Fuji X-Pro 2 avec le XF 35mm f/2 R WR

Test et avis d’un photojournaliste sur le duo Fujifilm X-Pro 2 + Fuji XF 35mm f/2 WR

Un des maîtres-mots de Phototrend est de tester le matériel photo en condition réelle, et non face à une mire dans un laboratoire. Nous privilégions ainsi les tests terrain, lorsque le photographe a la possibilité de véritablement appréhender le matériel.

Pour la sortie du X-Pro 2, le nouveau boîtier professionnel de Fujifilm doté du nouveau capteur 24 Mpx X-Trans CMOS III, nous avons contacté Jean-Matthieu Gautier, photojournaliste, membre et photo éditeur de l’agence CIRIC ainsi que fondateur de la revue trimestrielle de photoreportage EPIC-stories. Jean-Matthieu utilise depuis peu un X-Pro 2 et il l’a testé avec le nouveau XF 35mm F2 R WR (weather resistant).

Voici son ressenti et compte rendu terrain.


Entendons-nous bien, il ne sera pas question ici de test avec mires, murs de briques ou photos de l’immeuble d’en face ni de quelque analyse que ce soit relative à la rapidité, au piqué, à la gestion du bruit numérique ou à j’ignore quoi d’autre. Je ne suis pas analyste et resterai donc quoi qu’il arrive dans une posture du ressenti uniquement.

Je travaille essentiellement pour la presse, et ai commencé à m’équiper avec la gamme X de Fujifilm il y a 4 ans. Un an après l’acquisition de mon premier X-Pro 1, je me suis séparé de mes boîtiers Nikon, très performants mais… lourds, volumineux, bruyants, pour ne m’équiper qu’en Fuji.

Fuji X-Pro 2 avec le XF 23mm f/1.4 R
Fuji X-Pro 2 avec le XF 23mm f/1.4 R

J’ai récemment fait l’acquisition d’un X-Pro 2, et celui-ci reprend les mêmes caractéristiques que son désormais presque légendaire grand frère X-Pro 1 : petit, discret, beau (eh oui, c’est important, on y reviendra) et efficace. Le petit point qui avait fini par me faire tourner chèvre dans certains cas, à savoir un autofocus de temps à autres capricieux, voire espiègle – et donc vers le X-T1, boîtier dont la visée centralisée type reflex et l’absence de viseur optique, ne m’ont pas convenu – appartient enfin au passé. Sur le plan de la réactivité, le X-Pro 2 n’a plus rien à envier à qui que ce soit. J’ai plutôt même le sentiment d’être revenu au temps du Nikon D700 et de son 24-70mm f/2.8, c’est-à-dire une voiture de course capable de concourir pour les 24h du Mans, mais le poids en moins. Outre une molette de sensibilité qui, couplée à celle de la vitesse d’obturation et placée comme elle l’est sur le capot de l’appareil, me semble parfaitement idiote, ce X-Pro 2 m’apparait comme le boîtier ultime. Je pèse mes mots. Question sensibilité, rien à redire non plus, le bazar permet effectivement de monter jusqu’à 12 800 isos, et ce n’est pas du bluff.

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Adepte – oui, un peu comme s’il s’agissait d’une religion – des focales fixes, je travaille alternativement avec des objectifs 23 mm f/1,4 et 35 mm f/1,4 équivalent respectivement à un 35 mm et à 50 mm en format 24×36. Il se trouve que mon 35 mm f/1,4 présente quelques signes de fatigues, des suites d’une chute inopportune survenue lors d’un reportage. Pour cette raison et quelques autres, je n’ai pas beaucoup tergiversé lorsque l’on m’a proposé de tester le nouveau Fuji XF 35mm f/2 R WR. Il s’est trouvé aussi que le prêt de cet objectif est arrivé à un moment où j’étais sur le point de m’envoler pour le Kurdistan irakien, où depuis août 2014, des centaines de milliers de familles se sont réfugiées, fuyants les exactions de l’Etat Islamique.

16 avril 2016 : Ambiance dans les rues d'Ankawa, le quartier chrétien d'Erbil. Erbil, Kurdistan irakien. Irak - © Jean-Matthieu Gautier / CIRIC - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/2.8 - 1/200 - ISO 640
16 avril 2016 : Ambiance dans les rues d’Ankawa, le quartier chrétien d’Erbil. Erbil, Kurdistan irakien. Irak – © Jean-Matthieu Gautier / CIRIC – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/2.8 – 1/200 – ISO 640

Arrivé à Erbil, la capitale du Kurdistan Irakien, j’ai vissé le Fuji XF 35mm f/2 R WR sur mon X-Pro 2 et, en compagnie de deux amis et néanmoins collègues journaliste et photojournaliste, nous avons commencé à déambuler dans les rues du quartier chrétien d’Ankawa, où se sont regroupées la plupart des familles de réfugiés. La lumière de la fin du jour et une petite dose de serendipity [chance, NDLR] aidant, il s’est avéré que nous avons pu effectuer quelques belles rencontres qui allaient se révéler assez profitables pour la suite de notre séjour et, par surcroit, notre compréhension globale de la situation.

