© Edouard Elias & Abdulmonam Eassa

29e Prix Bayeux Calvados-Normandie : les correspondants de guerre en Ukraine à l’honneur

Bayeux, première ville libérée du continent par les Alliés et véritable symbole de résistance dans un contexte marqué par le retour de conflits sur le territoire européen, célèbre la 29e édition de son Prix des correspondants de guerre. Au programme de cette édition exceptionnelle, 3 soirées débats, 6 expositions inédites, des projections de documentaires et de films en avant-première, un salon du livre, des interventions en milieu scolaire et une soirée de remise de prix.

Une année marquée par l’intensification des conflits contemporains, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le retour des talibans en Afghanistan ; une année qui confirme encore et toujours la nécessité d’un tel Prix, d’un évènement comme celui-ci qui nous invite à décrypter l’actualité et à mieux comprendre notre rapport aux médias.

Pompiers tentant de contenir un incendie de forêt à Pumarejo de Tera, dans le nord de l’Espagne, 18 juin 2022
© César Manso / AFP

Ukraine, au cœur du conflit

Du 3 au 30 octobre, deux expositions en accès libre permettent de mettre en lumière le conflit ukrainien à travers le travail de quatre photographes : Evgeniy Maloletka et Mstyslav Chernov d’Associated Press, Dmytro Kozatski, et Aris Messinis. Au contact des troupes et des populations exposées, ces quatre photographes se placent au plus près des mécanismes d’une guerre – bombardements, soldats épuisés – et de ses conséquences sur les personnes ; ils nous délivrent ainsi des images poignantes, sans toutefois lorgner vers cette esthétique spectaculaire qui a pu être reprochée à certains reporters ces dernières années.

État(s) de siège

Au Soudan, théâtre de conflits armés depuis une vingtaine d’années, Abdulmonam Eassa et Édouard Elias se sont rendus dans l’ouest du pays pour rencontrer les populations du Darfour qui ont fui les violences des milices soudanaises, les Janjawids, survenues l’année dernière. Ils ont réalisé à la chambre photographique des portraits et des paysages qui ne sont pas sans rappeler les photographies noir et blanc de Sebastião Salgado prises dans les années 70 et 80.

Médecins Sans Frontières propose une exposition collective réunissant six photographes, six témoins de la situation à Port-au-Prince, en Haïti. D’un côté, l’État s’affaiblit – notamment depuis le meurtre du président Jovenel Moïse l’été 2021 – et s’efface de jour en jour, tandis que de l’autre côté, les gangs armés étendent leur influence sur le territoire. Cette guerre non revendiquée fait de nombreuses victimes ; une situation ingérable pour les soignants en pénurie et en rupture constante.

L’Afghanistan et ses promesses

La photographe iranienne Kiana Hayeri a effectué son reportage avant la prise du pouvoir par les talibans. Centré sur les femmes afghanes, son travail s’attache à représenter les nombreuses luttes et les sacrifices auxquels elles ont dû faire face depuis l’invasion américaine il y a près de 20 ans. Loin du front, du conflit armé et des militaires (qui occupent la majorité des images qui nous viennent d’Afghanistan), Kiana Hayeri a inscrit sa démarche au plus près des civils, propose un témoignage alternatif, et indéniablement personnel – elle vit elle-même dans ce pays.

Prix Bayeux : Albert Londres et l’image

Pour clore cette édition, le Prix Bayeux Calvados-Normandie a déterré quelques photographies parmi les 800 retrouvées à ce jour d’Albert Londres, pionnier du journalisme de reportage engagé contre les injustices de son époque, dont certaines perdurent encore aujourd’hui. Certaines de ces images accompagnaient déjà ses publications, d’autres sont inédites et visibles pour la première fois à Bayeux.

Cette exposition marque un retour aux origines indispensable pour mieux éclairer les pratiques contemporaines du récit journalistique, la relation qu’entretiennent le texte d’investigation et l’image, et notre rapport à la vérité… une nécessité en ces temps de défiance à l’encontre de l’information.

Le métier de journaliste n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.

Albert Londres

Le Prix Bayeux comprend également de nombreuses rencontres et projections, à découvrir dans leur programme complet.


Les expositions Marioupol et Ukraine : une guerre de trop sont à découvrir du 3 au 30 octobre 2022, respectivement à la Tapisserie de Bayeux Chapelle, rue de Nesmond, et aux 7 lieux, boulevard Fabien Ware.

L’exposition Ne pleure pas, c’est notre patrie se déroule du 4 au 30 octobre à l’Espace d’art actuel Le Radar, 24 rue des Cuisiniers, ouvert du mercredi au dimanche de 14h30 à 18h30 et le samedi de 14h à 19h.

Afghanistan, des promesses gravées dans la glace, laissées au soleil est à retrouver du 3 au 30 octobre dans les rues de la ville de Bayeux. Le parcours détaillé est disponible à l’office de tourisme et sur le site du Prix.

L’exposition Albert Londres et l’image est ouverte tous les jours du 3 au 9 octobre de 10h à 12h30 et de 14 à 18h, ainsi que du 10 au 13 novembre de 14h à 19h, à l’Hôtel du Doyen, rue Lambert-Leforestier.