.

Pour autant, afin d’exécuter plus facilement le traitement de reconnaissance en temps réel permis par le deep learning, nous avons intégré une technologie logicielle de pointe. Cette intégration a été difficile, car il faut prendre en compte les contraintes de taille, de poids et d’autonomie d’un boîtier aussi compact que l’A7R V.

Désormais, nous avons donc de l’IA à l’intérieur de la caméra et nous utilisons également l’IA dans le nuage avec le Creators’ Cloud récemment annoncé. Les deux fonctionneront ensemble comme une solution.

A ce sujet, est-il plus facile d’inclure davantage de fonctionnalités dans le nuage plutôt qu’au sein de l’appareil ?

Les conditions sont différentes. L’appareil possède de nombreuses limitations, principalement dues aux performances et à la batterie. Du côté du cloud, il n’y a pas de telles limitations matérielles, il y a donc peut-être plus de possibilités.

Le Creators’ Cloud, une solution made in Sony dévoilée durant le CP+ 2023

Est-il préférable d’implémenter la technologie dans l’appareil ou devons-nous fournir une – solution d’intelligence artificielle dans les services Creators’ Cloud ? Cela dépend des demandes des clients et de la façon dont nous pouvons fournir la meilleure solution. C’est le genre de processus que nous suivons.

Peut-on s’attendre à ce que les technologies de l’A7R V (l’AF prédictif par exemple) soient utilisées dans les futurs appareils photo Sony ?

Je pense que Sony a déjà activement déployé les technologies des modèles haut de gamme dans d’autres appareils photo. Ainsi, veuillez noter que notre modèle de base, l’A7 IV, est également appelé « min A1 ». D’autre part, l’A7R V est équipé d’une unité de traitement IA dédiée pour fournir une détection et un suivi AF innovants. Mais ces caractéristiques ont un coût. Par conséquent, nous devons décider quel produit pourrait en être équipé, avec un réel souci d’équilibre sur le positionnement du produit, mais aussi sur son prix.

D’une manière plus générale, comment les technologies sont-elles partagées entre les différents boîtiers de la (vaste) gamme Sony Alpha ?

Tout d’abord, nous partons de l’image idéale du produit, basée sur les besoins des clients. Bien entendu, cela inclut le prix. Si la technologie nécessaire à la réalisation de ce produit est déjà disponible dans des modèles existants, nous la partageons. Sinon, nous la développons à partir de zéro ou à partir de de technologies existantes.

Sony a longtemps été perçu comme un outsider par les photographes professionnels. Depuis la sortie de la série A9 et du A1, Sony trouve de plus en plus sa place dans les stades. Quelle est votre stratégie aujourd’hui auprès des photographes sportifs ?

À l’époque, j’étais en charge de la planification produite pour le Sony A9. Pour comprendre ce dont les professionnels avaient besoin pour ce boîtier, j’ai organisé des auditions avec des professionnels du monde entier et j’ai reçu des commentaires très importants. En conséquence, et en prenant au sérieux les avis des professionnels, l’Alpha 9 a été conçu et utilisé dans des situations telles que le mariage de célébrités et des événements sportifs internationaux.

Téléobjectifs Sony
Vous cherchez un super téléobjectif, ne quittez pas…

De manière plus générale, nous avons lancé des appareils et des objectifs qui reflètent les retours reçus pour concevoir le meilleur appareil photo pour les photographes de sport. En outre, nous avons amélioré notre système d’assistance sur les événements dans le monde entier. Notre stratégie vis-à-vis des photographes de sport professionnels est claire : nous continuerons à écouter les professionnels sur le terrain et à dépasser leurs attentes.

Parlons optique : vous avez récemment sorti un 20-70 mm f/4 G. Pourquoi avoir abandonné la focale 24-70 mm sur ce modèle ?

La raison est simple. Il y a une demande croissante pour les prises de vue ultra grand-angle, tant en photo qu’en vidéo, y compris le vlogging et le selfie, afin d’obtenir une expression créative plus diversifiée. Pour répondre à cette demande, nous avons fait passer l’extrémité grand-angle de 24 à 20 mm, créant ainsi un nouveau zoom standard.

