© Aissata Haidara

Interview de Aissata Haidara : jeunesse, mode et arrogance

Nous avons rencontré Aissata Haidara, jeune photographe autodidacte parisienne de 25 ans, dont la spécialité est de capturer de jeunes modèles dans des compositions aux couleurs soigneusement léchées. Interview.

Quand as-tu commencé à prendre des photos et avec quel matériel ?

Je fais de la photo depuis environ 5 ans. J’ai découvert ce « médium » un peu par hasard, alors qu’une amie m’avait prêté son appareil pour un week-end à la campagne. J’ai passé deux jours à bidouiller le boitier et l’objectif sans arriver au bout de toutes les possibilités offertes et je l’ai rendu, frustrée, à mon amie. La semaine suivante j’achetais mon premier réflex numérique. Cela a radicalement changé ma vision du monde : par exemple avant je ne regardais pas les détails ; tout autour de moi c’était toujours pareil. Maintenant je prête plus d’attention à ce qui m’entoure, mon champ de vision s’est élargi. L’objectif c’est un peu mon troisième oeil.

© Aissata Haidara

Pourrais-tu me présenter ton travail en quelques mots ? Que cherches-tu à transmettre ? Quels sont tes sujets de prédilection et pourquoi ?

J’ai tout de suite vu dans la photo le moyen d’expression qu’il me manquait, capable de saisir, pour l’éternité, la fraicheur de l’instant. C’est d’ailleurs mon ambition à travers mes photos : immortaliser l’éphémère. Et quoi de plus éphémère que la jeunesse ? Je shoote principalement de jeunes gens, j’aime leur arrogance, leur sensualité et leur sens du cool. La jeunesse est leur richesse et ils ont bien l’intention d’en profiter avant qu’elle ne passe.

Photographier des kids dans le vent, dans des postures désinvoltes voire sensuelles, est aussi pour moi une façon d’offrir un contrepoint réjouissant aux images sinistres dont les médias et les réseaux sociaux nous affligent au quotidien. Ce n’est pas parce que tout va mal qu’il faut renoncer à s’amuser, devenir sérieux. J’aime photographier cette frénésie, j’aime les gens qui dansent au bord du vide.

© Aissata Haidara

En fait, ton travail traite de tous les thèmes qui fascinent dans notre société de consommation: jeunesse, richesse, etc…

On peut dire cela comme ça mais je ne me considère pas comme une photographe de la société de consommation ; ce n’est pas dans ce sens là. Je peux très bien prendre en photo quelqu’un de nu et il peut être très « arrogant » alors qu’il n’a rien sur soi. Je ne parle pas des signes extérieurs de richesse, mais de richesse intérieure. Ce sont les gens et ce qu’ils ont d’atypique qui m’intéressent.

Tu vois par exemple le modèle type : grand, métis, cheveux bouclés, moi ça ne m’intéresse pas. On voit ce genre de profils partout. Ce qui m’intéresse, et ce que j’appelle « richesse » c’est la différence. Ce qui fait qu’une personne est différente. J’adore l’humain, je dirais même qu’il me fascine. Le monde extérieur me sert de cadre, de détails, mais mon sujet principal est toujours le modèle. Je fais très peu, voire quasiment pas, de photos de paysages ou en tout cas dépourvus d’être humains.

© Aissata Haidara
© Aissata Haidara

De quelle façon perçois-tu la photographie ?

La photographie, et plus particulièrement la photographie de mode qui est ma spécialité, est pour moi un thermomètre de la société, de ses évolutions, au même titre que les journaux télévisés. Je ne vois pas pourquoi il serait moins valable.

Comment procèdes-tu habituellement ? Es-tu une adepte de l’instantané ou de la mise en scène ?

Mes modèles sont laissés assez libre, donc dans cette optique, je ne fais pas de mise en scène. Mais pour être honnête je pense que dans toute photo il y a mise en scène. La mise en scène c’est le cadre que tu donnes à ta photo, c’est l’angle.

© Aissata Haidara

Préfères-tu travailler dans une logique de série photographique (ce qui est plus pratique pour raconter une histoire) ou plutôt des images individuelles ?

J’ai quelques photos isolées qui trainent mais je travaille surtout en série ; elles me permettent d’en dire plus sur un sujet qu’une photo isolée.

Comment décides-tu si une photo est bonne ou mauvaise ?

Je sais qu’une photo est bonne quand elle révèle quelque chose de mon modèle, une faille, une hésitation, une beauté insoupçonnée, et que cette révélation révèle elle-même quelque chose de plus grand qui parle au spectateur, quelque chose dans quoi il se reconnait, quelque chose qui l’attire ou le repousse au contraire.

Bref, je n’aime pas laisser indifférent ! Pour moi tout le monde est beau. C’est le travail du photographe que de révéler cette beauté. C’est un peu comme offrir son regard.

© Aissata Haidara

Tes projets pour plus tard ?

J’aimerais bien créer mes propres décors. En fait je suis fan de fantastique et de mythes, et j’aurais comme ambition de les réactualiser ; par exemple les vampires, les elfes, les fées, renvoyer à travers des décors et des tenues à ces figures là. Bien évidemment transposées dans le monde contemporain.

© Aissata Haidara

Aurais-tu des conseils à donner à ceux qui débutent en photo ?

Mon conseil à un débutant, ce serait de photographier les images qu’il voudrait voir. D’essayer de révéler ce qui, selon lui, est trop peu visible et mériterait de l’être davantage. Et de foncer, sans se soucier de ce qu’en pensent les autres. La photographie est un des arts les plus accessibles sur le plan financier, il n’y a donc pas de raison de ne pas essayer !

Merci à Aissata Haidara d’avoir répondu à nos questions. Vous pouvez découvrir l’ensemble de son travail sur son site.