Après avoir parcouru l’Égypte et la Jordanie, puis l’Iran, sur la route des Caravansérails, c’est à travers une sélection d’images en noir et blanc que nous découvrons aujourd’hui un nouveau numéro du projet From Désert, de Léo Coulongeat.
Celui qui a respiré la poussière des routes du Mexique ne trouvera plus la paix dans aucun autre pays.
Malcom Lowry
Déserts sacrés
Nous avons découvert dans le calendrier maya représenté sur le Codex de Dresde, l’un des rares à avoir survécu à la conquête espagnole, que les Mayas voyaient la Terre comme une forme plate et carrée. Chacun de ses quatre angles était situé à un point cardinal et était représenté par un arbre d’une couleur appelée Ceiba ou arbre de l’abondance. Le Ceiba rouge à l’est, le blanc au nord, le noir à l’ouest et le jaune au sud. Le centre accueillant le Ceiba vert.
Je vous emmène dans ce carnet de voyage aux extrémités nord-ouest du monde maya, régions désertiques nord-mexicaines des Ceibas noir et blanc qui teintent mon voyage et colorent mes photographies.
Allongez-vous dans votre hamac, accueillez l’accordéon, et bon voyage.


Depuis mon arrivée au Mexique la méditation m’a trouvé. Le calme intérieur m’aide à voir des détails que je ne percevais pas.
Mon voyage se déroulera en grande partie avec un ami gourou qui tire les cartes de tarot et danse le kung-fu.


Désert du Wirikuta
Notre porte d’entrée dans les déserts Mexicains se situe sur une route rocailleuse du désert du Wirikuta, terre sacrée des Huicholes, un des groupes descendant directement des Aztèques.
Nous rencontrons Miguel Angel dans un hôtel de passe près d’une gare routière. Passionné de la culture Huichole il nous en explique les croyances et les rites. Après avoir vu passer plusieurs routards comme nous il a décidé de construire un ranch au milieu du désert afin d’accueillir les voyageurs venus pour la tranquillité, la spiritualité et la découverte. Il nous ouvre les portes de son espace en construction perché en haut d’une colline de cactus.


Au centre de cette terre sacrée se trouve le Cerro Quemado, la montagne sacrée du peuple Huichole où sont nés les dieux des 4 éléments et le soleil. C’est sur ces terres que sont réalisés des rituels utilisant comme médium le cactus sacré hallucinogène qui pousse ici : le Peyote. Les rituels ont pour but la confession des péchés, l’ouverture d’esprit, la guérison des maux et de manière générale la communication avec Dieu.



La première étape du rituel est le pèlerinage
Tous les 3 à 5 ans, la population huichole réalise un pèlerinage en marchant sur plus de 500 km vers cette région. La marche s’effectue en silence, seule de l’eau est consommée et deux enfants gardent le visage couvert.


La deuxième étape est la cueillette
El peyote no lo vas a encontrar, el te encontrará a ti.
Tu ne trouveras pas le Peyote, lui te trouvera. C’est en marchant parfois plus d’une heure que le Peyote te trouve, c’est l’introduction du rituel. Il est alors coutume de ne pas cueillir le premier que tu trouves en signe de respect. Après lui avoir fait une offrande et lui avoir expliqué ton besoin il traduira ta volonté à ses compagnons à travers la terre sacrée. Tu peux maintenant continuer ta route et cueillir les prochains rencontrés. Pour que le Peyote repousse (donc pour ne pas le tuer), le cactus doit être coupé avec une lame d’acier inoxydable en haut de la racine.



Cette étrange cueillette me laisse percevoir des scènes étranges d’hommes errant au loin dans l’immensité piquante telle des âmes perdues dans l’enfer de Dante.

Puis vient la cérémonie de nuit autour du Tatewari, feu sacré et protecteur
Les rituels sont effectués par des maîtres spirituels appelés “Marakame” et chamanes ; ce premier ayant également un rôle communautaire et ce deuxième des compétences médicinales.
La cérémonie prend fin lorsque le dieu Soleil exauce les souhaits en apparaissant au petit matin.