Le dernier Sony FE 20-70 mm f/4 G, pour voir plus large

Plus généralement, les objectifs Sony brillent par leurs performances optiques – et par leur prix élevé. La stratégie de Sony n’est-elle pas trop élitiste ?

Nous avons déjà de nombreux objectifs à prix abordable dans notre gamme actuelle. Ces objectifs ont été bien accueillis par nos clients. Bien sûr, je ne peux pas prévoir exactement quand et quel type d’objectifs seront commercialisés, mais nous aimerions proposer davantage d’objectifs abordables à l’avenir.

Focus sur la gamme Sony Alpha

Sony met à jour ses objectifs FE phares avec des modèles Mark II depuis 2021. Lorsqu’il s’agit de mettre à jour des objectifs, quels sont les principaux points auxquels vous prêtez attention ?

Le plus important est d’améliorer de manière significative les performances de base telles que la qualité d’image et les performances AF. Tout en réalisant ces améliorations, nous donnons la priorité à une réduction significative de la taille et du poids afin d’améliorer l’utilisation dans un plus grand nombre de situations.

Deux 24-70 mm f/2,8 GM, deux générations

En outre, en réponse aux demandes croissantes d’usage vidéo, nous avons ajouté des fonctions comme la bague d’ouverture et la réduction du phénomène de focus breathing.

Comment réussissez-vous à augmenter les performances tout en réduisant la taille et le poids ?

Nous essayons de développer de nouvelles technologies qui permettent d’atteindre ces deux objectifs. Votre question est très difficile. Ces technologies clés sont vraiment importantes pour nous, tant la technologie optique que la technologie de mise au point, notamment les actionneurs.

Sony a présenté son prochain 300 mm f/2.8 GM : dans l’ensemble, y a-t-il d’autres objectifs que les photographes vous demandent et qui n’existent pas dans la gamme actuelle en monture FE ?

C’est formidable que le système Alpha soit utilisé par un large éventail de créateurs dans le monde entier, et nous recevons donc reçu de nombreuses demandes chaque jour. Après le 400 mm f/2,8 et le 600 mm f/4, le 300 mm f/2,8 est un objectif très demandé par les photographes sportifs. Nous sommes en train de développer notre 300 mm f/2,8 GM pour dépasser les attentes des clients et nous espérons pouvoir vous le présenter prochainement.

Vu d’Europe, on a l’impression que Sony a un peu délaissé la gamme de compacts RX100 (la 7e génération a été lancée en 2019) : qu’en est-il ?

Le RX100 Mark VII est doté de hautes performances en tant qu’appareil photo, le tout dans un boîtier ultra compact. Il a reçu de nombreuses critiques positives de la part de nos clients. En plus de la série RX100, nous avons le ZV-1 et le ZV-1F qui sont principalement destinés aux créateurs vidéo. En combinant les séries RX et ZV-1, nous pensons pouvoir répondre aux besoins de nombreux clients.

Sony ZV-1F, le compact dédié au vlog

Vous souvenez-vous de l’appareil photo plein format à focale fixe RX1R ? Pourquoi n’est-il plus mis à jour ?

Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous parler de la série RX. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur l’avenir en termes de planification des futurs produits, mais nous sommes toujours à l’écoute des consommateurs et nous leur fournirons ce qu’ils souhaitent.

Avant d’être en charge de l’ILC, vous étiez responsable de la planification des objectifs chez Sony. Quels sont votre objectif à focale fixe et votre zoom préférés ?

Mon objectif préféré est le 50 mm f/1.2 GM. Avec l’A7S III, je peux pénétrer dans un monde différent en mettant l’œil dans le viseur, même pour la photo.

Sony FE 50 mm f/1,2 GM

Mon zoom préféré est le 12-24 mm f/4 G. J’adore prendre des photos d’architecture. J’ai d’ailleurs pris cette photo avec cet objectif et le mode Multi Pixel Shift [permettant de réaliser des clichés de 240 Mpx sur trépied] sur le A7R V. En utilisant cette technologie, je peux capturer des images vraiment belles et réalistes.

Yu Takae fier de nous présenter l’une de ses photos utilisée dans la communication de Sony

Merci à Sony Corp pour cette interview. Nous remercions également Alice de Sony France pour avoir organisé cette rencontre.