4. Jean PAINLEVÉ Hippocampe dans les algues, vers 1934 Épreuve gélatino-argentique d’époque Les Documents Cinématographiques/Archives Jean Painlevé

Expo : Jean Painlevé « Les pieds dans l’eau », le réel entre art et science

Cet été au Jeu de Paume à Paris, zoom sur le photographe et cinéaste Jean Painlevé avec la première exposition exclusivement consacrée à son travail. Avec « Les pieds dans l’eau », le centre d’art dédié à la photo et à l’image vidéo présente l’importance de la recherche et du contexte scientifique dans le travail de Painlevé. Exposition à voir jusqu’au 18 septembre 2022.

Exposition Jean Painlevé. Les pieds dans l'eau du 8 juin au 18 septembre 2022

Jean Painlevé, figure de franc-tireur

Né en 1902, Jean Painlevé se distingue dès les années 1930 comme une figure de franc-tireur, en art comme en politique. Il s’est engagé dans la Résistance pendant l’Occupation et, grâce à son investissement dans le Comité de libération du cinéma Français et dans la Cinémathèque française en zone libre, a été nommé à la Direction générale du cinéma (ancêtre du CNC) à la Libération. Franc-tireur artistique, aussi, puisque bien qu’il appartienne résolument à la mouvance surréaliste de son temps. Il ne revendiquera jamais cette appartenance afin de garder sa part d’indépendance intellectuelle.

Geneviève HAMON : Jean Painlevé avec la Cameflex tenue par harnais conçu par Geneviève Hamon, Roscoff, vers 1958
Épreuve gélatino-argentique d’époque
© Les Documents Cinématographiques/Archives Jean Painlevé

Aux frontières entre l’art et la science

Le travail de Jean Painlevé s’illustre par ses photographies et ses courts-métrages à la frontière entre l’art et la science. Science qui le passionnera toute sa vie durant et dont il ne cessera jamais de poursuivre son investigation minutieuse, considérant l’objectivité scientifique comme la meilleure arme contre l’obscurantisme qui traversait alors sa société.

Jean PAINLEVÉ assisté d’ElI LOTAR : Détail de la pale d’une queue de crevette, 1929
Épreuve gélatinoargentique d’époque
© Les Documents Cinématographiques/Archives Jean Painlevé

En première ligne de ses recherches et de ses expérimentations artistiques, la biologie, et plus spécifiquement toutes les formes de vie qui se développent sous l’eau. Près du littoral, il plonge sa caméra sous l’eau, filme et photographie afin de rendre compte au plus grand nombre de ses découvertes, sous la forme la plus accessible qui soit puisqu’elle est concrète, visuelle, et qu’il est persuadé par son éventuelle portée pédagogique.

Un duo pour vulgariser la science

Il forme alors un duo avec Geneviève Hamon, son assistante et compagne – qu’on pourrait aisément rapprocher du duo Raymond Depardon / Claudine Nougaret, ou encore Sebastião Salgado / Lélia Wanick. Avec elle, il tourne ses premiers films en Bretagne, dans un des environnements marins les plus riches de France. On y retrouve poissons, crabes et crevettes, étoiles de mer, des espèces qui, bien qu’elles peuplent les rivages, demeurent invisibles et inconnues pour la plupart.

Une démarche qu’on qualifierait aujourd’hui de « vulgarisation », toujours en étroite collaboration avec scientifiques et chercheurs. L’objectif ? Offrir des films destinés à la fois à un grand public, mais aussi au développement et au partage des dernières découvertes savantes.

Jean PAINLEVÉ assisté d’Eli LOTAR : Pince de homard ou Charles de Gaulle, vers 1929
Épreuve gélatinoargentique d’époque
© Fonds photographique Bouqueret-Rémy

Avant-gardiste

Placé parfois au rang de scientifique, Jean Painlevé est considéré également comme un des grands cinéastes avant-gardistes. Artiste inclassable, en somme, ce qui expliquerait les années nécessaires avant de saisir plus clairement ses intentions qu’on avait fatalement opposées par le passé : mélanger art, connaissance et expérimentation, sans lui assigner une étiquette ou une autre. Chose foncièrement inédite, novatrice voire subversive pour l’époque, il accompagne constamment ses images par des compositions de choix au rythme de ce qui défile, parfois à contre-temps… et à contre-courant, via une sélection variée et inaccoutumée pour son temps, mêlant classique, jazz, et compositions contemporaines (musique concrète, musique expérimentale, etc.).

Jean PAINLEVÉ : Acera dansant ou Femme à la fraise Renaissance [Acera ou le bal des sorcières], vers 1972
Photogramme Épreuve couleur d’époque
© Les Documents Cinématographiques/Archives Jean Painlevé

A l’échelle macro ou micro-scopique

Une approche didactique, donc, mais avec toujours cette part de poétique. Il s’approche de plus en plus de l’abstraction lorsqu’il travaille à l’échelle macro et micro-scopique. Loin des canons commerciaux du documentaire narratif, il entre en résonance avec certains ses contemporains quand il modifie les dispositifs techniques à sa disposition pour approcher au mieux ce qu’il veut restituer – une vision des choses qu’il qualifie volontiers de « réalisme fantastique ».

Bien que véritables, les tentacules du poulpe paraissent irréels, surréalistes, tant en apparence que dans la coordination des mouvements. Le montage n’aidant pas, avec son rythme saccadé, discontinu : la matière première, les modèles vivants, impossibles à diriger, à mettre en scène selon sa volonté, contraignent à un découpage particulier pour ne garder que l’essentiel.

Jean PAINLEVÉ : La Pieuvre [La Pieuvre], 1928, Photogramme
Épreuve gélatino-argentique d’époque
© Les Documents Cinématographiques/Archives Jean Painlevé

Après la guerre, Jean Painlevé poursuit inlassablement sa démarche de recherche et de partage pédagogique (la démocratisation de la couleur et de la télévision lui permet Notamment de renouveler sa production) tout en diversifiant ses activités. Il filme l’élaboration des œuvres de ses amis artistes en parallèle de son métier d’enseignant, et commence à travailler sur les transitions de phase dans les cristaux liquides, toujours en collaboration avec les scientifiques et leurs nouvelles technologies microscopiques.

Cette exposition vous plongera dans les expériences filmiques de Jean Painlevé.

Jean PAINLEVÉ : Sans titre [Transition de phase dans les cristaux liquides], 1978, Photogramme
© Les Documents Cinématographiques/Archives Jean Painlevé

Informations pratiques :
Jean Painlevé, les pieds dans l’eau
Jeu de Paume Paris
Du 8 juin au 18 septembre 2022
1 place de la Concorde, 75001 Paris
Le mardi de 12h à 21h
Du mercredi au vendredi de 12h à 20h
Samedi et dimanche de 11h à 20h
plein tarif – 12€
tarif réduit – 7,50€