DLSP #113 - Bruno Labarbère

DLSP #113 : Dans le sac photo de Bruno Labarbère

DLSP est une rubrique qui vous permet de découvrir les « setups » photo de photographes, professionnels ou amateurs, connus ou anonymes, afin de dévoiler ce qui se cache dans leurs sacs photo.

Dans ce DLSP, Bruno Labarbère partage le contenu de son sac photo du quotidien, mêlant argentique et numérique, toujours avec style.


Tombé amoureux de l’histoire de Leica dès mon premier appareil (certes, ce n’était « que » un bridge Panasonic Lumix FZ18, mais il y avait bien écrit Leica sur l’objectif !), j’ai rapidement franchi le pas et, en 2008, ai acquis mon premier M numérique. Un M8, plein de charmes et de défauts, comme un premier amour, que j’ai malheureusement dû revendre en 2011 pour financer mon premier voyage au Japon. Après un passage de deux ans et demi derrière les comptoirs du Leica Store Paris (à l’époque Rue de la Pompe), j’officie en tant que journaliste high-tech spécialisé en photographie depuis 2013. Longtemps en charge de la rubrique photographique de LesNumeriques.com, j’ai pris mon indépendance en 2018 et papillonne depuis entre divers titres et sites spécialisés dans le domaine (Réponses Photo, Science & Vie Photo, Le Monde de la Photo, Nikon Passion, Frandroid). Et plus le temps passe, plus je réalise qu’il me reste des millions de choses à découvrir et apprendre de la photographie.

Ce qui est chouette dans la vie d’un testeur photo, c’est que l’on peut expliquer à ses beaux-parents que l’on est payé à se balader et prendre des photos dans les rues de Paris, tout en faisant saliver ses amis plus ou moins geeks en crânant avec les dernières nouveautés, parfois plusieurs semaines avant leur commercialisation officielle (mais jamais avant leur annonce publique parce que nous sommes soumis à des NDA). Mais paradoxalement, il y a quelque chose de frustrant avec tout ce matériel dernier cri qui nous passe entre les mains : ce n’est jamais tout à fait le même, ni tout à fait un autre, et surtout pas le sien.

Pendant longtemps, j’avais donc mis ma pratique photographique personnelle entre parenthèses, parce qu’à force de manger du matériel photographique matin, midi, soir et week-end, j’arrivais à saturation. Surtout, aussi performants et « révolutionnaires » soient-ils, aucun boîtier récent (ou presque) ne me plaisait complètement et ne satisfaisait ma pratique de la photographie de rue flânante. En vrai, tous ces APN bardés d’électronique, d’assistances, de boutons et de bidules ne me faisaient que plus regretter mon Leica M8 voire le bon vieux temps de l’argentique où tout était simple et mécanique. Ce n’est donc finalement que très récemment que j’ai pu me ré-équiper avec du matériel à moi, bien à moi, que je peux trimbaler partout et n’importe comment sans redouter le courroux d’un constructeur dont j’aurais abîmé le boîtier ou l’objectif de prêt. (Bon, je dis ça, mais en fait, ils sont assez sympas les constructeurs, même s’ils peuvent faire la grimace lorsque vous leur rendez un objectif dont la monture a été arrachée… oui, ça m’est arrivé.)

Aujourd’hui, je peux donc faire de la photographie de rue comme je le veux, quand je le veux, sans m’imposer la pression de devoir penser à réaliser des images permettant de mettre en exergue les qualités et faiblesses du matériel, certes techniquement parfaites, mais souvent insipides. Parce que, chers lecteurs, sachez-le : parvenir à faire des images représentatives et significatives pour chaque test, c’est loin d’être une sinécure ! C’est peut-être pour cela que je ne suis jamais devenu moi-même photographe professionnel et que j’ai une admiration particulière pour celles et ceux capables de rendre un travail impeccable sur commande. Alors à moi les joies des mises au point ratées, des instants décisifs manqués, des recadrages violents et des manifestations chahutées, que parfois je partage sur Instagram, parfois je garde pour moi, et parfois oublie dans mon frigidaire lorsque c’est de l’argentique…

Voici le contenu de mon sac photo :

