Au Japon, on ne photographie pas, on « copie la vérité » (shashin)

Le mot « photographie » et ses déclinaisons sont couramment utilisés dans de nombreux langues et pays À tel point que l’on pourrait croire qu’il est le seul terme pour décrire un cliché. Néanmoins, de nombreuses langues qui ne sont ni dérivées du grec ni du latin utilisent des termes différents. Le japonais en est un exemple frappant, où le terme et sa racine sont assez éloignés du propos original. Une manière de nous éclairer sur la vision d’une culture différente.

étymologie photographie japon
© Damien Roué

Nous étions au Japon il y a peu à l’occasion du CP+ et nous nous sommes interrogés sur les origines étymologiques de la photographie dans l’archipel. Mais pour commencer, voici un peu d’histoire. Dans nos contrées, l’emploi du mot photographie remonte au début des années 1830. Puis, il a été vraiment imposé et popularisé par John Herschel, astronome britannique et pionnier de la pratique, à partir de 1839.

En Occident, on « peint avec la lumière »

Étymologiquement, le terme « photographier » vient du grec ancien. Il est composé du préfixe phôtós (φωτός) : « qui utilise ou qui vient de la lumière » et du suffixe gráphô (γράφω) : « peindre ou dessiner ». Ainsi, photographie, signifie littéralement « peindre avec la lumière. » Une définition assez poétique… mais qui fait davantage référence au phénomène physique ici à l’œuvre.

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© Damien Roué

Ailleurs dans le monde, dans certains pays ne partageant pas nos bases linguistiques, il a fallu trouver une signification et des termes différents. Qu’en est-il au Japon ?

Au Japon, on « copie la vérité »

Au pays du Soleil levant, qui est devenu LA grande nation des constructeurs photo, la photo se dit 写 真 (shashin).

How to pronounce 「shashin|しゃしん|写真」 Japanese vocabulary

Un terme dont la signification est très différente de celle employée le Vieux Continent. Si l’on devait simplifier, sha se réfère à l’acte de copier, de reproduire quelque chose et shin a trait à la vérité. Ainsi, au Japon, on ne photographie pas, « on copie la vérité« .

Une formule presque plus pragmatique, plus terre à terre que « peindre avec la lumière ». Là-bas, un photographe est ainsi un shashinka (写真家), un spécialiste de la photographie.

Notez que le terme shashin ne fut pas immédiatement adopté pour la photographie au Japon. En effet, avec l’apparition des premiers daguerréotypes, la photographie fut transcrite de manière littérale par le mot dagereotaipu.

Une expression issue du chinois

Cette expression nippone trouve ses sources dans le chinois. La photographie est en effet apparue en Chine en 1839, quelques années à peine après son invention en France. Dès les années 1850, des photographes européens créent des studios photo dans la colonie portugaise de Macao, popularisant la photographie en Chine.

Ainsi, en mandarin (simplifié), on retrouve les mêmes idéogrammes qu’en japonais, mais à la sonorité et au sens légèrement différents : 写 (xiě) et 真 (zhēn). Dans l’empire du Milieu, xiě, signifie écrire ou composer, quand zhēn, se réfère aussi à la vérité. Cela donne un sens assez proche du japonais, malgré certaines divergences.

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© Damien Roué

Mais attention, l’expression initiale ne se limite pas à la photographie. En effet, xiezhen décrit avant tout un concept fondamental dans la théorie de la peinture en Chine. Un concept qui trouve racine aux alentours des Ve et VIe siècle de notre ère. Ou comment l’étymologie d’un mot peut devenir une plongée vertigineuse dans l’histoire.