Le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM est un objectif hors-norme. Lancé début 2022, il n’est autre que le plus long téléobjectif pour hybrides plein format. Résolument conçu pour les professionnels de l’image, sa focale extrême le destine aux photographes d’animalier aux besoins très spécifiques, ainsi qu’aux agences de renseignement.
Nous avons eu l’opportunité de le prendre en main lors de la dernière édition du festival de Montier-en-Der. Voici nos premières impressions au sujet de ce super-téléobjectif pour hybrides moyen format.
Sommaire
La plus longue focale pour hybrides plein format
Au sein du parc optique pour hybrides plein format, le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM fait figure d’exception. En effet, il incarne la plus longue focale du marché pour hybrides plein format, toutes montures confondues.
Chez Sony, point de focale fixe plus lointaine que celle du Sony FE 600 mm f/4 GM OSS. La marque propose cependant son zoom FE 400-800 mm f/6,3-8 G OSS. Nikon, de son côté, ne va pas plus loin que le Nikkor Z 800 mm f/6,3 VR S. Mais la marque jaune et noire détient toujours le record de la plus longue focale avec Nikon ED Nikkor 1200-1700 mm f/5,6-8 P IF, une optique sans autofocus de 16 kg (!) commercialisée à partir de 1994 !
À l’instar du RF 800 mm f/5,6 L IS USM, lancé au même moment, cet objectif est pensé pour capturer avec le maximum de détails des sujets placés à très, très grande distance. Aussi, il se destine à la photographie animalière, aux ballets aériens, mais aussi (et surtout) aux agences de renseignement. En cela, rien d’extraordinaire à ce qu’il soit notamment exposé au salon Milipol.
La conception optique de ce téléobjectif est très intéressante à étudier. Il est basé sur un total de 26 lentilles réparties en 18 groupes. On peut ainsi remarquer que Canon a en fait repris la formule optique du RF 600 mm f/4 L IS USM, en lui ajoutant un groupe optique grossissant. Ce dernier a été conçu spécialement pour ces deux nouveaux téléobjectifs, avec une formule optique dédiée pour une qualité d’image maximale, indique Canon.
Notez que l’objectif est compatible avec les téléconvertisseurs 1,4x et 2x, pour une focale 1680 mm ou 2400 mm. Si vous l’utilisez sur un hybride APS-C (ou avec le mode idoine sur un hybride plein format), la focale maximale passe à… 3840 mm !
Sans surprise, l’objectif fait la part belle aux éléments spéciaux. Comptez une lentille Super UD, 2 lentilles en fluor et 3 lentilles ASC (Air Sphere Coating). Les lentilles reçoivent aussi un traitement Super Spectra pour réduire les artefacts parasites. L’ouverture maximale (presque) lumineuse à f/8 est assurée par un diaphragme de type circulaire à 9 lamelles. La distance minimale de MAP est très courte (pour une focale pareille) à 4,3 m.
Enfin, l’AF est assuré par une motorisation USM annulaire. L’objectif tire parti de la double-alimentation permise par la monture RF, afin d’offrir plus de couple au moteur AF. La stabilisation optique est de la partie (et heureusement), avec un gain maximal de 4 stops.
Pour en savoir plus sur cet objectif, n’hésitez pas à consulter l’article que nous avions rédigé à sa sortie.
Voici la liste des caractéristiques du Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM :
- focale : 1200 mm (équivalent 1920 mm en APS-C)
- objectif pour : capteur plein format
- ouverture max : f/8
- ouverture min : f/64
- angle de champ : 2,05°
- construction optique : 26 lentilles en 18 groupes dont une lentille Super UD, 2 lentilles en fluor et 3 lentilles ASC
- diaphragme : circulaire, 9 lamelles
- distance minimale de mise au point : 4,3 m
- stabilisation d’image : 4 stops
- tropicalisation : résistant aux projections d’eau et à la poussière
- grossissement max : 0,29x
- mise au point : motorisation USM annulaire
- diamètre du filtre : 52 mm
- dimensions : ø 168 x 537 mm (D x L)
- poids : 3340 g
- accessoires fournis : pare-soleil, bouchons avant et arrière
- monture compatible : Canon RF
- prix au lancement : 23 499 €
Ergonomie et prise en main du Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM
Se balader avec le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM est une expérience en soi. On ne passe pas forcément inaperçu avec un tel engin sur le dos.
Ainsi, le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM se distingue, bien évidemment, par son gabarit. L’objectif est très long et large. Comptez 53,7 cm de long et un diamètre maximal de 16,8 cm. À tel point qu’un boîtier comme l’EOS R5 Mark II “disparaît” derrière l’optique. Pour autant, il surprend par son poids, certes conséquent (3,34 kg)… mais étonnamment modéré compte tenu de la focale, c’est finalement assez proche des 3,09 kg du 600 mm f/4 de la marque.
