Dévoiler la beauté de l’ordinaire et de l’insignifiant. C’est le point de départ de la série « la face cachée » du photographe et architecte David Bard, qui s’est spécialisé dans la photographie aérienne de zones industrielles. Son travail fait actuellement l’objet d’une exposition intitulée « Primal – l’intérêt du désintérêt », au Château de Mézières, en Suisse, jusqu’au 23 janvier 2022.
Face cachée : donner du sens à l’insignifiant
Souvent situées en marge des agglomérations, les zones industrielles font (très) rarement partie des destinations prisées par les touristes. Cependant, leur architecture et les formes qu’elles dessinent peuvent s’avérer particulièrement intéressantes pour l’œil averti du photographe. C’est dans cette optique que David Bard, architecte et photographe suisse, a conçu sa série « la face cachée ». Cherchant à s’éloigner le plus possible de l’esthétique clinquante et agressive de l’environnement urbain, il vise à mettre en lumière « ce qui composer réellement nos villes, nos villages et nos paysages : l’insignifiant.
Souvent délaissées, jugées inintéressantes par la majorité de nos contemporains, les usines et autres complexes industriels paraissent, d’un point de vue esthétique, comme « insensées », vides de sens pour le jugement (subjectif) de l’observateur extérieur. Grâce à son objectif, il vient ainsi « donner du sens » à ces enchevêtrements complexes de lignes qui s’entrecroisent, formant un motif complexe
« Faisant fi de cette fausse beauté cosmétique, l’insignifiant se révèle être la matière brute de nos territoires. Invisible et transparente, ordinaire et banale, elle est violence car franche, évidente car immédiate. L’écartant vulgairement, nous n’y prêtons absolument aucun intérêt. Et malgré cela, il est bien rare que nous prenions pleinement conscience de l’importance de son rôle en tant que composante essentielle de nos quotidiens », explique David Bard.
Le drone, révélateur de la beauté invisible des activités humaines
Toutes les images de cette série ont été capturées à l’aide d’un drone, offrant ainsi un point de vue original, radicalement différent de celui d’un observateur au sol. Et soudain, ces éléments en apparence si banals révèlent toute leur beauté. « Mon but est de changer le regard du spectateur », indique David Bard, « et ainsi qu’il puisse questionner son rapport à l’environnement bâti qui l’entoure, qu’il puisse porter une attention nouvelle sur ce qui compose réellement notre territoire : l’insignifiant ».
Le drone permet ainsi au spectateur de découvrir ces environnements sous un jour radicalement différent, et d’y discerner un étrange sentiment d’harmonie grâce aux subtils jeux de clair-obscur et de couleur qui se créent devant l’objectif. D’une manière très intéressante, ce n’est pas l’installation industrielle elle-même qui importe, mais beaucoup plus les motifs qu’elle dessine.
« Le drone distance les préjugés en abstrayant le sujet des images : le spectateur ne peut qu’être saisi d’étonnement lorsqu’il découvre finalement la vraie nature de ce qui les compose », nous fait observer le photographe.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que David Bard ait choisi de s’intéresser à la beauté de l’ordinaire. « Cette exposition fait suite à mes recherches sur l’esthétique brutaliste« , indique le photographe. « Elle tente de souligner un certain intérêt pour ce qui n’en a pas au premier abord ». Minimalistes, porteuses d’une certaine utopie (technologique, notamment), les imposantes structures des usines déploient leur enchevêtrement complexe de lignes géométriques. Leurs dimensions imposantes, l’apparente rudesse des matériaux les rapprochent ainsi de ce courant architectural. Marqué par une absence d’ornementation et l’aspect « brut » du béton, il a connu une grande popularité aux États-Unis (comme en Union Soviétique) jusqu’aux années 1970.
Réussissant avec brio à (re)donner du sens à ces espaces complexes, la série « la face cachée » s’avère une très belle leçon de photographie d’architecture (ou de paysage, selon le point de vue) et montre la créativité de David Bard. Une série intrigante et mystérieuse, et qui nourrit notre œil de photographe.
Les photos de David Bard sont mises en lumières dans le cadre de l’exposition « Primal – l’intérêt du désintérêt », aux côtés des travaux des photographes Joël Tettamanti et Jean-Marc Yersin, jusqu’au 23 janvier 2022.
Informations pratiques :
Primal – l’intérêt du désintérêt
Du 26 juin 2021 au 23 janvier 2022
Musée du Papier Peint
Château de Mézières
12 Route de l’Église
1684 Mézières, Suisse
Retrouvez les travaux de David Bard sur son compte Instagram et sur son site Internet (en cours de construction).