Deuxième volet du road trip de Léo Coulongeat, qui a commencé en septembre 2017 son projet From Desert à travers le monde.
Après un premier carnet en Egypte et en Jordanie, Léo partage avec nous, à son retour d’Iran, la route des Caravansérails.
Les nuits sont tellement profondes dans les déserts d’Iran qu’on peut se perdre dans les chemins étoilés.
Adage Iranien
Mon deuxième carnet de voyage traverse la route de la soie dans un slalom d’oasis, de déserts et de traditions.
Chassez votre vision d’Iran tyran. Ce voyage s’évade des sentiers politiques vers mille et une nuits de culture, de plaines arides et de paysages perdus.
Sommaire
Dasht-e Kavir
La rencontre du premier désert se fait près de Kashan : capitale de la rose qui inonde la ville jusqu’aux saveurs de ses tasses de thé.
Sur le chemin nous passons devant une caserne militaire fabriquant des missiles, le guide ne retient pas ses blagues : « it’s for the American ».
Nous croisons sur la “route” plusieurs camions transportant du sel annonçant la destination finale : un des nombreux lac asséchés du pays.
Je rencontre Rohab.
Ce trentenaire a passé 4 ans de sa vie à organiser des raves-parties pour la jeunesse dorée de Téhéran dans le désert du Kavir. Il y a 2 ans, il raconte à visage découvert ses activités aux journalistes de France 2 ce qui lui a valu 1 an de prison.
Depuis sa sortie il travaille à la rénovation d’une superbe guest house et restreint ses libertés à des soirées en petit comité un peu plus loin dans le désert.
Il me racontera un soir l’histoire du déluge de Mesr : il y a 39 ans, de nombreux bergers peuplaient les contours du désert. Un jour, ils aperçurent une imposante masse nuageuse arrivant au-dessus des montagnes.
Éclairs dans le désert
Quelques minutes plus tard, un déluge biblique s’abat sur eux. Des quantités d’eau monstrueuses dévalent les montagnes sous forme de puissantes rivières en raflant tout sur son passage : maisons, chèvres, bergers, enfants …
Son histoire serait-elle une métaphore de la révolution iranienne à la même période?
Aux alentours de Yazd, ville de la soie au milieu du désert, je rencontre Ramin. Italo-iranien, pilote de ligne, polyglotte de 50 ans. Il m’embarque quelques jours pour un roadtrip dans sa Chevrolet Blazer K5 importé des États-Unis par son père il y a 40 ans.
Dasht-e Lut
Après plus de 1000km parcourus j’arrive enfin au Dasht-e Lut, le désert du vide.
Ce désert regorge de montagnes, de dunes et de formations géologiques différentes de ce que j’ai pu voir dans les autres déserts jusqu’à présent.
Nous passons la nuit dans la “Dolphin Valley” qui tient son nom plutôt ridicule à ses roches longitudinales qui plongent dans le sol et qui émerveillent au lever du soleil.
Après 2h de tout-terrain à écouter des envolées lyriques d’un chanteur Perse, nous arrivons à une rivière salée. Au-dessus se trouve le plateau de Gandom Beriyan, plaine noire tapissée de roche volcanique où a été enregistrée la température du sol la plus chaude sur terre : 70,7°C. Vous avez 1 minute avant que vos tongues ne fondent.
Autre info bronzage : la plus haute température de l’air a elle été mesurée dans la Vallée de la Mort avec 56,7°C (pour les puristes il s’agit d’une température réelle et non ressentie qui ne prend pas en compte le vent et le rayonnement du soleil, merci Jamy).
L’autre découverte est les formations rocheuses qu’on appelle Kaluts. Couloirs de roche creusée par le vent, ces superbes paysages sont malheureusement souillés par les dizaines de 4×4 qui sillonnent les dunes chaque jour.
J’y voyage avec le gérant d’un eco-lodge qui rythme notre visite par des arrêts pour ramasser les quelques déchets plutôt que de s’amuser à envoyer son bolide sur la plus haute dune, ma conscience est rassurée.
Parenthèse Sunnite sur l’île de Qeshm
Lieu peu touristique, cette île étrange aux moeurs différentes regorge de particularités géologiques intéressantes et d’une étonnante richesse animale : gazelles, petits dragons des Comores, tortues et dauphins.