À titre de comparaison, son prédécesseur, l’énorme objectif reflex Canon EF 1200 mm f/5,6 L IS USM, pesait la bagatelle de 16 kg et s’était, notamment, illustré en capturant les photos de Lady Di sur le yacht de Dodi Al Fayed en 1997. De même, il s’avère largement plus raisonnable que le Zeiss Apo Sonnar T* 1700mm f/4 et ses… 250 kg sur la balance.
En clair : Canon fait un grand appel du pied aux agences de presse et à certaines agences gouvernementales, en proposant un ratio focale/encombrement assez inédit. À tel point qu’on pourrait presque utiliser cette optique à main levée – à condition d’avoir une très bonne condition physique. Car sinon, un monopode ou un trépied restent obligatoires.
Par ailleurs, Canon indique avoir apporté un soin particulier à la construction de cet objectif. Sans surprise, il hérite de la finition blanche, qui a pour but de réfléchir les infrarouges et les UV et de limiter l’échauffement du châssis en plein soleil (et aussi de se faire remarquer). De même, l’objectif est pourvu de nombreux joints d’étanchéité et résiste à l’eau et à la poussière. Aussi, l’immense lentille frontale est traitée au fluor pour être nettoyée plus facilement. Du fait d’une lentille frontale immense, il dispose d’un tiroir pour filtres insérables 52 mm situé à l’arrière.
La bague de mise au point, très large, est accompagnée par la bague de contrôle commune à toutes les optiques RF. On dispose aussi d’un bouton SET paramétrable. Couplé à un commutateur dédié, il permet de mémoriser 2 presets de mise au point. Enfin, l’objectif est particulièrement généreux en matière de contrôles manuelles.
On dispose ainsi des commandes suivantes :
- Mode de stabilisation (1/2/3)
- Stabilisation On/Off
- Focus Preset
- Sélecteur de vitesse de mise au point (plus de vitesse ou plus de précision)
- AF/MF/PF (la position PF permettant d’appliquer un effet de flou pensé pour les vidéastes)
- Limiteur de mise au point (Full, 2,5-7 m, 7 m-infini)
Qualité d’image
Nous avons utilisé le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM sur un boîtier Canon EOS R5 Mark II, au capteur rétroéclairé et empilé de 45 Mpx.
N’hésitez pas à cliquer sur chaque image pour l’afficher en qualité optimale.
Nos photos ont été capturées sous une lumière assez faible. Ce qui, combiné à l’ouverture maximale à f/8, conduit le boîtier à monter un peu haut dans les ISO – d’autant qu’une vitesse d’obturation très rapide est indispensable pour obtenir des photos nettes.
À l’usage, ce téléobjectif 1200 mm est unique. En effet, l’angle de champ est extrêmement réduit (2,05° seulement). Aussi, il convient de viser soigneusement son sujet car sinon il sera tout simplement hors du cadre ! Si la capture de sujets statiques n’est déjà pas toujours évidente, l’exercice devient encore plus périlleux (ou plus « amusant » !) avec des sujets aux mouvements rapides. Un petit temps d’adaptation est donc nécessaire.
Mais il est certain que l’objectif permet d’observer des scènes (très) lointaines dans ses moindres détails. On comprend assez aisément pourquoi ce type de focale est autant prisé par les papparazzi ou les espions !
Au global, la qualité d’image du Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM est très correcte compte tenu de sa longueur focale. L’objectif offre une bonne sensation de piqué, au centre comme au bord de l’image.
Néanmoins, la restitution des détails les plus fins n’est pas aussi exceptionnelle qu’avec le Canon RF 400 mm f/2,8 L IS USM – dont la focale est bien plus courte il est vrai. Heureusement, les 45 Mpx du capteur de l’EOS R5 Mark II permettent de rogner dans ses clichés dans problème. Seule la gestion des très hautes sensibilité peut rendre les opérations plus complexes.
Du reste, la qualité d’image du Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM est plus élevée que celle du RF 600 mm f/4 L IS USM avec le téléconvertisseur 2x de Canon en monture RF.
En utilisant le RF 1200 mm avec le téléconvertisseur 2x, justement, les résultats sont plus inégaux. Oui, il est possible de capturer (plutôt facilement) des clichés impossible à obtenir avec un autre objectif.
