5 livres photo à ne pas manquer – octobre 2023

Chaque mois, Phototrend vous propose de découvrir les livres photo qui nous ont marqués. En ce mois d’octobre 2023, voici 5 nouveaux ouvrages que nous avons sélectionnés pour vous.

Ce mois-ci, notre sélection vous amène en Chine, à l’occasion de la monographie Erased de Bertrand Meunier. Ce sont ensuite les familles américaines du XXe siècle que font découvrir Omar Victor Diop et The Anonymous Project dans Being There. La famille est également le grand thème des portraits de Kate Barry dans My Own Space. La collection Photo Poche, elle, propose une large sélection de clichés ayant pour sujet le lit. Enfin, immersion atypique dans la profession de photographe avec la bande dessinée Hors Cadre de Simon Roure.

Bonne lecture.

Erased

Le projet Erased de Bertrand Meunier ne cesse de voyager dans des lieux prestigieux : du Musée Nicéphore Nièpce l’été dernier, il s’expose jusqu’à la fin de l’année au Musée de la Photographie de Bruxelles. La publication des éditions Atelier EXB nous permet de découvrir le travail de Bertrand Meunier n’importe où, n’importe quand, dans un ouvrage introduit par un texte de Pierre Haski – président de Reporters sans frontières.

La Chine, pays dans lequel l’auteur a pu observer au long cours les multiples changements sociétaux, est présentée au travers de 150 photographies noir et blanc

Photographe du réel mais pas de l’actualité et du spectacle, photographe aux noirs et blancs contrastés et texturés… sa démarche s’inscrit dans la grande lignée des documentaristes-artistes du XXe siècle, qui ont su saisir le monde contemporain avec conviction. Cette toute première monographie qui lui est consacrée nous permet notamment de découvrir sa série REC, consacrée à la société de surveillance qui s’installe en Chine et les manifestations de 2019-2020 à Hong Kong.

Erased de Betrand Meunier
Éditeur : Atelier EXB
47 €, 204 pages dont 146 reproductions noir et blanc, format relié, 20 x 28 cm
Acheter le livre : Atelier EXB / Fnac

Being There

Being There, résultat d’une collaboration entre Lee Shulman, fondateur et directeur artistique de The Anonymous Project, et Omar Victor Diop, autoportraitiste sénégalais, est un projet original et volontairement perturbant. Y sont réunies une cinquantaine de photographies vernaculaires prises dans les années 1950 et 1960 par des familles anonymes de la classe moyenne américaine WASP (White Anglo Saxon Protestant), où Omar Victor Diop fait effraction par la technique de l’incrustation photo.

Critiquant sur un ton humoristique cette Amérique encore ségrégationniste et entrant dans la guerre froide, cette série photographique se plonge pleinement dans le passé, y compris visuellement. En effet, l’esthétique de Kodak des clichés d’origine, emblématique des images de cette époque, prenait la blancheur pour modèle de référence au moment du tirage. Les cartes Shirley utilisées par la marque rendaient alors impossible une exposition correcte pour la peau noire. La démarche des auteurs est explicitée dans les premières pages, en français et en anglais : mettre en garde, à travers un format inédit, contre une nostalgie sélective.

Apparaissant comme un intrus dans toutes sortes de groupements de personnes blanches – familles, nageurs dans une piscine, jeunes diplômés, groupes d’amis… – , Omar Victor Diop affiche de grands sourires, un brin facétieux jouant de l’anachronisme tout en adoptant les codes vestimentaires et les loisirs mis en valeur à cette époque.

Being There, d’Omar Victor Diop x The Anonymous Project
Éditeur : Éditions Textuel
49 €, 112 pages, format relié, 29 x 27 cm
Acheter le livre : Éditions Textuel / Fnac

My Own Space

Avec My Own Space de Kate Barry, les éditions La Martinière publient un ouvrage pour accompagner l’exposition récente au Musée Nicéphore Niepce ; l’occasion de découvrir toutes les facettes de la photographe dans une monographie complète.

