Aujourd’hui nous donnons la parole à Thomas Chauvin, qui concrétise le projet d’auto-édition de son livre So Small dont nous vous avions parlé fin 2016.
Thomas revient sur son expérience en tant qu’autoéditeur et les différentes étapes qui sont nécessaires à la confection d’un livre photo. Un article à retrouver également sur son site.
L’auto-édition de son propre livre est très certainement un rêve pour de nombreux photographes. Et un véritable parcours du combattant ! J’ai voulu tenter l’aventure car je pensais avoir la matière nécessaire avec ma série So Small.
So Small est le résultat de deux ans d’errance au milieu des bâtiments de La Défense et est une vision de la solitude de l’Homme au cœur de ce quartier. L’Humain se retrouve un peu perdu dans des espaces pourtant aménagés pour lui mais peu accueillants. Au milieu de ces bâtiments de plusieurs dizaines d’étages l’Homme se sent bien seul, écrasé parfois par la masse de béton et de verre qui se dresse au-dessus de lui.
Ce projet photographique a duré plus de deux ans et je voulais faire quelques choses des nombreuses photos obtenues. Je voulais donc partager avec vous ma démarche et peut-être que cela vous donnera des idées à certains d’entre vous.
Sommaire
Un gros travail d’éditing avant tout
Il a fallu dans un premier temps regrouper toutes ces photos faites à différentes périodes puis réaliser le travail d’éditing, un travail relativement long et fastidieux mais sans lequel il est impossible d’avancer. En effet un livre n’est pas forcément un recueil de ses meilleures photographies mises bout à bout. Il s’agit de créer une certaine dynamique au fur et à mesure que l’on tourne les pages. Pour cela j’ai essayé de regrouper quelques photos entre elles et parfois j’ai été amené à mettre de côté des photos car elles n’avaient pas leur place dans ce que je voulais montrer au travers de ce livre.
Cette sélection s’est faite dans un premier temps sur Lightroom qui est idéal pour ce travail puisqu’il s’agit de sa fonction première de catalogueur. Il existe plusieurs logiciels sur le marché et chacun utilisera celui avec lequel il a le plus d’affinité. Ensuite j’ai réalisé des petits tirages pour ordonner les images les unes avec les autres. En effet, l’écran c’est bien mais pour bouger les photos et les arranger entre elles il n’y a rien de mieux que des tirages de lecture.
Au final c’est une cinquantaine de photos qui ont été retenues pour le livre et qui ont été développées.
Création de la maquette
À partir de cette étape cela a été une réelle découverte pour moi. En effet si faire des photos est devenu relativement naturel aujourd’hui il en est tout autrement pour la création de la maquette et la préparation des fichiers afin de répondre aux contraintes de l’imprimeur.
Étant co-éditeur du webzine Flash! je m’étais heureusement déjà un peu essayé au logiciel InDesign et pour la création de la maquette de So Small c’est naturellement vers ce logiciel que je me suis tourné. C’est un logiciel très utilisé dans le monde professionnel et je pensais dès le départ que cela allait me faire gagner du temps une fois le cahier des charges de l’imprimeur obtenu.
Cela s’est avéré payant puisque toutes les explications permettant de répondre à ce cahier des charges étaient faites pour InDesign en plus de XPress.
La prise en main de InDesign est très intuitive lorsqu’on est un utilisateur des produits d’Adobe et c’est donc naturellement que la maquette a pris forme puis a ensuite évolué en fonction des retours que j’ai pu avoir. Il est très important de s’entourer de personnes compétentes tout au fur et à mesure que le projet avance.
En ce qui me concerne j’ai eu la chance que deux amis, Daniel KERMANN et Fabrice JOUSSELIN, répondent présents et ils ont pu me conseiller tout au long de ce projet et leurs avis ont été précieux jusqu’à l’aboutissement du livre. En plus d’être des photographes talentueux, ils avaient une expérience dans le graphisme ainsi que dans l’édition et cette expérience a donc était la bienvenue. De mon côté, il s’agissait de mon premier livre et j’ai voulu m’entourer de personnes ayant le plus d’expérience possible.
Les discussions que l’on a pu avoir ont réellement permis de faire avancer le projet pour arriver jusqu’à la maquette finale.
Tout comme dans le choix des photos, j’ai voulu créer une certaine dynamique dans la lecture du livre. Je ne voulais pas que la lecture soit monotone avec une photo sur chaque page. J’ai donc passé au crible tous les livres de ma bibliothèque et je me suis ainsi inspiré des mises en page que je trouvais agréables.