La simplicité des habitants et leur mode de vie ne laissent en rien imaginer que nous sommes à 3 heures de bateau de Dubaï.
Ma plus passionnante découverte fut les bateaux traditionnels “Lenj” qui peuplent la surface et les profondeurs marines et sont une des pépites du savoir-faire du golfe persique.
Salars
Partout dans le monde on rencontre des lacs salés dans les déserts. Le sel provient de l’écoulement de l’eau sur les roches chargées en minéraux.
Jeunesse Iranienne
Je découvre le mode de vie caché de la jeunesse iranienne lorsqu’on m’accueille dans une famille d’Ispahan.
Ils répondent à chacune de mes questions par « mais toi tu fais bien comme ça? » pour m’expliquer de manière naturelle qu’ils vivent à l’occidentale mais en bravant un grand nombre d’interdits : réseau sociaux, médias satiriques, alcool, voyage, éloignement de la religion, art, luxure…
Souvent libéré de mon appareil en soirée je ne peux que vous évoquer ce moment passé avec Javad.
Six personnes entassées dans une Peugeot, musique berlinoise, néons de banlieue, route sans signalisation : je suis persuadé que nous allons vers une friche industrielle. Nous passerons en fait la soirée dans un jardin privé autour de cognassiers à déguster des brochettes au barbecue et l’alcool distillé par Mohamed.
L’Iran et la photographie
En dehors des déserts, l’Iran m’intriguait par la place qu’occupe la photographie dans ce pays au régime dictatorial où la plupart des arts non traditionnels y sont interdits.
La photographie est « un moyen d’expression et de contournement qui véhicule l’espoir », explique Anahita Ghabaian qui réussit à ouvrir la première galerie photo du pays.
Malgré des expositions contrôlées par le ministère de la guidance islamique, elle réussit son pari en popularisant le travail de nombreux artistes iraniens comme celui de Shadi Ghadirian. Depuis, plusieurs galeries ont ouvert leurs portes à Téhéran.
Aujourd’hui moins menacée par un gouvernement progressiste, la photo est l’un des rares arts possédant une certaine impunité, les artistes pouvant notamment partager leurs travaux sur instagram, un des seuls réseau social autorisé.
Dans les hauts lieux graphiques des villes on croise beaucoup d’appareils numériques brandis sans complexe par les étudiants qui s’y déplacent en arborant des tenues traditionnelles.
Les jeunes m’expliquent qu’à défaut de pouvoir jouer de la musique et de danser, la photographie est un moyen d’expression pour eux. C’est dans ces situations que je me pose des questions sur le sens de mes clichés, et sur ceux de ma voisine de palier Française qui poste un selfie par jour.
Les photographes iraniens (et en particulier les femmes) percent depuis quelques années vers les grands événements photographiques comme l’été dernier aux rencontres d’Arles avec Newsha Tavakolian de l’agence Magnum, Shadi Ghadirian et 64 autres photographes iraniens.
Si l’expression photographique iranienne vous intéresse, filez voir ces minis séries produits par Arte : #NoFilter
Je ne pouvais vous laisser sans vous parler du thé en Iran #passionthé
Leur consommation est essentiellement du thé vert sans menthe ni épices ajoutées. La première particularité est le contenant et le service : de l’eau chauffe dans une première grande théière et le thé infuse dans une plus petite posée sur cette première. Dans un verre, on sert un peu de thé très infusé de la petite théière et on complète avec de l’eau chaude de la grande.
Autre coutume étonnante : le thé n’est jamais sucré, la dégustation consiste à mettre un petit morceau de sucre solide dans sa bouche puis de boire une gorgé.
Lumière psychédélique, air sec électrique narcotique. Le désert me stimule, m’excite, m’aiguillonne ; je ne me sens nullement tenté de dormir ou de me reposer en des rêves occultes, je ressens plutôt l’effet, qui aiguise et augmente la vision, le toucher, l’ouïe, le goût et l’odorat.
Désert solitaire – Edward Abbey
Vous pouvez retrouver la série photo Caravanserai ici.