16 avril 2016 : Un homme marche dans une rue du quartier chrétien d'Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien. Irak - © Jean-Matthieu Gautier / CIRIC - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/3.2 - 1/1250 - ISO 800
16 avril 2016 : Un homme marche dans une rue du quartier chrétien d’Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien. Irak – © Jean-Matthieu Gautier / CIRIC – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/3.2 – 1/1250 – ISO 800

Dans la rue, tenu à bout de bras le long du corps, le Fuji disparaît. Le 35mm f/2 R WR permet de renouer avec une tradition de discrétion initiée à la sortie du X-Pro 1, où la marque nippone n’avait encore en catalogue que trois objectifs : un 18 mm f/2, un 35 mm f/1,4 et un 60 mm f/2.4. Par la suite, il avait fallu poursuivre, élargir cette gamme et d’autres objectifs sont arrivés, tout aussi efficaces et remarquablement construits mais moins discrets, exception faite du 27 mm pancake. Je pense en particulier au 23 mm f/1,4, que j’utilise beaucoup et qui ne présente à mes yeux qu’un défaut : sa taille.

17 avril 2016 : une jeune femme kurde consulte son téléphone portable dans un restaurant du quartier chrétien d'Erbil, capitale du Kurdisan irakien, à moins de 80 kilomètres des lignes de Daech. Irak.- © Jean-Matthieu Gautier - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/2.8 - 1/680 - ISO 500
17 avril 2016 : une jeune femme kurde consulte son téléphone portable dans un restaurant du quartier chrétien d’Erbil, capitale du Kurdisan irakien, à moins de 80 kilomètres des lignes de Daech. Irak.- © Jean-Matthieu Gautier – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/2.8 – 1/680 – ISO 500

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J’ai donc trouvé dans le 35mm f/2 R WR, un parfait prolongement du X-Pro 2. Rapide, discret, efficace, il délivre des fichiers intenses et offrant selon moi un contraste remarquablement équilibré ainsi qu’un piqué et des flous d’arrière plan qui me conviennent parfaitement – bien que je n’aie jamais considéré ce point comme d’un intérêt capital. Un objectif, un appareil, « font le job » ou ne le font pas. Pour le reste, il me semble que c’est au photographe de se débrouiller, par son placement, les choix pris au moment du cadrage, l’anticipation et l’appréhension faite de la lumière ambiante, etc. A tout prendre, une photo est bonne ou ne l’est pas. L’appareil et l’objectif que l’on y adjoint ne sont – toujours de mon point de vue – que des outils.

19 avril 2016 : Inauguration et messe de l'église de Mar Shmony - construite pour les chrétiens réfugiés d'Erbil - célébrée par Monseigneur Yohanna Petros MOUCHÉ, archevêque catholique syriaque de Mossoul. Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien, Irak - © Jean-Matthieu Gautier - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/2.8 - 1/5800 - ISO 400
19 avril 2016 : Inauguration et messe de l’église de Mar Shmony – construite pour les chrétiens réfugiés d’Erbil – célébrée par Monseigneur Yohanna Petros MOUCHÉ, archevêque catholique syriaque de Mossoul. Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien, Irak – © Jean-Matthieu Gautier – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/2.8 – 1/5800 – ISO 400
19 avril 2016 : Inauguration et messe de l'église de Mar Shmony - construite pour les chrétiens réfugiés d'Erbil - célébrée par Monseigneur Yohanna Petros MOUCHÉ, archevêque catholique syriaque de Mossoul. Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien, Irak - © Jean-Matthieu Gautier - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/2.8 - 1/680 - ISO 400
19 avril 2016 : Inauguration et messe de l’église de Mar Shmony – construite pour les chrétiens réfugiés d’Erbil – célébrée par Monseigneur Yohanna Petros MOUCHÉ, archevêque catholique syriaque de Mossoul. Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien, Irak – © Jean-Matthieu Gautier – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/2.8 – 1/680 – ISO 400

Je reste toutefois un peu geek et, comme les marins aiment les bateaux, je suis sensible aux appareils photo, à leurs performances et aux possibilités qu’ils offrent de réaliser des photos dans des conditions plus ou moins hasardeuses (obscurité, mouvement etc.) et, pardon, à leur aspect esthétique. Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a arrêté pour me demander en désignant mes boitiers Fuji « C’est un argentique ? ». Je crois que dans l’imaginaire des gens, l’argentique incarne quelque chose de « cool » et, si l’on prend des photos avec un appareil d’un autre temps – ou en apparence seulement d’un autre temps – on est automatiquement « cool », automatiquement sympathique. Cela semble parfaitement anodin mais il n’en est rien. Photographier est un acte qui peut sembler agressif : on entre dans l’intimité des gens, parfois sans leur demander leur avis, ou après coup…

