Les éditions Le Bec en l’air publient le livre photo Les mains patientes, de Fred de Casablanca. Depuis cinq ans, ce médecin généraliste demande à ses patients s’il peut photographier leurs mains, souvent très éloquentes sur leur état d’esprit, leurs angoisses ou leurs souffrances. Ce sont ces photographies qui sont réunies dans ce beau livre, accompagnées d’un texte de Christian Caujolle.
Le projet a débuté sur un constat simple : comment photographier ses patients sans qu’on puisse les reconnaître ? Puisqu’il n’a pas le droit de montrer leurs visages, c’est assez naturellement que lui vient l’idée de tirer le portrait de leurs mains, de ce qu’elles disent et de ce qu’elles cachent. Un visage, un corps nu… les mains deviennent une porte d’entrée vers une autre vérité, un moyen de sublimer ce que le corps peine à dire – et ça-et-là, on devine une timidité, une fragilité, une tranquillité, une histoire. Les portraits de mains sont accompagnés d’autres portraits, écrits, petits paragraphes dénués de misérabilisme, avec pour seules mentions un prénom et un âge.
Michael Balint disait que le véritable médicament dans la relation était le médecin lui-même. Trop ou pas assez de médecin peut nuire au patient. Beaucoup de médecins, psychologues, psychiatres ou thérapeutes ont écrit sur leur pratique et leur métier, mais je ne connais pas de séries photographiques qui évoquent la relation médecin-patient.
Fred de Casablanca
La main devient l’incarnation, l’extension d’un corps, et parce qu’elle est photographiée de près, la peau révèle tous les détails de ce qui fait une vie. Au fil des pages se dessine nettement ce qui constitue le quotidien d’un médecin : celles et ceux qui composent sa patientèle – et tout l’enjeu qui repose sur leurs corps, des corps souvent âgés, d’autres abimés, malades, autant de corps cachés parce qu’ils ne répondent pas à la norme.
Fred de Casablanca échappe avec brio au voyeurisme et, d’une certaine manière, au formalisme qui aurait rapidement pu prendre le dessus. Toutes en noir et blanc et en plan serré, les photographies s’inscrivent dans un même dispositif ; pourtant, l’effet de répétition ne se fait jamais ressentir, ou plutôt, crée ce sentiment de série, de faire face à une cohérence qui fait toute la beauté du projet. En photographiant la relation médecin-patient, Fred de Casablanca signe un très beau premier livre, une véritable main tendue vers ses patients, un portrait fait à deux, ensemble.
Les mains patientes est disponible aux éditions Le bec en l’air au tarif de 35 €, pour 112 pages dont 60 photographies en noir et blanc, accompagnées d’un texte de Christian Caujolle, directeur de la Galerie du Château d’Eau, à Toulouse.