Ranch
Quand Miguel Angel a voulu commencer la construction de son ranch, il a fait appel à un chamane afin de bénir sa construction. Il aurait alors détecté de l’or sous le terrain, signe de bonne énergie et prospérité.
Le ranch est construit en grande partie avec des techniques traditionnelles de la région.
C’est une particularité qu’on retrouve dans tous les déserts du monde. Dans ces régions reculées, tout matériel est plus compliqué à ramener et donc plus cher, la technologie met plus de temps à arriver et la conservation des techniques traditionnelles sauvegardées plus longtemps qu’ailleurs.



Les murs du ranch seront bâtis avec des briques d’adobe extrait du sol à quelques centaines de mètres, comme l’ensemble des maisons du village. Cela donne au Pueblo un air familier de Maghreb ou de Moyen-Orient.
L’isolation du plafond sera assurée par des tiges de cactus séchés et les clôtures par les cactus autour.



Nous nous retrouvons là-bas plusieurs jours à vivre avec les ouvriers à couper des cactus à la machette et à porter des briques d’adobe.
La journée ils attrapent des souris des champs avec des pièges ou en les assommants à coup de pierre. Ils enlèvent ensuite la peau à la main et font mijoter le tout avec des légumes (mhhh ça ressemble à du lapin). Notre côté français insiste pour rajouter du fromage.
L’autre mets local est le coyote que nous n’aurons pas la chance de goûter.
Après plusieurs jours à vivre à la rude, je me sens attaché à cette simplicité de vivre.


L’autre particularité de la région est la ressource d’or et d’argent présent dans le sol qui participe sans doute à l’énergie particulière de cet endroit. Il semblerait également que les chutes de météorite seraient plus fréquentes ici qu’ailleurs.
En 2005, le gouvernement mexicain a vendu les concessions minières à des entreprises canadiennes en dépit des lois de protection des autochtones et du classement d’une partie du territoire comme site naturel sacré de l’UNESCO. Leur projet a été lancé en 2011 et devrait s’étendre sur 43% du désert. De telles activités vont contaminer les nappes phréatiques sacrées avec du cyanure et des métaux lourds, hautement toxiques pour les habitants, puis à terme assécher les sources d’eau rares dans cette région semi-désertique.
Depuis, la population ne cesse de se mobiliser par divers moyens notamment sur internet. La résistance est pour eux une vieille tradition : ils ont été le dernier peuple à avoir résisté à l’invasion espagnole devenant avec les zapatistes du Chiapas les symboles de la résistance identitaire indienne au Mexique.

Holy Mountain
Le nord du Mexique réputé dangereux est très peu visité. J’y découvre des parcs de sable blanc vierge, des dunes et des lagunes où vivent des micro-organismes semblables aux premiers êtres unicellulaires qui sont apparus sur notre planète. Une capsule dans le temps.



Dans un désert blanc, une montagne et sa chapelle protectrice d’une nuit orageuse.




Partout lors de mon voyage au Mexique je rencontre des Hispaniques se déplaçant vers le rêve américain. Le premier fut un jeune Hondurien qui m’explique que ses parents se sont fait assassiner et qu’il essaye de rejoindre un oncle en Californie. Il vend des sucettes pour continuer sa route… En remontant vers le nord, je continue d’en rencontrer beaucoup. Ils sont un grand nombre dans les déserts travaillant dans des conditions difficiles. Pour atteindre ce rêve illusoire ils travaillent pour payer les démons des frontières : los coyotes. Les fameux passeurs mexicains qu’ils payent entre 10,000 et 15,000 dollars pour se faire, le plus souvent, abandonner dans le désert états-unien puis renvoyé à la frontière. La plupart recommencent ensuite à travailler dans les déserts ou les maquiladoras pour tenter la traversée à nouveau.

Paricutin – désert de lave
Pour réhumidifier vos papilles je finirais sur une note moins aride.
Imaginez-vous seul. Plongez dans un océan d’avocat, émergez au pied de parois volcaniques noir nuit, escaladez un néo-volcan crachant des nuages et atterrissez dans un champ de lave et son église engloutie. Bienvenue au Paricutin.







Au crépuscule un concert de loups et l’odeur des pains humides m’accompagnent sur la route du retour.