©Karen Assayag / Hans Lucas

Prix Caritas Photo Sociale 2022 : Cyril Zannettacci, Karen Assayag et Pierre Jarlan

Le Prix Caritas Photo Sociale a annoncé le lauréat et les deux finalistes de sa troisième édition : Cyril Zannettacci avec sa série Parler à ceux que l’on n’écoute jamais !, Karen Assayag avec Ce qu’il reste au fond de moi et Pierre Jarlan pour sa série Ici et demain.

Prix Caritas
©Cyril Zannettacci

Depuis 2020, le Prix Caritas récompense et promeut le travail d’un photographe tourné vers les problématiques de précarité et d’exclusion. Une exposition à la Galerie du Château d’Eau (Toulouse) réunit les projets des trois artistes récompensés. Cette exposition s’inscrit par la même occasion dans la démarche du Prix Caritas de valorisation de la photographie documentaire sociale. À noter que les éditions Filigranes publient simultanément une monographie avec un texte d’introduction de Romain Jeanticou, journaliste reporter.

Cyril Zannettacci, Parler à ceux que l’on n’écoute jamais !

Lauréat de cette édition, Cyril Zannettacci a assisté en 2021 à la propagation rapide de l’épidémie de Covid-19 dans une unité de soins pour sans-abris située à Nanterre. Impuissant, le photographe a suivi chaque vague de contamination qui, à chaque fois, a mis à rude épreuve l’hôpital et ses effectifs de plus en plus réduits. C’est ce que montrent les photographies de Cyril Zannettacci : un centre médical aux airs d’hôpital abandonné… conséquence d’années de politiques publiques qui réduisent considérablement le budget et les effectifs, pour une médecine sociale reléguée au second rang.

©Cyril Zannettacci

À l’origine, il était question d’une prison pour éloigner les mendiants ; c’est à la fin du XIXe siècle que l’établissement devient médical et accueille les sans-abris pour les accompagner dans un parcours de soin. Aujourd’hui, le centre reçoit autant des exilés, des travailleurs précaires que des femmes fuyant les violences. La réduction actuelle du budget et des effectifs est sans appel : l’équipe de nuit est réduite à une infirmière et une soignante, pour 48 patients.

Ce n’est pas n’importe quel lieu, prévient un médecin à la cantine. On trouve ici condensés tous les problèmes du monde actuel.

Citation issue de l’article de Romain Jeanticou, dans Télérama n° 3727, le 16/06/2021
Prix Caritas
© Cyril Zannettacci

Karen Assayag, Ce qu’il reste au fond de moi

Karen Assayag est l’une des deux finalistes de cette édition. Depuis mars 2021, Karen Assayag accompagne une quinzaine de femmes de 19 à 55 ans, en situation de grande précarité, accueillies au centre de jour du Filon à Paris. Elle anime au sein de l’association une activité créative collaborative qui mêle photographie, peinture et écriture – un moment à part, une parenthèse dans un quotidien ponctué de violences. Certaines de ces femmes ont fui leur entourage, leur conjoint, ou leur pays pour de multiples raisons qui conduisent indubitablement à l’exclusion, à l’insécurité et à l’isolement : mari violent, orientation sexuelle punie par la loi, perte subite d’emploi, mariage forcé…

Prix Caritas
© Karen Assayag / Hans Lucas

Le travail de Karen Assayag comprend un assemblage de créations produites par les femmes elles-mêmes. D’un côté, des photographies prises à l’appareil jetable qui montrent ce qu’elles souhaitent partager de leur quotidien hors du centre de jour ; de l’autre, des portraits individuels lors de séances à deux, dans un temps privilégié, un à-côté. C’est ainsi que, après impression, ces photographies sont commentées et peintes dans un esprit collectif : les regards se croisent, se confrontent, mais surtout, cette collaboration instaure un dialogue bienveillant entre les unes et les autres.

Prix Caritas
© Karen Assayag / Hans Lucas

Par son geste, Karen Assayag déconstruit une certaine idée reçue misérabiliste sur la précarité, crée une nouvelle représentation qui émane directement des personnes concernées et qui donne à voir autre chose.

©Karen Assayag / Hans Lucas

Pierre Jarlan, Ici et demain

Deuxième finaliste du Prix Caritas, Pierre Jarlan s’est attaché à donner la parole à des jeunes migrants. Dans une démarche proche de Karen Assayag, il a souhaité témoigner de leur quotidien dans un foyer sans les enfermer dans des représentations dominantes. « Ici » : la chambre. C’est dans ce lieu que le photographe a construit son projet, en collaboration avec une éducatrice du foyer et les mineurs isolés, au cœur d’un espace personnel que l’on construit progressivement, presque comme une reproduction concrète de l’espace mental. « Demain » : à partir du lieu de vie dans lequel on se pose et on se rassemble, on pense à l’après, à la possibilité d’un avenir.

C’est de cette manière que Pierre Jarlan échappe au traditionnel récit migratoire, histoire d’un parcours ancré dans le passé, pour proposer un regard alternatif, intime, une évocation de leurs rêves d’un futur.

Prix Caritas
© Pierre Jarlan

L’exposition collective qui réunit les projets de Cyril Zannettacci, Karen Assayag et Pierre Jarlan est à retrouver à la Galerie du Château d’Eau jusqu’au 31 décembre 2022.

Informations pratiques :
Prix Caritas Photo sociale
Galerie Le Château d’Eau
Du 23 novembre au 31 décembre 2022
1 place Laganne, 31300 Toulouse
du mardi au dimanche, de 13h à 19h
Tarifs : 4 € (réduit : 2,5 €)

Une monographie du travail de Cyril Zannettacci est actuellement disponible aux éditions Filigranes au prix de 20 euros, (80 pages, 72 photographies couleur).