Les Kriminels Sans Reproche, Rosny-Sous-Bois, 1995 © Yan Morvan

Réédition de Gangs Story : immersion dans les gangs de Paname

À sa première parution en 2013, Gangs Story avait été retiré de la vente par décision du Tribunal de Grande Instance de Paris, suite à la plainte d’une des personnes figurant dans le livre : Mathieu, ex-sympathisant du groupuscule d’extrême droite Troisième Voie, qui posait alors armes à la main devant un symbole nazi. Presque 10 ans plus tard, cette anthologie culte de Yan Morvan est enfin rééditée pour nous permettre de découvrir ou redécouvrir la vie des banlieues françaises, des squats et des gangs de rue, résultat d’un travail de plus de 40 ans en immersion quasi-totale.

Yves, dit « Le Vent » et un membre du gang Black Dragoons, Montreuil, 1990 © Yan Morvan

Quelles sont les raisons qui poussent à intégrer une bande ? Un phénomène de mode ? L’appartenance à un groupe donne-t-elle la sensation d’être plus fort ? Est-ce l’aspiration à faire partie d’une « famille » quand on n’en a pas ? Un attrait pour la violence ? La volonté de perpétuer le combat de la génération précédente ? La quête identitaire ? Je ne suis ni sociologue, ni ethnologue : je suis un témoin issu de la banlieue.

Kizo

À l’origine, deux mouvements qui viennent s’imposer dans les quartiers populaires français aux jeunes générations en quête d’identité, au fort besoin de représentation et d’identification. D’Angleterre, le mouvement skinhead, mais surtout, le hip-hop tout juste importé des États-Unis, et toute sa culture, sa musique, son style vestimentaire et son mode de vie qui deviennent autant de sources d’inspiration pour des personnes délaissées, déclassées et déracinées.

Derrière le vernis reluisant années 80 et 90, la réalité d’une France à deux vitesses où certains ménages français vivent dans la précarité : il y a plus de 70 % de chômeurs dans certaines cités, et les étrangers n’ont pas accès au RMI et doivent avoir recours au travail non-déclaré et sous-payé.

Sniff, le chanteur des Evilskins, Paris, 1987 © Yan Morvan

Voilà de quoi témoignent les 220 photographies de Yan Morvan, accompagnées par des textes de Kiso, ancien membre d’un gang de Grigny, aujourd’hui documentariste et auteur au service de cet ouvrage – quand il n’est pas médiateur de nuit dans son quartier d’origine. 220 photographies pour autant de portraits des nombreux groupuscules qui composaient alors les milieux underground, politiques et artistiques de la capitale. Sur une page, les Skinheads font face aux Antifas, les occupants d’un squat font face à des graffeurs qui réhabilitent une façade, tandis que des rappeurs font face aux Gavroches du PSG.

Réhabilitation des façades par des graffeurs, les Dramatic MC, La Grande Borne, Grigny, 1995 © Yan Morvan

Avec ses photographiques d’une époque qu’on pourrait croire révolue, Gangs Story devient un livre presque historique, qui a le don de nous donner les clés pour comprendre cette période, tout en prolongeant l’héritage de ce monde alternatif afin de mieux saisir ce qu’il est devenu aujourd’hui.

L’ouvrage Gangs Story, comptant 320 pages, est publié aux éditions La Manufacture de Livres et est disponible au tarif de 55 €.

Le travail de Yan Morvan est à retrouver sur son site web : https://archivesyanmorvan.com/