Carnet de voyage : vers la terre promise

Passionné par les déserts et ses populations, Léo Coulongeat s’est lancé en septembre dernier dans un road trip à travers le monde à la rencontre des voyageurs du désert.

De retour d’Égypte et de Jordanie, voici le premier carnet de voyage du projet From Desert.


Mon carnet commence dans le Sinaï du Sud en Égypte. Cette région a la particularité d’être désertique depuis le bord de mer jusqu’en haut de montagnes en passant par des étendues riches en canyons et dunes. Les Bédouins sont nombreux. Du pain bénit.

Les montagnes sont de véritables vallées de senteurs. Au printemps, 900 variétés de plantes y poussent : 200 médicinales dont 100 endémiques. On peut y croiser des herboristes concoctant potions, huiles et infusions uniques. Les Bédouins ont gardé cette sensibilité aux plantes, savoir transmit par des moines. Lors de mes randonnées, il était courant de s’arrêter pour manger de cette plante rouge « bonne pour le coeur » ou des dattes directement cueillies dans l’arbre pour les problèmes d’estomac.

À part mon cholestérol, je suis en forme.

Au cours d’une randonnée je fais la rencontre d’Abu Salem.

Ce Saoudien me raconte ses études d’aéronautique à Versailles puis son travail d’ingénieur en Arabie Saoudite. Las du tumulte du monde, il est retourné à la vie de Bédouin. Il vient de finir la construction d’un puit qu’il a mis 3 ans à creuser et bâtir avec ses deux amis. Aujourd’hui, il débute la construction d’un centre dédié aux retraites méditatives. Première étape de la construction : déplacer d’énormes rochers à la main entre 2 montagnes …

Son autre pari est la culture des pistaches. Il m’explique qu’en Égypte, cette plante très rentable ne pousse que dans le Sinaï, et qu’il n’existe qu’une centaine de pieds dans la région de Sainte Catherine.

Il m’offre un repas composé d’une salade aux herbes cueillies aux alentours et d’un poulet sauvage grillé à l’origan.

L’hospitalité bédouine n’est encore une fois pas à prouver. Je rencontre dans les chemins montagneux quelques Bédouins seuls ou en groupe qui m’invitent toujours à boire le thé à la menthe. Comme au Maghreb, j’ai l’impression que plus la dégustation est éloignée de la société, plus le thé est sucré.

Cette boisson, symbole des pays arabes, est cependant un facteur différenciant le Maghreb du Moyen-Orient. Au Maroc, le thé vert en grosses feuilles est couplé à de la menthe que nous connaissons en Europe, alors qu’en Égypte et en Jordanie, le thé émietté est mélangé à une menthe d’une autre variété et de sauge (qu’ils proposent pour ses vertus médicinales). Dans la région du Sinaï les Bédouins ont même le luxe d’avoir plusieurs variétés de menthe, dont de la menthe poivrée.

Autre différence notable : j’apprends que l’arabe du Maghreb est difficilement compréhensible par un arabe du Moyen-Orient (l’arabe maghrébin aurait intégré des attributs du français).

Haut lieu de culte pour les pèlerins du monde, je suis au petit matin sur le mont Sinaï, entouré de catholiques, orthodoxes, juifs et musulmans. Bouddha est sans doute aussi présent dans les oiseaux et les chats maîtres de cette montagne. Athée, je ressens une très forte énergie religieuse autour de moi qui s’accorde avec les couleurs de l’aube. Le partage et la mixité me font penser à Beyrouth. Ici aussi l’église et la mosquée sont côte à côte. Cette dernière est en partie construite avec des pierres de la première église construite jadis. J’assiste au classique débat création vs évolution entre un athée et un chrétien. Il finira par une prière commune remerciant la beauté de cet endroit. « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain ».Je descends de ma montagne vers le bord de mer.

L’atmosphère de la côte est très particulière. Trois types de paysages se succèdent le long de la mer rouge : des resorts vieillissants, des plages de hippies et des structures en béton abandonnées, squelettes d’hôtels non aboutis.

Les hautes montagnes plantées à quelques mètres de la mer plongent la vie dans une lumière rose quand le soleil se couche derrière les montagnes.

Des endroits accessibles par bateau dévoilent de magnifiques spots de plongée et de kitesurf. Après une figure particulièrement réussie, mon guide me signale en pointant le kite-surfeur : « Mohamed, he’s a Bedouin ».

Comparé à l’Amérique latine et à l’Asie où les chiens errants et malades sont nombreux, je suis étonné de voir quelques chiens passer, et en bonne santé.

Probable reliquat de l’ancien culte pour les chats, cet animal semble roi ici. Partout, il est écrit de ne pas les nourrir, non pas pour les laisser à leur sort, mais pour que les vrais propriétaires s’en occupent. On parcourt les villes peuplées de nombreux chats en liberté et en bonne santé.

Pour passer de l’Égypte à la Jordanie je traverse la frontière israélienne à pied. Je me rends compte que mes 3 dernières destinations traçaient l’ensemble des frontières autour d’Israël : Liban, Égypte, Jordanie. Ce n’était pas une coïncidence pour l’immigration israélienne qui prit 3h pour m’interroger sur mon étrange plaisir à voyager uniquement dans des pays arabes ces derniers mois (j’étais au Maroc également il y a un an)… Compliqué de leur expliquer que je préfère Pétra à Jérusalem sans les offenser.

Le conflit Israélo-Libanais encore actif il y a 10 ans n’a pas arrangé mon cas.

Ma première rencontre humaine en Jordanie fut le musicien Shadi Khries qui me proposa de l’accompagner dans le désert du Wadi Rum rencontrer ses amis bédouins pour une rave, entre musique électronique et arabe.

Dans cette région particulière, le gouvernement laisse les Bédouins gérer leur territoire. Cela leur permet de garder le mode de vie qu’ils souhaitent en sauvegardant tant bien que mal leur culture (le tourisme est très présent).

Les jours vibrent aux sonorités arabes et aux lumières du désert.

L’expérience culturelle bat sont plein ; les Bédouins analysent cette curieuse musique et les festivaliers écoutent le crépitement du grand feu aux odeurs de thé.

Mon arrivée dans l’allée centrale de Petra (une des 7 nouvelles merveilles du monde) est violente. Les vendeurs sont légion et n’ont de bedouin que l’appellation. Eux-mêmes s’exclament « Welcome to China ! ».

Les balayeurs, ruminants des champs funestes le tête baissée, ne sont ici pas entourés de cotonniers mais de touristes. J’espère que cela permettra au moins d’inventer un gospel arabe …

Je m’éloigne le plus loin possible du chemin principal. J‘arrive en haut de la montagne abritant Le Monastère pour enfin savourer ce lieu d’exception. Ma barre d’énergie remonte à son maximum quand j’aperçois le désert du Wadi Araba au coucher de soleil. Je rentre à pied avec le peu de lumière restante pour me retrouver par surprise seul face au Trésor.

Aller plus loin que les autres, parfois au prix d’efforts considérables, permet souvent de découvrir ces lieux d’une autre manière.

Je prends conscience d’avoir parcouru une partie du trajet de Moïse à mon arrivée au mont Nébo.

Ce premier voyage se clôture avec ces voitures regardant, au-delà de la Mer Morte, la terre promise d’Israël.


Retrouvez toutes les photos du projet From Desert de Léo Coulongeat sur son site.

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