Robin Santus a passé un an avec le Leica Q. Entre Californie et Japon, il partage dans ce test son avis sur ce boîtier plein format séduisant et compact.
Tous les fidèles lecteurs de Phototrend connaissent mon addiction à la visée télémétrique (Cf. Interview de Robin Santus, amateur d’appareils télémétriques) et lorsque Leica a lancé le Leica Q, cet appareil difficilement classable dans la gamme (ni vraiment un compact, car qualitativement très supérieur à un X2, ni vraiment un appareil à classer dans la catégorie des vrais « M »), je fus dans un premier temps un peu déconcerté à la fois par son prix de lancement de 3990€ (à tort ? J’y reviendrai …), par l’absence d’un « vrai » viseur optique et par le fait qu’il ne soit équipé que d’une focale fixe, un 28 mm de plus ! … Quelle étrange idée même si cela correspond à la focale des …iPhone !
Mon combo préféré étant constitué d’un Leica M9 sur lequel je laisse quasiment à demeure un Summilux-M 50mm f/1.4 asphérique qui est à mon avis, l’une des plus belles optiques du parc Leica, je cherchais avant de partir au Japon, un second boîtier, m’offrant une vue un peu plus large (dans le but de photographier des paysages ou de faire de la street photography) et il me semblait qu’un Fuji X100s trois fois moins cher devrait faire aussi bien.
Une rencontre au hasard avec Photo Suffren avait abouti au fait qu’un exemplaire devait m’être prêté pour le voyage. Puis finalement, je craquais pour un modèle d’occasion trouvé au dernier moment sur le site des aficionados de la marque Summilux.net d’autant plus que le modèle neuf était déjà en rupture de stock chez Leica !
Je ne vous ferai pas une analyse du boîtier comme vous avez pu la trouver dans la presse spécialisée, mais vais plutôt partager ma vision de photographe-utilisateur lors des voyages que j’ai pu faire avec ce Leica « Q ».
Sommaire
Découverte du boîtier
Première bonne surprise, le boîtier est vraiment bien fait et inspire la confiance. Solide (boîtier en alliage de magnésium) et surtout ergonomique, mais …ce n’est pas tout à fait la finition d’un « M » … Plus léger, avec une trappe sous la semelle en plastique (!) permettant néanmoins un accès aisé à la batterie et à la carte mémoire, au final plus pratique que la semelle à déverrouiller d’un « M » même si définitivement moins noble.
L’objectif est par contre « gros » comparativement à un objectif du système équivalent. Mais quel objectif ! Un 28 mm Asph ouvrant à f/1.7 et stabilisé ! Possédant de plus un ingénieux système de rotation permettant d’accéder à un mode macro, chose inconcevable avec un objectif « M » classique (même si des objectifs macro existent, mais nécessitent une mise en œuvre bien plus complexe).
Petit reproche immédiat, pas de système fileté sur le déclencheur, ne permettant donc pas d’y visser un déclencheur souple ou de le personnaliser avec un joli « soft release » … Mais on peut s’en passer.
Quant au capteur, il s’agit d’un capteur CMOS 24×36 de 24,2 Mpx… le même qui équipe le Leica M (type 240).
C’est à ce moment que je me dis que l’on peut avoir un Leica Q pour le simple prix d’un 2.0/28 mm M asphérique seul, avec de ce fait le boîtier offert … Petite « joke », car je le répète, le « Q » n’est pas qualitativement tout à fait le même produit.
Mise sous tension
Premier réflexe (sic), je mets l’œil au viseur. Et là, bonne surprise, malgré le fait qu’il ne soit pas optique, mais électronique, il est excellent ! (il s’agit d’un viseur LCD de 3,68 millions de points, soit 1280×960 px), large et lumineux, le meilleur n’ayant jamais été fabriqué sur aucun appareil.
Si l’appareil produit des fichiers natifs au format DNG avec son 28mm, il peut aussi générer automatiquement des JPG « cadrés » comme avec un 35 mm ou un 50 mm, avec une logique perte de définition (par défaut 24, 15 et 8 Mpx correspondants aux cadrages 28, 35 et 50 mm).
