Where Love Is Illegal : Robin Hammond met à l’honneur l’amour LGBT+

Les éditions Bessard publient un beau livre de Robin Hammond, Where Love is Illegal, qui met en lumière les portraits et les témoignages de personnes victimes de discriminations homophobes. L’ouvrage, composé de 80 portraits pris au Polaroïd – et le projet en ligne du même nom – visent ainsi à recueillir et à documenter de multiples histoires LGBT+ dans le monde entier.

Photographie et récit de soi

Quand Pierre Bessard crée sa maison d’édition en 2011, il se donne comme objectif de promouvoir le livre de photographie au rang de livre d’artiste. Grand format, confection sophistiquée, papier et reliure brodée de qualité, sa dernière publication Where Love Is Illegal de Robin Hammond ne déroge pas à cette ligne. Les quelques 80 portraits capturés au Polaroïd occupent l’entièreté de la page. Ils sont accompagnés de quelques textes de l’auteur et de témoignages manuscrits des personnes photographiées qui vivent la discrimination homophobe.

© Robin Hammond/Witness Change

Parce que le projet repose sur une opposition, une composition qui pourrait paraître contradictoire, la découverte progressive du livre provoque assez rapidement un sentiment singulier. Dans une certaine dissonance, les belles photographies mises en scène par les personnes elles-mêmes cohabitent avec leurs histoires difficiles, leurs témoignages des discriminations et des violences subies. Écrits à la main et reproduits ainsi, ils confrontent le lecteur à la réalité des vécus qu’ils exposent.

© Robin Hammond/Witness Change

La parole leur est donnée, et ils semblent dire : « nous vivons la haine au quotidien, pourtant, nous restons beaux et dignes ». La photographie, quand elle est collaborative, devient un outil de sublimation, transforme la honte en quelque chose d’autre et, finalement, devient un moyen de reprendre le pouvoir sur l’histoire de la violence sans pour autant nier ses conséquences.

Les séquelles de la discrimination et de la violence sont mises en présence concrètement, sans concession et sans complaisance. Robin Hammond ne tombe jamais dans le piège de la forme pour la forme, de l’esthétique qui se suffirait à elle-même ; ni la douleur ni la fierté ne sont représentées par effet de style.

© Robin Hammond/Witness Change

L’envers de l’invisible

Deux photographies semblent cohabiter, se faire face : celles où le visage est visible, où le regard se dirige vers la caméra ou vers un ailleurs, et celles où le visage est caché, couvert par les mains, par un tissu, ou encore par un objet fort en signification – une bible, dans le cas de Julian, éduqué dans une famille mormone. Qu’elle réponde à une obligation de se cacher ou non, cette contrainte devient instantanément l’élément central de l’image, la représentation matérielle de ce que peut-être un quotidien lorsqu’on est LGBT+. Visible, invisible, montré, caché… le désir, qui va de soi lorsqu’on est dans la norme, devient un enjeu lorsqu’on ne s’y inscrit pas, un motif de jugement et de discrimination.

Au fil des pages – des Polaroïds – se dessine nettement un panorama de celles et ceux qui sont concernés par la discrimination, et qui la vivent au jour le jour dans leurs corps. Kenya, Venezuela, France, États-Unis, Russie… aucun pays n’est épargné. L’homophobie se vit partout, se manifeste plus ou moins violemment, mais sans réelle distinction.

Que ce soit avec ce livre ou avec son projet en ligne, Robin Hammond montre clairement que les personnes qui subissent l’oppression sont souvent les plus modestes, celles qui ont vécu un déclassement social à cause du rejet, qui ne peuvent pas dire qui elles sont vraiment par peur de perdre leur travail, leur logement, leur vie ; il rappelle par la même occasion que si les conditions matérielles n’effacent pas la discrimination, ils permettent néanmoins d’éviter de nombreuses situations qui confrontent à l’homophobie.

Plutôt que de tenter de trouver une solution maladroite à cette nécessité de montrer les choses, Robin Hammond semble au contraire poser une question : comment mettre en image celles et ceux qui, fondamentalement, doivent se cacher ? En guise de réponse, il constitue ici un vaste corpus de portraits uniques en prenant le temps de la mise en scène, en accordant à chaque personne ou à chaque couple un espace et un moment privilégié.

Mettre en lumière les portraits et les témoignages dans un grand et beau livre est une manière d’accorder une certaine importance à ces représentations, d’attribuer à ces récits une valeur et un poids qui leur sont souvent retirés. Robin Hammond rappelle combien, en plus de l’adversité dans laquelle elles vivent leur désir au quotidien, ces personnes photographiées souffrent généralement d’une forte invisibilisation.

Couverture de Where Love Is Illegal © Robin Hammond/Witness Change

Where Love Is Illegal est disponible aux éditions Bessard au tarif de 75 €, pour 160 pages dont 80 reproductions couleur. Ce livre se base sur un projet en ligne du même nom, créé et dirigé également par Robin Hammond, qui vise à documenter des récits LGBT+ dans le monde entier.