Les Rencontres Photographiques du 10e à Paris : de retour pour une 10e édition

Les Rencontres Photographiques du 10ème, organisées depuis 2005 par la Mairie du 10ème et la bibliothèque du Château d’eau, reviennent du 28 septembre au 28 octobre 2023 sous forme de balade urbaine à travers différents lieux de l’arrondissement.

Reines du Ring – @ Théo Saffroy

Mettre en scène la photographie émergente

La biennale de photographie du 10ème arrondissement a pour ambition de révéler des photographes émergents et professionnels en exposant leurs travaux au cœur du quotidien des habitants : dans les espaces publics, dans les lieux traversés tous les jours par les travailleurs et les visiteurs. L’art s’invite ainsi dans la vie urbaine tout en la mettant en scène.

La Mairie, les grilles de jardin deviennent les pupitres de la nouvelle scène photographique. Pour s’orienter à travers la balade des rencontres photographiques, le visiteur a à sa disposition une carte de hotspots à explorer : 6 zones qui réunissent lieux historiques et nouveaux espaces de l’arrondissement. Cette année, la biennale réunit près de 30 évènements et expositions et 60 artistes exposées.

Le collectif Fetart est à la direction de la biennale et en assure le commissariat. Créateur du festival Circulation(s), lui aussi dédié à la photographie émergente mais spécifiquement européenne, le collectif réunit 9 commissaires d’exposition indépendants à la recherche de nouveaux talents.

Focus sur les lauréats de l’édition 2023

Les 8 lauréats de l’édition, exposés collectivement au sein de la Mairie du 10e arrondissement, capturent leur société avec un regard critique et transperçant.

Adrien Selbert, dans son travail les bords réels, regarde la Bosnie actuelle et en révèle les cicatrices post-conflits, 25 ans après la fin de la guerre.

Wild Zone © Anthony Voisin

Le deuxième lauréat, Anthony Voisin, propose Wild Zone, un ensemble de mémoires individuelles et collectives mis en boîte des années 1930 aux années 2000. Cette série nous montre en quoi les souvenirs familiaux et les « petites histoires » sont parfois celles qui en disent le plus sur une époque.

Bastien Deschamps nous emmène quant à lui au cœur de la géopolitique des migrations, avec sa série Evros. Dans la zone transfrontalière de l’Evros, entre Grèce et Turquie, on plonge dans la violence des politiques migratoires et du quotidien des migrants souhaitant rejoindre l’Europe.

Evros © Bastien Deschamps

Julien Bonnaire & Antoinette Giret compose un duo poétique à travers leur travail Le chant des lucioles qui donne leur heure de gloire aux « lucioles martiniquaises », ces âmes et corps queer invisibilisés dans une société de la norme.

Le chant des lucioles © Julien Bonnaire & Antoinette Giret

Juliette Alhmah propose un travail sur le deuil et la disparition, dans son sens propre et figuré. Avec une approche entre le documentaire et l’artistique, Salted Love nous renvoie à des expériences de rupture amoureuse et/ou de perte où l’image joue souvent un rôle très ambigu, entre objet de douleur et témoin d’une mémoire qui nous est chère.

Oleñka Carrasco aborde elle aussi la question de la disparition et du deuil, à travers son expérience traumatique lié à la mort de son père en 2020 au Venezuela, alors qu’elle n’y était déjà plus depuis 2015. Dans Maison prêtée pour un deuil, on voit une expérience personnelle mais également une réflexion plus globale sur les infrastructures de la mort en temps de crise, et les modalités du deuil en exil.

Rebecca Topakian, septième lauréate, livre une analyse touchante et imagée des troubles d’identité que génère l’histoire migratoire et les situations de double-nationalité. Française et Arménienne, elle met en lumière une expérience qui pourrait être partagée par beaucoup d’enfants de la migration. Sa série Double nationalité traite avec ironie cette situation floue et parfois paradoxale, entre deux pays, deux cultures et leurs attentes. Pour inscrire cette problématique dans son temps, la photographe lie cette question à celle des algorithmes des réseaux sociaux, qui peinent à la définir mathématiquement et à mettre bout à bout ses différentes identités.

Et enfin, Souleymane Bachir Diaw, avec Sutura, la voix silencieuse des hommes, tisse des liens étroits entre représentation sociale et vêtement, dans le contexte sénégalais. Il joue dans ses clichés avec les possibilités et les nuances cachées d’un vêtement qui semble recouvrir et uniformiser.

Double nationalité © Rebecca Topakian

Croiser les regards sur les enjeux contemporains

Les expositions dans leur ensemble abordent des thématiques diverses et variées. Les 6 hotspots proposés correspondent à des hubs urbains où les passages sont importants : La Chapelle, Lafayette — Magenta, Château d’eau — Lancry, Grange aux belles — Colonel Fabien, Canal Saint-Martin — Villemin et Alibert — Dieu.

Les artistes invités explorent différentes échelles du contemporain : de l’intime au politique, du micro-usage aux dynamiques collectives, de l’enfant à l’adulte. On est amené à questionner l’amour, la mémoire, la violence, l’identité, l’urbain et le rural, et bien d’autres thématiques en perpétuelle mutation. Les expositions collectives sont nombreuses et offrent un regard croisé foisonnant de l’art sur le réel et les constructions sociales.

Pour leur dixième anniversaire, de République à Strasbourg Saint-Denis, les Rencontres Photographiques du 10ème se saisissent ainsi de l’espace urbain et promettent de nous projeter dans des questionnements riches et complexes. Pour mettre les expositions en perspective et consolider une réflexion sur la photographie émergente, des visites guidées, projections et rencontres sont prévues dans le cadre de la biennale.

Informations pratiques :
Rencontres Photographiques du 10e
Paris – 10e arrondissement
Du 28 septembre au 28 octobre 2023
Différentes adresses dans le quartier
En savoir plus sur le site des Rencontres