© Andrea Mantovani

S’enforester : Baptiste Morizot et Andrea Mantovani tentent d’établir le contact avec la forêt

À la frontière entre la Pologne et la Biélorussie siège la dernière forêt primaire d’Europe : Bialowieza. La géographe et photographe Andrea Olga Mantovani et le philosophe Baptiste Morizot sont partis sur les traces de ce véritable vestige, comme en enquête sur ce qu’était l’habitat il y a plus de dix mille ans, au néolithique. De cette démarche est tirée un ouvrage, S’enforester, paru aux Éditions d’une rive à l’autre en août 2022.

S'enforester Andrea Olga Mantovani Baptiste Morizot
© Andrea Mantovani et Baptiste Morizot

Baptiste Morizot l’explique : presque toutes les forêts du continent ont été rasées au Moyen-Âge – elles ont ensuite été reconstituées par l’homme dans certaines régions, quand elles n’ont pas servi de terreau pour des pâturages, des champs ou des habitations. En Europe, une seule est restée intacte : Bialowieza.

Les images d’Andrea Olga Mantovani permettent de créer des passerelles entre photographie et sciences humaines, entre photographie et politique. À travers son regard teinté de mystique, elle réactualise la question de la nécessité des forêts, leur caractère indispensable. Cet éloge entre parfaitement en résonance avec le propos de Baptiste Morizot qu’il tisse à travers toute son œuvre. Après Manières d’être vivant et Sur la piste animale, Baptiste Morizot poursuit avec S’enforester le développement de sa théorie sur la cohabitation des êtres vivants entre eux, qui, selon lui, devrait primer sur l’exploitation, la hiérarchisation des espèces, et la domination qu’opère l’homme sur ce qu’il considère comme inférieur.

S'enforester Andrea Olga Mantovani Baptiste Morizot
La rivière Narewka au coeur de la forêt primaire de Bialowieza. Au XIVe siècle, elle fut le site d’implantation des premiers habitants de la forêt. Bialowieza, Pologne, octobre 2017 © Andrea Mantovani

Si les photographies d’Andrea Olga Mantovani sont teintées de mystère, elles sont aussi parfois volontairement mises en scène dans une esthétique qui se rapproche de thèmes mythologiques. Avec la forêt comme décor, elle dessine le portrait de ce que pourrait être un habitant actuel de cet environnement, et ainsi, nous permet de visualiser concrètement la possibilité de vivre dans un cadre comme celui-ci… une manière d’imaginer s’enforester. Imaginer « s’encabaner », aussi, comme le formule Marielle Macé, c’est-à-dire s’éloigner des autres pour mieux se retrouver, désirer habiter alternativement comme un acte de désobéissance, à l’écoute de la nature et sans la contraindre.

Katya Barton, activiste anglaise, 25 ans. Le lendemain de Noël, elle interpréta des chants orthodoxes aux fenêtres des maisons de Bialowieza afin de créer un contact avec eux. Pologne, janvier 2018 © Andrea Mantovani

L’ouvrage S’enforester d’Andrea Olga Mantovani et Baptiste Morizot, qui regroupe 37 photographies sur un total de 124 pages, est disponible aux Éditions d’une rive à l’autre au tarif de 48 €.