Un autre avantage, versus un « M », l’obturateur électronique peut monter au 1/16000e (1/2000e en mécanique) ! Si dans l’absolu, cette valeur ne permet pas grand-chose de plus qu’un 1/4000e (excepté en photographie scientifique, mais les Leica ne sont pas vraiment faits pour ça), elle permet surtout d’ouvrir le diaphragme à pleine ouverture même en plein soleil, sans l’ajout d’un filtre gris ! Et ça, c’est vraiment un plus pour moi …
Autonomie
Le Leica Q est équipé d’une batterie de 1200 mAh d’origine Panasonic. Lors de mes voyages, je n’ai rarement eu besoin de changer de batterie au cours de la journée. Je ne passe pas mon temps non plus à regarder les photographies que je viens de faire, juste un check de temps en temps pour vérifier que tout s’est bien passé…
Petit conseil pour l’achat d’une seconde batterie : prenez une Panasonic, cela semble être parfaitement la même et elle est 2 fois moins chère.
Le Leica Q à l’épreuve de la rue : « In the street »
Première chose qui saute aux yeux (ou plutôt aux oreilles) c’est son silence de fonctionnement ! Bien plus silencieux qu’un M9 ! Parfait pour la rue, l’intérieur d’un restaurant ou d’un temple…
Deuxième surprise et de taille : je pensais utiliser l’objectif du Q, de la même manière que j’utilise un objectif « M » c’est-à-dire en faisant le point manuellement voir le plus souvent, quand je suis dans la rue, en hyperfocale. Et bien rien de cela avec le « Q » ! Son AF est si rapide et précis que j’arrive même à photographier les gens que je croise à pleine ouverture et avec à l’arrivée, une mise au point parfaite.
Troisième point positif. Tout le monde sait qu’avec un Leica M équipé d’un 35 mm, il est aisé de faire des photos au 1/15eme de seconde à main levée. Avec le « Q » et grâce à son stabilisateur, une vitesse d’¼ de sec à main levée est parfaitement envisageable. Si de plus vous êtes à f/1.7, imaginez le gain en ISO vis-à-vis d’un reflex équipé d’un zoom ouvrant f/2.8 et nécessitant une vitesse d’au moins 1/60eme de seconde. Faites le calcul : si vous êtes en intérieur à 3200 ISO avec votre reflex, vous pouvez alors être à 100 ISO avec le Q pour faire la même photo avec les réglages ci-dessus. Dingue, non ? Et pourtant, refaites le calcul, vous verrez … Alors sachant que le Q monte facilement à 3200 ISO, je vous laisse fantasmer sur les possibilités offertes.
Quatrième point positif : avec la roue codeuse placée juste à côté du pouce que j’ai programmé en mode « correction d’exposition », je vais même changer ma façon de photographier. Plus besoin de passer par le mode manuel lorsque l’éclairage est difficile (contre-jour par exemple), je corrige directement en fonction de ce que je vois dans le viseur. Rapide, simple et efficace. Le mode « bracketing » en devient has-been …
Et pour le paysage alors ?
Évidemment, un capteur aussi défini, un objectif aussi piqué et une focale de 28 mm sont 3 atouts qui font du Leica Q un appareil idéal pour la photographie de paysage.
On regrettera juste l’absence de filetage sur le déclencheur afin d’équiper l’appareil d’un déclencheur souple pour réaliser des poses lentes. Alors la seule astuce que j’ai trouvée consiste à positionner l’appareil sur un support stable (je n’emmène jamais de pied avec moi et le plus souvent je cale l’appareil sur mon fourre-tout !) et de déclencher après avoir programmé le retardateur. Simple et efficace. Juste une remarque très importante : ne jamais mettre le stabilisateur d’image pendant une pose longue. Il aura tendance à s’activer sans cesse et finalement provoquera un léger…bougé !
Conclusion de ce test du Leica Q
Cet appareil, qui était destiné à seconder mon M9, est devenu mon boîtier principal, en particulier lors des voyages. Je réalise 75% de mes photos avec, car il est aussi à l’aise en ville qu’à la campagne et il offre des images de très grande qualité.
Au final, le Leica Q est un appareil performant avec son capteur 24 Mpx Full Frame, son AF de course, son viseur ultra-défini et son objectif qui ne trahi pas ses origines.
On pourrait juste lui reprocher son absence d’objectif interchangeable ou peut-être davantage encore le choix de cette focale de 28mm qui est quasi-rédhibitoire pour le portrait. Équipé d’un 35 mm avec une ouverture de diaphragme identique, voire d’un 2.0/40 mm comme sur le regretté Leica CL, il deviendrait un appareil encore plus universel.
Espérons que celui-ci soit déjà quelque part dans les cartons de l’usine Leica à Sölms…
Si vous êtes tentés, si vous avez des commentaires, n’hésitez pas à dialoguer avec moi dans les commentaires, je me ferai un grand plaisir à vous répondre … Et peut-être à bientôt lors d’une sortie ou d’un apéro Phototrend.
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