Il y a ses premières images, pour commencer, celles consacrées à sa famille proche. Jane Birkin, sa mère, Lou Doillon et Charlotte Gainsbourg, ses sœurs, toutes photographiées dans des noirs et blancs d’une poésie et d’une sincérité remarquables. De près, de loin, au naturel, dans des mises en scène, tantôt cheveux courts tantôt cheveux longs… les photographies intimes et familiales de Kate Barry se déclinent sous toutes les coutures, composant ainsi un immense portrait généalogique, au féminin.

Rapidement, on réalise à quel point l’œuvre de Kate Barry se démarque par les multiples approches qui composent sa démarche artistique, résolument personnelle. Photographe de mode, de portrait, de reportage ou de paysage avec, toujours, un sens aiguisé de la composition. Tout en mettant en lumière comme personne des stars comme Catherine Deneuve, Valeria Bruni-Tedeschi et Béatrice Dalle, elle effectue un reportage saisissant sur les salariés du marché professionnel de Rungis.

Et puis, en fin d’ouvrage, une série qui étonne : Dinard. Kate Barry s’affirme en photographe de paysage, assurément, avec ces images bretonnes empreintes d’une certaine mélancolie ; des images qu’on avait déjà pu découvrir dans un ouvrage co-signé avec l’écrivain Jean Rolin, Essai d’autobiographie immobilière.

My own space de Kate Barry
Éditeur : La Martinière
34,90 €, 256 pages, relié, 19 x 25,5 cm
Acheter le livre : Éditions La Martinière / Fnac

Photo Poche, Photographies au saut du lit

Dans son nouvel ouvrage Photographies au saut du lit, la collection Photo Poche propose une sélection d’une soixantaine de clichés avec un point commun, le lit. Ces images, systématiquement juxtaposées à des textes explicatifs, rendent public ce lieu central de nos existences, sujet de choix pour la photographie depuis ses débuts.

Espace privé par excellence, le lit constitue aussi, pour certains, les coulisses voire le théâtre d’engagements. Des femmes célèbres comme Marylin Monroe ou Frida Kahlo saisies dans leur lit, des lits défaits ou encore des couples côtoient des autoportraits en Méduse, des infirmières en hôpital militaire et des blessés de guerre, des femmes et enfants goûtant le repos après avoir été éloignés du père violent, ou encore des individus jouant collectivement avec les codes de la féminité.

En effet, l’optique des artistes, essentiellement femmes, est bien souvent militante, d’Alice Austen suggérant le lesbianisme dans une photo prise dès la fin du XIXe siècle, à Abigail Heyman qui photographia son propre avortement, illégal, en passant par les personnes queer noires mises en lumière par Zanele Muholi. À la diversité des artistes répond une diversité des approches du sujet, dont ce Photo Poche donne un aperçu précis.

Photographies au saut du lit de Clara Bouveresse
Éditeur : Actes Sud, collection Photo Poche
13,90 €, 144 pages, format broché, 12,5 x 19 cm
Acheter le livre : Actes Sud / Fnac

Hors cadre

La bande dessinée Hors cadre de Simon Roure, invite le lecteur à partager le quotidien d’un photographe qui va de client en client et capture des scènes surréalistes, comme un nouveau-né dans un landau à moitié écrasé par un frigidaire ou une photo de classe à quatre.

L’ouvrage est divisé en un certain nombre de courts chapitres, chacun portant sur le contexte d’une prise de photos. Systématiquement absurdes, les dialogues ont toutefois une forme de lucidité, renvoyant à la précarité du métier de photographe, au regard dévalorisant de la société sur cette profession, aux temps de pose qui n’en finissent pas…

La couleur bleue domine dans les cases, tandis que les clichés – fictifs – du photographe sont en noir et blanc mais dans le même style graphique. Les photos ainsi présentées n’ont rien à envier au nonsense des dialogues, notamment avec une photo de mariage mettant bien plus en avant un chien sautant sur un congénère que les mariés, relégués à l’arrière-plan. « Hors cadre », ce livre l’est à coup sûr.

Hors cadre de Simon Roure
Éditeur : Vraoum
15 €, 80 pages, format broché, 16,8 x 23 cm
Acheter le livre : Cultura / Fnac