  • Billingham Hadley Pro 2020 : je n’ai ce sac que depuis quelques mois, parce qu’avant j’utilisais un…. Billingham Hadley Pro. Le modèle précédent m’a accompagné partout depuis 2008, au quotidien et dans mes voyages, mais la maltraitance que je lui ai fait subir a eu raison de son imperméabilité et sa jolie teinte noire originelle avait viré au vert « sale ». Je l’aimais tellement qu’au moment de le remplacer je n’ai pas hésité une seconde et ai repris le même modèle, mais dans sa version 2020. J’ignore quelle est la différence avec la version régulière, mais j’y ai gagné une poignée bien pratique, une pochette zippée à l’arrière pour glisser des papiers, une épaulière rembourrée super confortable et, surtout, il est toujours aussi parfait pour transporter et protéger mes boîtiers, mon bazar du quotidien et mon ordinateur portable (un MacBook Pro 13 » de 2013 qui tourne comme une horloge). De vous à moi, je suis conscient qu’il existe peut-être mieux et/ou moins cher qu’un Billingham, mais comme j’ai l’habitude de ne remplacer mes affaires qu’une fois qu’elles sont usées jusqu’à la corde, l’investissement sera largement amorti sur la durée. En espérant que je garderai ce sac au moins 10 à 15 ans.
  • Leica M10-D : j’en avais rêvé, Leica l’a fait. Depuis la revente de mon M8, je regrettais donc de ne plus avoir un M numérique à moi. Même si j’ai régulièrement eu l’occasion de travailler avec un M9 et un M (Typ 240), aucun ne m’appartenait et ce n’était donc pas tout à fait la même sensation. Lorsque j’ai testé le M10 à sa sortie en 2017, je suis immédiatement tombé amoureux de sa compacité, de son rendu et de sa maturité par rapport à ses prédécesseurs numériques. Alors, quand Leica a sorti une version sans boutons et sans écrans, j’ai trouvé là le boîtier idéal permettant de satisfaire mes lubies et tranchant avec les Canikony Lumix machin bidules pleins de boutons qui me passent habituellement entre les mains pour le travail. En plus, je m’étais juré de m’acheter un Leica M numérique en 2019 très exactement, car cela correspondait au soixantième anniversaire de mon Leica M2 (produit en 1969), lequel est le premier argentique que je me suis acheté avec mon premier job étudiant (à l’époque il m’avait coûté 350 €, une broutille par rapport à sa côte actuelle !). Ce M10-D est toujours au fond de mon sac, me sert à tout, aussi bien pour mes images personnelles que lors des reportages ou pour les photos de produits. L’absence d’écran n’est en rien un problème, et c’est même une source de soucis en moins puisque je n’ai pas peur de rayer le dos de l’appareil. Le levier d’armement fictif, qui prête à sourire, se révèle en vrai super utile à la préhension, et plus de constructeurs devraient s’en inspirer. (Oui, Fujifilm X-Pro4, c’est toi que je regarde !)
  • Leica Summilux-M 50 mm f/1,4 ASPH : c’est le tout premier objectif que j’ai pu m’acheter neuf, et d’ailleurs le seul que je ne me sois jamais acheté neuf (tous mes autres objectifs, toutes marques confondues, sont d’occasion). Il m’accompagne partout, sur tous mes boîtiers successifs (j’ai eu un Sony Nex-7 puis brièvement un Sony Alpha 7) et, surtout, il me sert de mètre étalon sur tous les boîtiers hybrides que j’ai l’occasion de tester (pour peu que je dispose de la bague adéquate). Que ce soit sur de l’APS-C, APS-H ou 24 x 36 mm (certains le montent même avec succès sur leur Hasselblad X1D !), il est impérial, avec un rendu somptueux à la pleine ouverture, très piqué, mais pas chirurgical non plus comme peuvent l’être des optiques modernes, surtout les japonaises. Désormais, il est fixé à demeure sur mon M10-D et je ne m’en séparerai pour rien au monde. Fun fact : grâce à la politique tarifaire de Leica, qui augmente ses prix tous les ans, et au marché de l’occasion qui font flamber les prix, je pourrais potentiellement le revendre plus cher aujourd’hui que ce que je ne l’ai payé il y a 13 ans…
  • Hasselblad XPan + 45 mm f/4 : la première fois que j’en ai entendu parler, c’était en BTS photo. Le Hasselblad XPan, c’est en fait un Fujifilm TX-1 rebadgé par la marque suédoise pour le marché non japonais. Surtout, c’est à ma connaissance le seul appareil télémétrique argentique utilisant du film au format 135 capable de shooter des images panoramiques en 24 x 65 mm, à raison de 20 vues par cartouche « 36 poses ». Entièrement électronique est motorisé, il devient de plus en plus délicat à réviser aujourd’hui, mais, par bonheur, le propriétaire précédent lui a fait bénéficier d’un check-up électronique et mécanique complet juste avant que je l’achète. Son 45 mm permet de cadrer avec le même angle de champ qu’un 25 mm sur un appareil 24 x 36 mm (argentique ou numérique). Un complément idéal de mon 50 mm, qui reste ma focale de prédilection. « Mais