Chaque mois, Phototrend vous propose de découvrir les livres photo qui nous ont marqués. En ce mois de juillet 2022, voici une sélection spéciale Rencontres d’Arles avec 5 livres et catalogues d’exposition d’artistes présentés durant le festival photo jusqu’au 25 septembre prochain.
Ce mois-ci, la sélection de livres résonne avec les Rencontres de la Photographe d’Arles qui ont débuté le 4 juillet. Ainsi, on retrouve le projet un peu fou d’inventaire personnel de Barbara Iweins dans Katalog, l’ouvrage Une avant-garde féministe de Gabriele Schor offrant une curation de travaux de femmes photographes engagées pour une nouvelle représentation féminine dans les années 70, ou encore In India, le livre de Mitch Epstein qui offre une nouvelle lecture de ses archives d’Inde.
Enfin, le catalogue de l’exposition Un Monde à Guérir du Musée de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge ainsi que la première monographie française de Romain Urhausen complètent notre sélection. Bonne lecture et bon été.
Sommaire
Katalog
12 795. C’est le nombre d’objets photographiés par Barbara Iweins pour son projet Katalog, dont le livre est sorti aux éditions Delpire & Co. La photographe bruxelloise nous livre un essai photographique sous forme de thérapie, étape préliminaire à la méthode Marie Kondo pour désencombrer sa maison.
Sauf qu’ici, l’artiste réalise ce travail d’inventaire de l’ensemble des objets qui peuplent sa maison suite à son 11e déménagement, comme une façon de figer dans le temps ses possessions, jalons et repères d’une vie instable. « À présent tout peut s’écrouler, j’aurai toujours une trace de ces objets, une preuve que cette vie a existé » indique Barbara Iweins.
Chaque objet a été photographié méticuleusement puis classé par pièce de la maison. Au fil des pages, on découvre, non sans un certain voyeurisme, les éléments les plus intimes de la famille – Barbara Iweins est divorcée avec 3 enfants. De petites histoires courtes ponctuent le livre, aux côtés de statistiques issues d’Excel, présentant de manière chiffrée ses possessions. Miroir de notre société de consommation, ce livre montre également l’omniprésence du plastique : 37% des objets photographiés sont en plastique… et 56% des objets de la maison ne sont jamais utilisés.
Katalog, de Barbara Iweins
Éditeur : Delpire & Co
42 €, 360 pages, format relié 19 x 26 cm
Acheter le livre : Delpire / Fnac
Une avant-garde féministe
Les travaux de 64 femmes artistes des années 70 sont actuellement présentés aux Rencontres d’Arles 2022 dans le cadre de l’exposition « Une avant-garde féministe ». Celles-ci ont joué un rôle pionnier dans la lutte pour une nouvelle représentation féminine, en rejetant les projections traditionnelles, le sexisme, les inégalités sociales et les structures patriarcales des années 70.
Gabriele Schor, conservatrice et fondatrice de la collection Sammlung Verbund à Vienne, est commissaire de l’exposition et du catalogue compagnon, édité chez Delpire & Co. Le livre se divise en 5 thèmes, comme autant de grands sujets toujours d’actualité : femmes au foyer/mère/épouse, enfermement/émancipation, dictat de la beauté/corps féminin, sexualité féminine et enfin identité/jeu de rôle.
La diversité d’artistes présentées, sans aucun lien entre elles, contraste avec la parenté de certaines oeuvres, montrant l’importance du mouvement « avant-garde » dans les années 70 dans le domaine de l’art au féminin. Dans ce livre, on retrouve notamment les photos de Valie Export, Ana Mendieta, Birgit Jürgenssen, Lea Lublin, Martha Wilson, Marcella Campagnano, Renate Enseinegger, Lili Dujourie ou encore Francesca Woodman.
Une avant-garde féministe, photographies et performances des années 1970 de la Collection Verbund, de Gabriele Schor
Éditeur : Delpire & Co
62 €, 496 pages, format relié 27,5 x 24,5 cm
Acheter le livre : Delpire / Fnac
In India
A l’Abbaye de Montmajour, l’exposition de Mitch Epstein présente ses photos issues de huit voyages en Inde entre 1978 et 1989. La photo de l’affiche du festival, où des hommes chevauchent une moto, résume à elle seule l’ambiance du pays ces années-là.