Dans cet exercice je me suis également appuyé sur le livre de Gildas Lepetit-Castel Concevoir son livre photographique qui est très bien fait et qui permet d’appréhender, étape par étape, les différents points auxquels nous pouvons être confrontés.
La recherche de l’imprimeur
Je n’ai pas fait énormément de recherches en ce qui concerne l’imprimeur. En effet une amie photographe avait déjà mené un tel projet d’édition de livre et m’avait dit tout le bien qu’elle pensait de l’imprimerie Escourbiac. Après m’être rendu sur leur site, j’ai également pu me rendre compte que quelques livres de ma bibliothèque sortaient des presses de cette imprimerie.
J’ai ainsi pu me rendre compte de la qualité de leur travail. Il fallait maintenant voir les conditions que proposait l’imprimeur. Les premières prises de contact m’ont rapidement conforté dans mon choix. Ils ont toujours été à l’écoute de mes attentes et il a été possible de me rendre à leur bureau parisien qui est un véritable showroom afin de pouvoir définir le papier le plus adéquat à mon projet et également discuter des différentes finitions envisageables. Le plus dur étant toujours de trouver le bon compromis et de respecter le budget que je m’étais fixé…
C’est peut-être finalement la partie la plus difficile !
Comment récolter les fonds nécessaires pour concrétiser ce projet
Il ne faut pas se voiler la face : l’autoédition d’un livre coûte relativement cher même si on peut dire que cela commence à se démocratiser. Ces dernières années de nombreuses plateformes de vente de livre ont vu le jour. Elles peuvent permettre d’imprimer les livres à la demande et donc de n’imprimer que lorsqu’une vente est effective. Ces plateformes restent tout de même relativement chères si on parle de prix de revient. Son intérêt est qu’il n’est alors pas nécessaire d’avancer une grande somme d’argent.
Pour diminuer ce prix de revient il y a la solution de l’imprimeur avec une impression offset et donc une impression d’un plus grand volume de livres. Difficile d’imprimer moins de 100 exemplaires sur une presse offset aujourd’hui et je dirais même que pour pouvoir proposer un prix attractif la limite se trouve plutôt autour de 200 exemplaires.
L’inconvénient c’est le coût immédiat puisqu’il faut bel et bien passer commande d’un grand nombre de livres et il s’agit donc d’un investissement de plusieurs milliers d’euros.
Une solution qu’il faut envisager est de monter son projet et de passer par l’intermédiaire d’une plateforme de financement comme Ulule ou KissKissBankBank. C’est cette dernière que j’ai utilisée afin d’organiser une prévente du livre. Cela m’a permis de lever un peu plus de 3000 euros et donc de limiter les risques.
Personnellement j’ai été très agréablement surpris par la réussite de ce projet et j’en ai donc profité pour également améliorer les finitions du livre pour en faire un bel objet. Une centaine de livres a ainsi été prévendue. Soyons clair ce système de prévente ne m’a pas permis d’auto-financer le projet mais ce n’était pas non plus le but premier.
Cela m’a permis de réaliser un rêve pour un budget personnel raisonnable (aussi raisonnable que cela puisse être lorsqu’on parle de passion)
L’impression du livre
C’est l’étape où le livre prend réellement vie. C’est également la partie que je ne maîtrisais absolument pas.
Il s’agit d’un vrai métier et ce fut une très belle expérience que de me rendre à l’imprimerie pour assister à l’impression des diverses planches constituantes du livre. La machine permettant l’impression est une belle bête avec près de quinze mètres de long permettant d’imprimer recto verso en une seule passe. Pour mon “faible” nombre de tirages il n’a pas été utilisé cette méthode mais seulement la moitié de la machine car cela permettait de ne pas purger les deux machines mais une seule.
En effet mon livre étant constitué de photos en n&b uniquement il a été imprimé en bichromie afin d’éviter toute dominante. Contrairement aux idées reçues, l’impression en bichromie nécessite de devoir purger la chaîne d’impression ce qui entraîne des coûts supplémentaires par rapport à une impression en quadrichromie. Mais le résultat est superbe et correspond entièrement à mes attentes.
Une fois que les bons à rouler sont signés, les feuilles sont imprimées à une cadence incroyable et en deux petites heures toutes les planches du livre So Small étaient imprimées. Je ne peux que vous encourager à visionner la vidéo faite à l’occasion de l’impression.
Aujourd’hui les livres sont confectionnés et j’ai pu les réceptionner la semaine dernière. Il faut désormais les envoyer aux différents contributeurs de KissKissBankBank et commence également une nouvelle partie encore plus « commerciale » avec la nécessité de mettre en place une solution pour vendre les exemplaires encore disponibles. Mais ceci est une autre histoire…