19 avril 2016 : A l'issue de la messe d'inauguration de l'église de Mar Shmony - construite pour les chrétiens réfugiés d'Erbil - un groupe de fidèles vient prier au pied d'une statue de la Vierge Marie. Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien, Irak - © Jean-Matthieu Gautier - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/4 - 1/3500 - ISO 200
19 avril 2016 : A l’issue de la messe d’inauguration de l’église de Mar Shmony – construite pour les chrétiens réfugiés d’Erbil – un groupe de fidèles vient prier au pied d’une statue de la Vierge Marie. Ankawa, Erbil, Kurdistan irakien, Irak – © Jean-Matthieu Gautier – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/4 – 1/3500 – ISO 200

Je crois, dans le même ordre d’idée, qu’il y a deux sortes de photographes : ceux qui souhaitent que leur présence marque la photographie, ou provoque une réaction chez leur sujet, comme Bruce Gilden ou Mark Cohen, qui tous deux pratiquent la photographie de rue au flash, en se plantant face aux gens et en déclenchant au dernier moment d’une façon très agressive. Et il y a ceux qui préfèrent rester inaperçus, ne pas intervenir dans l’histoire, se contenter de ce qui est, ce qu’ils voient. Je suis plutôt de ceux-là et pour cette raison, un appareil qui permet de disparaître m’apparait idéal. A fortiori donc un appareil qui, une fois repéré, vous fait passer pour sympathique aux yeux des gens. Le X-Pro 2 + 35mm f/2 R WR offre précisément cela… ce qui me le rend d’autant plus sympathique…

© Jean-Matthieu Gautier - X-Pro 2 - XF 35mm f/2 WR à f/2.8 - 1/240 - ISO 500
© Jean-Matthieu Gautier – X-Pro 2 – XF 35mm f/2 WR à f/2.8 – 1/240 – ISO 500

Complètement conquis par ce 35mm f/2 R WR, je n’ai désormais qu’un seul souhait : que Fuji sorte un 23 mm taillé dans le même bois.

Fuji X-Pro 2 avec le XF 35mm f/2 R WR
Fuji X-Pro 2 avec le XF 35mm f/2 R WR

L’ensemble de la série réalisée au Kurdistan Irakien est visible ici. Pour plus d’informations techniques, rendez-vous sur les fiches produit du X-Pro 2 et du Fuji XF 35mm f/2 R WR. Le X-Pro 2 est disponible nu à partir de 1799€ et le Fuji XF 35mm f/2 R WR se trouve aux environs de 400€ sur Amazon.

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  1. Très intéressant! J’avoue avoir trouvé mon bonheur à travers le XT1 que j’utilise avec le 27mm. J’attends d’avoir le budget pour choisir mon objectif ultime. Ce sera un XF23mm, reste à savoir lequel… Bravo Damien, bonne route à toi!

    1. Merci Baptiste pour ton commentaire. Par contre tu n’a pas bien lu l’intro, c’est Jean-Matthieu Gautier qui a testé l’appareil et l’objectif 😉

      1. Désolé, effectivement c’est relativement clair si l’on fait un peu attention… 🙂 Et bien bravo à Jean-Matthieu Gautier! :

  2. Mmm. Je découvre cet article un peu tardivement (je ne suis inscrit sur le site que depuis peu!) et une question me taraude également…
    Je lis qu’avant ce test Jean-Matthieu a pu également utiliser un certain temps le 35mm f/1.4 , et justement, voulant faire actuellement l’acquisition d’une focale fixe pour mon fuji, mon cœur balance un peu entre les deux versions (f/1.4 ou f/2)!
    A l’usage, le f/2 , qui de fait un peu partout semble avoir meilleure réputation (meilleur rendu en périphérie de l’image, même à ouverture moyenne), n’apparait-il cependant pas beaucoup moins lumineux que son prédécesseur?

    1. Bonjour,
      oui, c’est évident que dans certaines situations, la différence de diaff joue pas mal.
      Mais avec les possibilités de montées en iso qu’offre le Xpro 2, j’avoue ne pas y avoir trop prêté attention.
      D’autant que, par principe, j’essaie de ne pas ouvrir à plein.
      En l’occurrence donc cette différence d’ouverture n’a jamais été un problème pour moi 🙂

      1. Merci beaucoup pour cette réponse! Bien qu’étant sur XT1, je sens quand-même petit à petit mon choix pencher aussi de plus en plus vers le f/2… Bonne continuation à vous!