Mise à jour du 27 octobre 2022 : le livre Siempre Que de Celine Croze, publié par les éditions Lamaindonne, a remporté la 68e édition du prix Nadar – Gens d’images 2022.
En marge du tournage d’un film au Vénézuela, en 2015, la photographe Celine Croze a entamé une virée nocturne en immersion au sein de la pègre locale. Elle y a rencontré un univers d’une grande violence – mais aussi une sensualité impertinente, dangereuse, mais jamais romantisée. Les éditions Lamaindonne éditent un livre qui retrace son voyage initiatique.
Le livre de Celine Croze s’ouvre sur une phrase : siempre que estemos vivos nos veremos (tant que nous serons en vie, nous nous verrons). La page d’après, une église toute simple dont la croix pointe vers le ciel, puis le portrait serré d’un jeune homme. Au fil des pages – joliment reliées à la méthode suisse qui laisse apparaître les coutures – on découvre le récit égaré d’un voyage dont les photographies se révèlent peu à peu, discrètes mais percutantes, presque comme dans une rêverie – ou dans un film noir.
Au milieu du livre, la photographie s’efface pour faire place à un texte écrit par l’artiste. Une personne est nommée : Yair. C’est lui qui a prononcé cette phrase insolente, « tant que nous serons en vie, nous nous verrons ». Comme un défi à la vie, une fascination pour la mort, omniprésente, mais dont il ne semble pas avoir peur.
Au cours d’une déambulation nocturne, elle fait la rencontre de cet homme, gangster au visage d’ange. Il lui permettra de découvrir, comme en immersion, l’univers de la pègre de Caracas. Elle en tire un ensemble d’images au tout en tension, où transparaissent l’obscurité, la chaleur et la violence. Avec un dénominateur commun : la proximité avec le sujet, presque collé à la lentille de l’appareil photo.
Un mois après cette phrase, Yair est abattu, à 27 ans. Celine Croze s’accroche comme elle peut, saisit des instants avec son appareil photo et, à la manière d’un Michael Ackerman, compose un véritable carnet de route de ses errements à travers la noirceur enveloppant la ville.
Cette violence – et son absurdité – atteignent leur paroxysme dans une arène pour combats de coqs, où les gens éructent leurs pronostics dans une odeur de fer. Celine Croze photographie tous les mouvements, des animaux comme des hommes, et leurs mains qui semblent crier quand elles ne trient pas les billets gagnés par un bon pari. Elle l’écrit : une rumeur se répand dans la ville en effusion, les gens rentrent chez eux en courant, un feu s’est déclenché. Et dans les chambres ou les cours des maisons, la chaleur, toujours : à la lumière instable des néons, les corps se dévoilent, sublimés par son regard épris.
Elle en tire un ouvrage singulier, aux images instables, perpétuellement en mouvement, reprenant les quelques 50 photographies de cette errance. Un livre de 120 pages, publié aux éditions Lamaindonne au tarif de 35 €. Ses photographies seront également exposées lors de la 7e édition du Festival du Regard, à Cergy, du 14 octobre au 27 novembre 2022.