Cette année, les Rencontres de la photographie d’Arles investissent la Fondation Manuel Rivera-Ortiz pour y mettre en scène le vêtement sous toutes ses formes. Les 40 artistes invités pour cette exposition collective donnent à voir les liens entre vêtement et identité en sillonnant les continents. De l’habit des femmes zapotèques au Mexique à celui des Drag Queens à New York, on voit comment le vêtement peut être tout autant instrument de désir, d’émancipation, de revendication… que vecteur de normes plus ou moins restrictives pour les personnes qui le portent.
Sommaire
- Le vêtement, marqueur puissant
- Blood orange, Liza Ambrossio
- Sous les jupes, Robin Block de Friberg
- Spirituals Fabrics, Delphine Blast et Bruno Cattani
- Land of Ibeji, la mythologie autour des jumeaux de Bénedicte Kurzen et Sanne De Wilde
- Anima, Mathieu Richer Mamousse
- Hors les murs, Fragiles de Tendance Floue
Le vêtement, marqueur puissant
Le genre, le statut social, l’âge ou bien le lieu de vie se reflètent dans les manières de s’habiller et dans les choix plus ou moins libres des vêtements et accessoires que l’on arbore. L’habit peut être tantôt utilisé comme costume, instrument de travestissement ou de mise en scène, ou comme prolongation et reflet d’une nature profonde, d’une personnalité singulière. Objet autant fonctionnel qu’accessoire, il alimente et dessine les contours d’identités individuelles et collectives.
Sous la direction de Florent Basiletti, l’exposition collective Dress Code invite une quarantaine d’artistes internationaux à livrer leurs regards singuliers sur la relation entre habit et construction identitaire à travers différents territoires. Le programme s’inscrit parfaitement dans la perspective de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, celle de l’ouverture à des regards photographiques nouveaux issus de contextes internationaux divers et traversés par des disciplines variées. On y trouve entre autres les travaux de Liza Ambrossio, de Delphine Blast et Bruno Cattani, ou encore de Robin Block de Friberg.
Blood orange, Liza Ambrossio
Après de nombreuses résidences et prix obtenus entre la France, l’Espagne et le Mexique, Liza Ambrossio investit la fondation Manuel Rivera-Ortiz et y propose son nouveau travail, au nom évocateur : « Blood orange », ou orange sanguine. À l’image de l’artiste transdisciplinaire, l’exposition mêle performance, intervention dans l’espace et installations. Certaines photographies renvoient aux registres de la sorcellerie, de la légende et de la mythologie, auxquels la photographe est particulièrement attachée.
Portrait intime et collectif de vies qui traverse des structures patriarcales et qui tentent de s’en émanciper, l’exposition épouse le registre et le langage du rituel, de l’exorcisation des émotions, et dévoile la liberté, la solitude, le destin, le changement sous des angles inattendus.
Les aspects contradictoires et parfois antagoniques des émotions sont explorés par la photo-performance de l’artiste. Sur l’une des photographies, une main fine et élégante revêt des griffes orange formées par des pâtes de homards ; ce qui pourrait s’apparenter à une installation burlesque révèle une ombre monstrueuse.
Sous les jupes, Robin Block de Friberg
Avec sa série photographique « Sous les jupes », Robin Block de Friberg nous invite à réfléchir sur le consentement, la liberté de se montrer, de regarder, et de s’abstenir de l’un et/ou de l’autre. C’est au Japon que l’idée est venue à l’artiste de s’immiscer sous les jupes pour donner à voir le voyeurisme qui traverse nos sociétés actuelles — et particulièrement présent au Japon —, ses conséquences, ses aspects les plus violents et intrusifs.
Sans dessus dessous, ces photographies réussissent le pari de nous rendre curieux, parfois mal à l’aise, et de nous plonger dans les questions profondes du consentement et de ses nuances.