Cependant, la sensation de netteté est plutôt en retrait, nos images accusant une certaine mollesse. La faute à une diffraction assez présente. En outre, le phénomène de brume atmosphérique peut être assez présent si le sujet est placé à très grande distance. Il faut dire également que l’ouverture maximale à f/16 ne facilite pas le travail…
Sans surprise, le diaphragme à 9 lamelles et la focale 1200 mm permet d’isoler totalement le sujet de son arrière-plan. Ce dernier est totalement gommé. Heureusement, les transitions sont encore relativement souples.
Un autofocus très réactif
Nous avons utilisé ce téléobjectif avec le Canon EOS R5 Mark II, qui dispose des dernières optimisations de la marque en matière d’autofocus. Et sur le terrain, le niveau de performances est particulièrement élevé.
Bien sûr, comme indiqué plus haut, l’emploi de cet objectif est très particulier – ce qui se vérifie (aussi) côté AF. Ainsi, il convient de bien connaître les modes proposés par le boîtier afin de tirer pleinement parti de l’objectif. Heureusement, ce dernier dispose d’une motorisation USM annulaire très puissante.
Ainsi, sur le terrain, la mise au point est instantanée. À tel point que le passage d’un sujet très proche/lointain est fulgurant ! De même, les modes de détection/suivi des sujets sont très performants. Les oiseaux sont impeccablement détectés par le boîtier, quelle que soit leur taille dans le cadre.
Nous avons seulement rencontré des difficultés avec des oiseaux de très petite taille, volant devant un arrière-plan très touffu – et, dans certains cas, avec le téléconvertisseur 2x, qui réduit l’ouverture maximale à f/16.
Enfin, le suivi du sujet est particulièrement convainquant. Même avec des volatiles aux mouvements rapides/aléatoires, l’AF s’est montré d’une grande fiabilité. La seule (énorme) contrainte vient davantage du gabarit de l’objectif, qui ne permet pas de changer très facilement son cadrage…
Cerise sur le gâteau, la stabilisation se montre assez performante, et réussit à lisser parfaitement les mouvements parasites du photographe. Nous avons réussi à descendre à 1/125 s seulement – pour un gain de 3 stops environ. On est donc assez proche des 4 stops annoncés par Canon. Pour autant, pour obtenir des images (vraiment) nettes, une vitesse d’obturation de 1/1000 s est le minimum syndical !
Retrouvez ci-dessous une sélection de photos capturées avec le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM :
Prix et disponibilité du Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM
Le téléobjectif Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM est disponible au tarif de 19 999 € – soit 3400 € de moins par rapport à son lancement. C’est toujours ça de gagné.
À titre de comparaison, le Canon RF 600 mm f/4 L IS USM s’affiche à 14 599 €, et le doubleur RF 2x est proposé à 709 €. Certes, la qualité d’image obtenue est moins élevée, mais si vous n’avez pas souvent besoin d’une focale aussi extrême, ce choix peut être intéressant.
Il n’en reste pas moins que Canon fait payer (très) cher ses prestations. Car les plus longues focales de Nikon et Sony sont moins onéreuses : le Nikkor Z 800 mm f/6,3 VR S s’affiche à 7299 €, tandis que le Sony FE 600 mm f/4 GM OSS est vendu 13 990 €. Certes, ni l’un, ni l’autre ne peuvent rivaliser en termes de longueur focale, mais la comparaison peut faire réfléchir…
Vous pouvez retrouver le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM chez Digit-Photo, MN Photo Vidéo, Camara, Photo-Univers, IPLN et à la Fnac.
Notre avis sur le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM
Indubitablement, le Canon RF 1200 mm f/8 L IS USM est un outil de spécialiste. Avec sa focale extrême, il permet d’immortaliser des scènes se déroulant à plusieurs centaines de mètres (voire kilomètres) de distance. Sans surprise, une telle focale demande un temps d’adaptation, tant en termes de cadrage que d’autofocus.
Sur le terrain, il offre une bonne qualité d’image, et permet d’observer les moindres détails du sujet. D’autant que sa qualité d’image est supérieure à celle obtenue avec le RF 600 mm couplé au téléconvertisseur RF 2x.
Pour autant, l’ouverture maximale à f/8 amène à monter bien haut dans les ISO – et une vitesse d’obturation très rapide est indispensable pour obtenir des images nettes, malgré l’efficacité de la stabilisation.
Les choses sont plus complexes en utilisant le téléconvertisseur RF 2x. En effet, l’ouverture maximale passe à f/16. La diffraction, couplée à la brume atmosphérique, confèrent une certaine mollesse à l’image. L’autofocus, jusqu’ici très efficace, est un peu moins précis.
Néanmoins, cet objectif est le seul du marché à proposer une focale aussi lointaine, une bonne qualité d’image et un AF réactif, tout en étant suffisamment facile à transporter et à utiliser. De ce point de vue, la prouesse de Canon est bien réelle, mais vient avec un coût certain.