Le livre In India, pensé en pleine pandémie et sorti en 2021 aux éditions Steidl, offre un nouveau regard sur les archives étendues du photographe américain, plus de 30 ans après. Ce livre succède à In Pursuit of India paru en 1987 chez Aperture.
Chaque image est un tableau, où les différents sujets s’arrangent, où l’harmonie émerge du chaos coloré des murs ou des vêtements. Mitch Epstein a notamment pu s’intégrer dans la culture indienne avec sa femme Mira Nair, réalisatrice et productrice de films indiens. Il en résulte un travail à la fois proche et lointain, dualité entre la culture familiale et l’observation d’un œil américain.
In India, de Mitch Epstein
Éditeur : Steidl
55 €, 144 pages, format relié en toile 28 x 31,5 cm
Acheter le livre : Fnac / Steidl
160 ans de photographie à travers les collections de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : un monde à guérir
Voici un livre photo qui nous dévoile des archives exceptionnelles du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Avec une exposition photo aux Rencontres d’Arles, ce catalogue d’exposition propose de revenir sur 160 ans de photographie au service de l’aide humanitaire. La photographie a, depuis 1850, accompagné la création de ces actions humanitaires, qui viennent en soutien aux populations victimes de guerre, mais aussi celles victimes d’épidémies, de catastrophes naturelles ou bien pour des actions sociales et d’hygiène public.
Le livre aborde la photographie humanitaire sous 3 thèmes : mobiliser, montrer et témoigner. L’image a depuis toujours été un vecteur dans la prise de conscience des horreurs de la guerre, et les premiers reporters, ramenant des images de la réalité sur le front, ont permis de mobiliser les opinions publiques face aux victimes. Très vite, la force narrative de l’image est mise à profit pour raconter des “récits fondateurs” des médecins venant en aide aux victimes.
Au fil du temps, la photographie est passée d’outil de communication à un outil de témoignage, avec la figure du photographe professionnel dépêché sur le terrain. L’agence Magnum Photos a notamment beaucoup collaboré avec le CICR. A la fin de ce livre, on peut toutefois noter que si la photographie est une tentative de dire les choses et de montrer, elle offre une vision fragmentaire de ce qui se passe sur le terrain. Il reste ainsi important de se poser des questions au-delà des images.
160 ans de photographie à travers les collections de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : un monde à guérir
Éditeur : Éditions Textuel
39 €, 240 pages, format broché 25,5 x 21 cm
Acheter le livre : Fnac / Cultura
Romain Urhausen
Le dernier livre de cette sélection spéciale Arles est la première monographie en français/anglais consacrée à Romain Urhausen, notamment ses photos réalisées dans les années 50 et 60. Photographe luxembourgeois, Urhausen est l’un des représentants du mouvement de la photographie subjective, fondé par Otto Steinert – dont il fût l’élève – qui ne souhaite pas reproduire la réalité mais seulement son interprétation picturale.
Pour autant, ses clichés se situent à la croisée de l’école française humaniste (Doisneau, Cartier-Bresson, Willy Ronis) et de l’école allemande subjective. Ses images du marché des Halles de Paris témoignent du rapport entre l’humain et son environnement, avec un regard singulier. Il a également photographié la cité sidérurgique d’Esch-sur-Alzette et ses paysages industriels, avec une série de portraits, mais aussi des photos en mouvement, avec de forts contrastes. Au cours des années, Romain Urhausen a été un grand adepte des techniques expérimentales de tirage : solarisation, contre noir et blanc élevé, tirage en tons inversés, etc. Ainsi, il livre une vision toute personnelle du quotidien dont il témoigne, notamment à Paris ou en Moselle.
Ce livre, qui accompagne l’exposition à l’espace Van Gogh à Arles, a été édité par Delpire & Co en collaboration avec le Centre national de l’audiovisuel du Luxembourg ainsi que Lët’z Arles, association de soutien et de promotion de la photographie et des artistes liés au Luxembourg. Il contient un texte de Paul di Felice, commissaire de l’exposition, qui met notamment en regard les œuvres du photographe avec celles de ses contemporains – très présents dans l’exposition. La critique et auteur Carolin Förster revient quant à elle sur la Subjektive Fotografie. L’occasion de (re)découvrir ce photographe dont le travail reste moins connu du grand public.
Romain Urhausen, de Paul di Felice et Carolin Förster
Editeur : Delpire & Co
42 €, 112 pages, format 21 x 27,5 cm
Acheter le livre : Delpire / Fnac