© Stéphanie Buret

Le festival l’Œil Urbain revient pour une édition autour du thème Habiter

Après une 10ème édition consacrée à la thématique de l’engagement, le festival photographique l’Œil Urbain est de retour à Corbeil-Essonnes du 31 mars au 20 mai 2023 et propose une réflexion autour du thème « habiter ».

Habiter nos corps, nos villes, notre société

La 11ème édition de l’Œil Urbain nous invite à découvrir une sélection d’expositions qui rend compte de la variété des acceptations du terme « habiter » et des pratiques qu’il recouvre.

Un Ukrainien vit à l’intérieur d’un wagon dans une station de métro, au nord de Kharkiv, Ukraine, le 22 mars 2022. Des milliers de personnes se sont installées dans la station pour se protéger des bombardements russes. © Rafael Yaghobzadeh pour Liberation

Si l’on dit souvent habiter des territoires, des lieux, des espaces, privés ou publics, on énonce moins souvent le fait d’habiter son corps, son métier, ou encore ses relations. Pourtant, une définition au sens large du terme « habiter » permet de prendre en compte les nombreuses problématiques qui le traversent. Par exemple, la difficulté à habiter son propre corps peut être intimement liée à celle d’habiter un espace, un territoire où l’on est marginalisé. De même, habiter et investir son espace privé s’avère très complexe quand celui-ci est mis en danger par ce qui l’entoure, dans l’espace collectif, extérieur, et/ou public.

Les 12 artistes invités pour cette édition du festival l’Œil Urbain mettent en lumière ces enjeux, de Singapour, à Notre-Dame-des-Landes, en passant par Songdo, une ville à 60 km de Séoul. On traverse aussi le Nord du Mali, l’Ukraine, la Tunisie, l’Algérie, et on retourne à Corbeil-Essonnes.

Explorer des lieux lointains en parcourant Corbeil-Essonnes

La diversité des lieux représentés et des récits capturés fait de la petite ville une scène ouverte à la résonnance internationale.

On retrouve Françoise Huguier, invitée d’honneur avec son travail HDB à Singapour ; Sébastien Van Malleghem avec Démunis ; Ferhat Bouda – qui expose Imazighen. Berbères, une culture en résistance 2004 – 2022 ; Lionel Jusseret et Les Impatientes ; Juliette Pavy avec Vivre dans une ZAD ; Alexa Brunet et Les habitats alternatifs ; Hannah Reyes Morales et ses Living Lullabies ; Jeoffrey Guillemard qui livre son travail sur Les déplacés internes du Sinaloas ; Stéphanie Buret avec Orwell City ; Rafael Yaghobzadeh avec Quand la guerre toque à votre porte – Ukraine ; Ulrich Lebeuf et son exposition Spettri di Famiglia ; et enfin Yassine Sellame avec Skate Boarding, en partenariat avec le festival Face à la Mer de Tanger.

Les rues de Corbeil-Essonnes sont traversées par un itinéraire d’expositions qui animent différents lieux de la ville : la commanderie Saint-Jean, la galerie d’art municipale, la médiathèque Chantemerle, le théâtre mais aussi le parvis de l’Hôtel de Ville, le square Crété et le kiosque à musique. On peut se rendre à Corbeil-Essonnes en transport public (RER) et parcourir les expositions à pied et gratuitement.

Démunis de Sébastien Van Malleghem : le mal-logement comme point de départ d’une réflexion sur ce qu’est habiter

C’est Sébastien Van Malleghem, en résidence à Corbeil-Essonnes depuis plusieurs mois qui a orienté le choix de la thématique de cette édition. Confronté à la question du mal-logement en région parisienne, il a souhaité rassembler les artistes autour du thème « habiter », qui est aussi un enjeu central des sociétés contemporaines.

© Sébastien Van Malleghem

L’accès à un logement décent, et le droit de se loger et d’habiter sereinement le monde qui nous entoure est en effet le socle de toute vie sociale.

Sébastien Van Malleghem a arpenté les rues de Corbeil-Essonnes et écouté les voix de ceux que le nouveau design urbain peut rendre invisibles. Les sans domiciles fixes, les squatteurs, les exilés sans droits ni titre, toutes ces personnes qui accumulent parfois ruptures sociales, familiales, maladie et dépendances. Ces personnes qui vivent aux marges et sont souvent condamnées à la subsistance par des politiques publiques affaiblies, des militants à bout de souffle et des centres d’hébergement sur occupés, souvent sous-dimensionnés.

Son exposition, qui habille l’hôtel de ville, symbole de l’action publique locale, nous interroge quant à la menace constante de la précarité, dans un contexte inflationniste incertain, où les solidarités peinent à compenser l’immensité des inégalités sociales, économiques et territoriales.

© Sébastien Van Malleghem

Habiter à Singapour : le regard de Françoise Huguier

Le festival sillonne ainsi les questions liées au logement, même si les thématiques traitées par les artistes sont plus vastes.

Les travaux de Françoise Huguier, invitée d’honneur du festival, partent eux aussi du logement pour capturer des récits de vie variés. L’artiste nous enmène dans le quartier de Punggol, au sein de la ville-État de Singapour, dans le sud-est asiatique. Françoise Huguier a visité des logements à la décoration épurée, parfois standardisée. La ville est en effet le lieu d’un dispositif singulier, nommé HDB : Housing Development Board, qui facilite l’accès à la propriété des classes moyennes. Ce dispositif reflète le modèle étatique singapourien interventionniste, qui tend à contrôler et encadrer les pratiques (de natalité, de production, de consommation) et les modes de vie de la population.

© Françoise Huguier / Agence VU’

Mais, au beau milieu de vies paraissant parfois uniformes, l’artiste a croisé sur sa route des profils originaux, des personnages locaux hauts en couleur, comme un docker toujours accompagné de son poisson porte bonheur. Les tons acidulées des photographies de Françoise Huguier font ressortir des récits de vie singuliers, qui semblent dénoter dans le décor urbain standardisé.

On croise aussi parmi les clichés un jeune couple mangeant une glace dans la chaleur moite estivale de l’île-état. Le corps tatoué et percé semble rappeler la présence d’une jeunesse qui déjoue les cadres normatifs et les standards politiques et sociaux existants.

© Françoise Huguier / Agence VU’

Ainsi, avec ces expositions et les 10 autres, le festival photographique l’Oeil Urbain ne se contente pas de parler des formes d’habitat (alternatif, forcé…) mais aussi des personnes qui habitent, et de leur modes de vie. On traverse plusieurs générations, notamment avec les travaux de Lionel Jusseret, et on parcourt des univers parfois peu connus, comme celui des peuples berbères nomades de différents pays, avec les clichés de Ferhat Bouda.

© Ferhat Bouda / Agence VU’

Dans la lignée de la riche programmation proposée par cette édition, le festival accueille une mini résidence, celle de Cyril Zannettacci en partenariat avec l’Agence VU’, au sein du Centre Culturel Turc.

Informations pratiques
Festival l’Oeil Urbain

Centre ville de Corbeil-Essonnes
Du 31 mars au 20 mai 2023
Infos et horaires à découvrir sur le site du festival
Entrée libre