La 34e édition du Festival International du Photojournalisme s’est déroulée sur les deux premières semaines de septembre à Perpignan, avec un programme riche et transversal sur la photographie de presse. 25 expositions se sont emparées du centre-ville et ont été également présentées en ligne. Ce programme a été accompagné de plusieurs rencontres, conférences et projections, pour donner la parole aux acteurs clefs du photojournalisme. Comme chaque année, le festival s’est conclu avec la remise de 7 Visa d’or, 3 Bourses et 5 Prix.
Entre Afrique et Europe : une hyper-urbanisation au sud et des migrations vers le nord
Sameer Al-Doumy (AFD), Visa d’or humanitaire du Comité international de la croix-rouge (CICR), a rappelé, avec son travail intitulé « Les routes de la mort », la réalité terrifiante des embarcations de fortune entre la France et l’Angleterre. Ses photographies nous plongent dans la tension existentielle et quotidienne que vivent les personnes en migration se trouvant en situation dite irrégulière.

Si les migrations continuent autant sur le sol européen qu’à ses portes – en Sicile, à Lesbos, ou encore dans le sud de l’Espagne – la population du continent africain ne décroit pas pour autant. Le processus d’urbanisation y est exponentiel. C’est à ce phénomène que se sont intéressés Max Bearak, Dylan Moriary et Julia Ledur pour leur travail dans le Washinton Post, intitulé « Africa Cities Rising », pour lequel ils ont obtenu le Visa d’or de l’information numérique franceinfo. Les clichés présentés annoncent le futur hyper-urbanisé du continent africain, et ses conséquences déjà notables autant d’un point de vue écologique que social.

L’Ukraine à feu et à feu et à sang : renseigner pour dénoncer
Sans surprise, 3 Visas d’Or ont été attribués pour des travaux sur la guerre en Ukraine et ses conséquences désastreuses sur la population.
Le Visa d’Or de la Ville de Perpignan Rémi Ochlik a été gagné par Lucas Barioulet pour sa couverture de la guerre en Ukraine dans le journal Le Monde. Ses photographies mettent en lumière le quotidien de ceux qui sont restés, notamment à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. On y voit des scènes de repas partagés dans l’angoisse collective, mais aussi des enfants livrés à eux même dans le désert urbain qui les entoure. Tous maudissent le même homme, pris pour cible dans un stand de tir sur l’une des photographies.

Le Visa d’Or news a été remporté quant à lui par le photographe ukrainien Evgeniy Maloletka (Associated Press) pour son travail sur Marioupol, en Ukraine. Là aussi, le photojournalisme nous plonge dans la réalité glaçante de la vie des civils au milieu des conflits armés.

Enfin, le Visa d’Or de la presse quotidienne internationale a été délivré au quotidien Danois Politiken, pour le reportage conduit par Mads Nissen. Celui-ci se distingue car il aborde également le thème fondamental de la séparation des familles et des couples dans la fuite des conflits.

Récompenser des travaux critiques, pour un photojournalisme engagé
Deux autres Visas d’Or ont été attribués à la fin du festival de Perpignan, pour des travaux dont la teneur critique était à la hauteur des enjeux sociétaux contemporains. Le Visa d’Or magazine a été délivré à Brent Stirton (Getty Images) pour son reportage au Cameroun, intitulé « la Viande de brousse : à l’origine des épidémies » et publié dans National Geographic.

Le Visa d’Or d’honneur du Figaro Magazine a été attribué à Alain Keler (Myop), dont le travail a porté récemment sur de nombreux enjeux contemporains comme le conflit israélo-palestinien ou la discrimination des populations roms en Europe.
Les 5 prix et 3 bourses délivrés ont par ailleurs encouragé des travaux essentiels pour le photojournalisme français et international.
Le prix ANI-PixTrakk et la bourse de la nouvelle photographie urbaine (soutenue par Google) ont récompensé respectivement les travaux de photojournalisme d’Hervé Lequeux, pour sa série « Viva Khawa » (Maroc) et de Philémon Barbier (collectif hors format).

Le prix Camille Lepage et le prix Carmignac, décernés respectivement à Rebecca Conway et Fabiola Ferrero, nous ont emmené aux frontières de l’hémisphère nord, du Sri Lanka au Venezuela. On a été ensuite d’autant plus dépaysés avec les clichés de la gagnante de la bourse Canon de la femme photojournaliste, Natalya Saprunova, à Lovozero en Russie.
Du côté des enjeux liés à l’innovation technologique, le prix Pierre & Alexandra Boulat a été remporté par Laura Morton qui continuera ainsi ses recherches sur les automates notamment dans la Silicon Valley. La préservation de la biodiversité, elle aussi au cœur des problématiques actuelles, a été traitée par Alain Schroeder à travers ses photoreportages sur les différentes menaces qui pèsent sur les orangs-outans en Indonésie, et récompensée par le prix photo-fondation Yves Rocher.
Pour finir, la Bourse Canon du documentaire vidéo court-métrage a été remporté par Irene Baqué.
Ainsi, la 34ème édition du Visa pour l’image à Perpignan nous laisse avec de nombreux photojournalistes à découvrir ou redécouvrir, pour une vision à 360° sur les enjeux socio-économiques, géo-politiques, et environnementaux globaux.