Paul de Cordon : sur les traces d’une époque flamboyante

Le photographe Paul de Cordon (1908-1998) est exposé jusqu’au 6 décembre à la Galerie de l’Instant à Paris, en plein cœur du quartier du Marais. Retour sur le parcours de ce photographe et de ses travaux atypiques, au tournant des années 50, 60 et 70.

Françoise Hardy, 1963 © Paul de Cordon

Des corps, des sourires et des paillettes 

Photographe hors du commun, Paul de Cordon est surtout connu pour ses clichés monochromes dépeignant le quotidien des artistes du Crazy Horse et du cirque. Ses photographies entrent dans les coulisses des métiers de la scène, à une époque où ils incarnaient la magie de la renaissance sociale et économique : les Trente Glorieuses.

Photographe au parcours de vie singulier, de Toulouse à Paris, Paul de Cordon a été d’abord militaire, réalisateur, et même cascadeur. Il connait autant le monde de la discipline et de la règle que celui de l’art, de la représentation et de la libre expression. Derrière son objectif, il capture des vies entre la fin des années 50 et le début des années 70 : un moment historique de grands changements, de prolifération artistique et de boom économique. La richesse de son parcours lui permet de rendre compte de la complexité de cette époque pourtant si légère en apparence.

La légendaire Rita Renoir, la 1ère danseuse avec laquelle Alain Bernardin, fondateur du Crazy Horse, a monté son 1er numéro de nu, Crazy Horse, 1953 © Paul de Cordon

Derrière les projecteurs

La complicité entre le photographe et ses modèles ressort pleinement des œuvres où les regards ricanent et les corps se délient.  Paul de Cordon rencontre sur sa route la danseuse Rita Lenoir, Jacques Brel ou encore Françoise Hardy. Des artistes conteurs de leurs temps et narrateurs de vies ordinaires.

Jacques Brel, 1964 © Paul de Cordon

Outre ces figures célèbres, il donne à voir par son art les petites mains du monde de la scène, et pose sur eux un regard tendre et complice.

On devine par exemple dans les photographies les liens intenses que tissent les gens du cirque entre eux – mais aussi avec les animaux domptés. On entre par l’image dans ce monde si particulier et familial.

Le dompteur Manzano et les lions de Jeannette Mac Donald, Paris, 1952 © Paul de Cordon

Des archives familiales à la Galerie de l’Instant

Plus de 20 ans après la disparition de Paul de Cordon, Julia Gragnon, décide d’exposer ses travaux dans sa galerie parisienne, rue de Poitou. La Galerie de l’Instant s’habille donc des vêtements de scène capturés par le photographe, du 6 octobre au 6 décembre prochain.

C’est après une discussion avec Pierre-Elie de Pibrac, petit-fils de Paul de Cordon, que Julia Gragnon décide de dédier une exposition au travail prolifique de l’artiste, en sélectionnant une variété de clichés qui montrent l’étendue temporelle et thématique de son travail.

On y retrouve les fameuses photos du Crazy Horse, des gens du cirque, mais aussi des photographies de mode ou encore de tournages de film.

Lili Niagara, Crazy Horse pendant le tournage du film de Alessandro Blasetti « Nuit d’Europe », 1958 © Paul de Cordon

On traverse l’histoire à travers ces clichés et on sent les effluves et les sons de la vie parisienne des années 60-70. On perçoit également le moment charnière de la libération des corps avant et après mai 1968.

Coulisses du Crazy Horse, 1967 © Paul de Cordon

Cette traversée historique nous permet de repenser le corps et la nudité, dans les métiers de la scène et de manière plus globale. On s’interroge sur la dimension genrée du nu dans le spectacle, et sur l’évolution de la place du corps de la femme sur scène et à l’écran, entre libération et objectification.

Jeux de lumière conçus par Marcel Duchamp, Crazy Horse, 1966 © Paul de Cordon

Témoins d’une époque flamboyante, les clichés de De Cordon nous plongent dans un univers de paillettes, de boas et de lumières tamisées. Pour autant, ils ne manquent pas de nous mettre face à des questionnements essentiels sur la transformation des corps, de leur mise en représentation et de leur redéfinition à travers le temps.

On trouve dans la série présentée à la Galerie de l’Instant les prémisses de la libération des mœurs portée par la jeunesse des Trente Glorieuses, et on ressort de l’exposition emplis de la gaité et de la fraicheur des personnages historiques que l’on y a rencontré.  

Informations pratiques :
Paul de Cordon
La Galerie de l’Instant
Du 6 octobre au 6 décembre 2022
46, Rue De Poitou Paris 75003
Le lundi de 14h à 19h00, du mardi au samedi de 11h à 19h00, le dimanche de 14h30 à 18h30
Entrée libre