© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"

A girl from Tiksi : le voyage poétique d’Evgenia Arbugeava dans la ville de son enfance

La photographe russe Evgenia Arbugaeva s’est lancée dans une quête du passé et de l’enfance avec son dernier projet aux allures documentaires mais qui s’avère finalement très personnel et intimiste. « A girl from Tiksi » raconte autant son retour dans la petite ville côtière sibérienne de son enfance, Tiksi, que la vision imaginative qu’en a la petite fille, Tanya, qu’elle rencontre sur place.

Evgenia Arbugaeva est née en 1985 à Tiksi, cette petite ville isolée, posée sur la côte sibérienne de l’Océan Arctique dans la République de Sakha (ou Yakoutie), fédérée par la Russie, qui compte à peine un million d’habitants pour trois millions de kilomètres carrés. Elle passe son enfance à se perdre dans la blancheur des paysages neigeux et à se rêver exploratrice en admirant l’océan.

© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »

Cependant, lorsqu’elle a 8 ans, sa famille quitte Tiksi, de plus en plus désertée, pour emménager dans la plus grande ville de Yakutsk. Ensuite, Evgenia Arbugaeva part pour étudier l’ingénierie culturelle à l’université internationale de Moscou puis le photojournalisme à l’International Center of Photography (ICP) de New York. Néanmoins elle n’oubliera jamais la beauté épurée de la toundra, la force des vents et des tempêtes de neige, le reflet de la lune et des étoiles sur les eaux et les teintes vertes, et parfois ocres, qu’offrent les aurores boréales au manteau de neige.

© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »

Ce n’est que 18 ans plus tard, en 2010, que la photographe décide finalement de retourner sur les lieux de sa jeune enfance. Mais la première impression à son retour est loin d’être féerique : de nombreuses maisons sont abandonnées, les couleurs de leurs façades ont passé, les bateaux échoués rouillent sur place et les rues sont désertées des 12 000 habitants de ses souvenirs, réduits au nombre de 4000. La magie de son enfance, édulcorée par sa mémoire, n’opère plus.

© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »

C’est en rencontrant une petite fille locale de 13 ans, Tanya Semivelichenko, que la photographe renoue avec son âme d’enfant et ravive l’imagination qui lui avait permis de percevoir la beauté pure de cette simple petite ville. Tissant des liens avec la petite fille et sa famille, Evgenia Arbugaeva retourne très régulièrement à Tiksi pendant deux ans, redécouvrant la ville, ses habitants, ses scènes quotidiennes à travers les yeux de Tanya.

© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »

Bien que reposant sur une esthétique de photographie documentaire, le projet prend une allure de conte intime et sentimental dans lequel la jeune héroïne Tanya joue en fait le rôle d’allégorie de la jeune Evgenia d’antan. La photographe prend part aux activités de la petite fille qui métamorphose Tiksi en une véritable aire de jeu et observe la ville avec son imagination d’enfant. Elle partage les rêves d’exploration de Tanya qu’elle puise dans de vieux livres pour enfants, issus de l’époque soviétique mais précieux pour elle et dans ses balades dans la ville et sur la côte, qu’elle voit comme des aventures.

Le bonnet rouge qu’elle porte dans l’un des clichés représente d’ailleurs un hommage à l’explorateur Jacques-Yves Cousteau qui la fascine.

© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »

De ce voyage dans le temps en résultent des photos à l’atmosphère épurée, aux compositions centrales simples et douces, aux couleurs harmonieuses et aux lumières mystérieuses, si caractéristiques de l’univers unique du Grand Nord. Evgenia Arbugaeva explique elle-même que la beauté « carte postale » de ses images est voulue, puisqu’elle cherche à dépeindre à la fois la ville de Tiksi telle qu’elle est aujourd’hui et « la Tiksi » vue par les yeux de Tanya afin de laisser à la petite fille des traces du lieu de son enfance telle qu’elle l’a imaginée, et qu’elle n’en oublie pas la magie.

© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »
© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »
© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »
© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »
© Evgenia Arbugaeva - "A Girl from Tiksi"
© Evgenia Arbugaeva – « A Girl from Tiksi »

Une ode à l’expérience universelle de l’enfance et à son pouvoir d’imagination qui, tout comme la photo, permet « de percevoir l’extraordinaire dans ce qu’il y a de plus ordinaire, et même de plus triste ».

L’ensemble de la série « A Girl from Tiksi » et des projets d’Evgenia Arbugaeva est à retrouver sur son site.