Spirituals Fabrics, Delphine Blast et Bruno Cattani
Spiritual Fabrics réunit les travaux en portrait-reportage de Delphine Blast, et les clichés de Bruno Cattani. Delphine Blast s’intéresse depuis plusieurs années à l’émancipation des femmes dans une Amérique latine en mutation. Dès 2016, elle propose des portraits studio des cholitas de Bolivie dans une démarche de mise en valeur des femmes, démarche qu’elle poursuit avec Fleurs de l’Isthme où elle propose des portraits colorés et festifs de la communauté des femmes zapotèques à Juchitán, Mexique. Sur fond fleuri, on peut s’attarder sur les riches détails des étoffes portées par les jeunes femmes mises en scène, symboles de leur énergie vitale et de leurs exubérances intérieures.
L’autre partie de l’exposition est consacrée à Bruno Cattani et à son travail nommé Vodoo, une série photographique réalisée au Bénin et au Togo en 2019. Le Vaudou, qui est la religion officielle du Bénin et son lieu d’origine, signifie « âme » ou « force » en Fon. Bien que diabolisées et mises à l’écart durant la période de colonisation européenne, les pratiques vaudous ont su se perpétuer à travers de nombreux rituels et cérémonies. Parmi ceux-ci, on retrouve dans les travaux de Bruno Cattani les rituels Egunguns, associés à des « fantômes vivants » provenant du Bénin, du Togo et de certaines parties du reste de l’Afrique de l’Ouest.
Land of Ibeji, la mythologie autour des jumeaux de Bénedicte Kurzen et Sanne De Wilde
Au premier étage de la Fondation MRO, le duo de photographes Bénedicte Kurzen et Sanne De Wilde explorent la mythologie autour des jumeaux au Nigéria. Il y aurait 4 fois plus de jumeaux en Afrique de l’Ouest que dans le reste du monde. Ce récit photographique, très visuel et esthétique, souhaite mettre en lumière la gémellité dans la culture yoruba, un groupe ethnique présent au Nigéria. Au-delà de l’apparence, les jumeaux sont souvent représentés comme figures mythologiques, avec une métaphore puissante. Dans leurs photographes, les deux artistes montrent la dualité de ces jumeaux, entre vénération et diabolisation.
C’est une photo de leur série qui illustre l’affiche de l’exposition collective Dress Code. La série Land of Ibeji est également présentée dans le numéro 7 de Revue Epic – dont l’équipe était présente durant la semaine d’ouverture – aux côtés d’Anima, de Mathieu Richer Mamousse, également exposé à la Fondation MRO durant Arles.
Anima, Mathieu Richer Mamousse
Photographe issu de la photographie de mode, Mathieu Richer Mamousse a réalisé un ensemble de reportages durant des manifestations de foi religieuses; où le vêtement revêt une place importante, comme marqueur social ou d’appartenance à des groupes et sociétés, que ce soit chez les chrétiens, bouddhistes, hindous, païens, animistes ou encore vaudous.
Hors les murs, Fragiles de Tendance Floue
L’exposition Fragiles du collectif Tendance Floue, soutenue par Fujifilm France, est également présentée à la Fondation MRO. Aboutissement de plusieurs années de travail du collectif, cette exposition, déjà présentée au festival de la photographie documentaire Image Singulières à Sète, rassemble un corpus photographique réalisé par 16 photographes de l’agence sur la notion de fragilité, qu’elle soit incarnée par la disparition de glaciers, les campements de migrants, les traces de l’exploitation minière ou bien encore l’usure des vêtements d’une femme âgée. L’exposition « dresse un panorama sensible d’interrogations sur un monde plus que jamais vulnérable et incertain » indique Tendance Floue.
Informations pratiques :
DRESS CODE à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz
Du 4 juillet au 25 septembre 2022
18 rue de la Calade, Arles
Tous les jours de 10h à 19h30
Tarif : 6 € (réduit 4 €), inclus dans le Pass Rencontres d’Arles