pourquoi t’embêter avec ça alors que tu pourrais très bien utiliser directement un 25 mm sur un boîtier 24 x 36 mm puis recadrer en panoramique ? » Quatre raisons à cela. D’abord, pour la frime. Ensuite, parce qu’avec un grand angle, je visualise bien les espaces latéraux, mais il y a toujours du vide en haut et en bas dans mes images dont je ne sais pas quoi faire. Alors autant supprimer le superflu dès la prise de vue. Parallèlement, le 45 mm f/4 est tout bonnement excellent, quasiment sans vignettage ni distorsion, ce qui n’est pas forcément le cas d’un 25 mm. Enfin, parce que le XPan est un boîtier très ingénieux, agréable à utiliser (rappelez-vous, c’est Fujifilm qui l’a conçu, et ils en connaissent un rayon en la matière !), finalement pas beaucoup plus gros qu’un Leica M, donc qui se glisse facilement dans mon sac. Bref, un appareil que je trouve parfait pour mon usage et que j’ai hâte de trimballer en manifestations pour des plans larges rapprochés (mais pas aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui il pleut).
  • Des pellicules 135 et des cartes mémoire : je ne suis pas très regardant sur les pellicules que j’utilise, mais je me débrouille toujours pour avoir une ou deux cartouches de Kodak Tri-X sur moi (le reste est stocké dans mon congélateur). C’est d’ailleurs dans une boîte de Tri-X que j’ai pris l’habitude de ranger mes cartes SD et XQD, qui y rentrent parfaitement et y sont hermétiquement protégées. Du système D sympa, pas cher et qui a fait ses preuves. J’ai aussi toujours sur moi au moins une batterie de rechange pour mon M10-D, même si, avec l’absence d’écran et d’autofocus, il consomme en fait assez peu (et que je shoote rarement plus de 400 photos par jour…. en fait, ça ne m’est jamais arrivé).
  • Sekonic Micro-Leader L-98 : j’utilise cette cellule à main qu’un ami m’a donnée parce qu’il n’en avait plus l’usage. Elle fonctionne très bien, est parfaitement calibrée, et est fort utile lorsqu’à la place du XPan je décide de sortir avec un boîtier tout mécanique sans cellule (Olympus Pen F, Leica M2 ou M4, Nikon S3 ou autre). Je pourrais tout aussi bien utiliser une application sur mon smartphone (ce que j’ai longtemps fait), mais le charme d’une cellule à aiguille est sans pareil. En plus, c’est plus sympa pour engager la conversation avec des inconnu(e)s…
  • Un casque à réduction de bruit Sony WH-1000XM3 : un jour je suis sorti dans la rue, mon casque est tombé en panne (problème de connecteur jack), donc j’ai dû en racheter un. Tant qu’à faire, autant prendre un modèle sans fil, à réduction de bruit et avec une bonne qualité audio. Un petit tour dans le guide d’achat sur Les Numériques, et hop, j’ai opté pour ce modèle-là. De toute manière, c’était le seul qu’ils avaient en stock en bas de chez moi. J’en suis très satisfait, surtout dans le métro. Il paraît que c’est très efficace aussi en avion, mais bizarrement, je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de voyager en 2020…
  • Un carnet de notes, une batterie nomade, un chiffon à lunettes, une serviette à main, un sac textile, un jeu de cartes : les petits trucs du quotidien qui font de mon sac un sac de tous les jours avant d’être un sac photo, et pas l’inverse. J’ai toujours un carnet sur moi, généralement un récupéré en conférence ou voyage de presse, et c’est toujours pratique en réunion ou pour la liste des courses. Pour les courses, j’ai toujours un sac textile quelque part depuis le jour où des fruits un peu trop mûrs ont été écrabouillés par mon boîtier. Le chiffon à lunettes est indispensable pour nettoyer le filtre de mes objectifs et les viseurs. Enfin, la mini serviette à main est une vieille habitude que j’ai prise lors de mon premier voyage au Japon, en pleine canicule. À l’origine, elle servait à éponger la transpiration, mais se révèle également très pratique pour se sécher les mains après se les être lavées à l’extérieur, surtout en ce moment. Je la glisse dans ma pochette en papier (étonnamment solide) avec un masque de rechange. Quant au jeu de cartes, c’est une relique de l’époque des belotes improvisées dans les bars… J’ai aussi toujours un décapsuleur au cas où (c’est sympa) et toutes mes pièces d’identité sur moi, en cas de contrôle à l’improviste (c’est moins sympa). Enfin, en été, j’ai toujours une gourde hermétique remplie d’eau pour les longues balades jusqu’au bout de la nuit. Mais bon, en ce moment, ce n’est pas super utile…

La photographie occupe une grande place dans ma vie, mais, ironiquement, mes appareils sont ce qui en occupe le moins dans mon sac. Des avantages de la visée télémétrique et des hybrides…

© Bruno Labarbère
© Bruno Labarbère
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Vous pouvez retrouver Bruno Labarbère sur son site internet et sur Instagram